Un trou noir en fuite dans la Galaxie?
 
18 novembre 2002



Contact DAPNIA :
Félix MIRABEL

Le lien entre les explosions d'étoiles et les trous noirs

Détection du mouvement propre d'un trou noir dans notre Galaxie.

Une équipe internationale d'astrophysiciens conduite par Félix Mirabel du Service d'Astrophysique vient, en mesurant le mouvement propre du système GRO J1655-40 dans le plan de notre Galaxie, d'établir un lien entre les trous noirs et l'explosion des étoiles massives, les supernovae. Résidus possibles de ces gigantesques évènements cosmiques, ces trous noirs de masse stellaire recoivent lors de ces explosions une formidable impulsion les propulsant dans l'espace interstellaire à des vitesses considérables.

Les étoiles massives finissent leur vie en une titanesque explosion, une supernova, laissant comme résidu selon leur masse initiale  une étoile à neutrons ou un trou noir. L'association supernovae/étoiles à neutrons a été définitivement confirmé il y a plus de 30 ans  par la découverte des pulsars radio, ces objets extrèmement denses dont la rotation produit pour un observateur lointain une émission périodique, à l'image classique d'un phare éclairant régulièrement le ciel nocturne. La magnifique Nébuleuse du Crabe et son non moins célèbre pulsar sont le plus bel exemple de l'existence de telle association. Dans le cas des trous noirs de masse stellaires et bien que nous possédions déjà de très fortes indications observationnelles de l'existence d'une douzaine d'entre eux dans notre Galaxie, ce lien restait à être démontré.

Les observations menées par l'équipe de Mirabel et objet d'un article à paraitre dans la revue "Astronomy and Astrophysics" permettent d'établir cette relation. Utilisant le télescope spatial Hubble, cette équipe a pu observer le déplacement ou mouvement propre de GRO J1655-40, un système binaire contenant un trou noir. 

Le système GRO J1655-40 appartient à la classe des microquasars, systèmes constitués d'un trou noir de masse stellaire autour duquel gravite une étoile. La luminosité de l'étoile compagnon et/ou les phénomènes physiques résultant de l'accrétion de matière par le trou noir permettent la détection indirecte de celui-ci, rendu ainsi  "visible" à  l'observateur. Consulter notre actualité scientifique

En procédant à des observations étalées sur plusieurs années, cette équipe a pu établir que le trou noir se déplaçait à la vitesse de 112 km/sec soit 400 000 km/heure. Du fait de la distance de l'objet, cette vitesse considérable ne correspond néanmoins qu'à un déplacement infime sur le plan du ciel. Sa mesure nécessite donc une précision fabuleuse, rendue possible grâce à l'extraordinaire acuïté du télescope spatial et à la finesse des images qu'il délivre.Le mouvement observé de ce trou noir est la conséquence selon les auteurs de ces travaux, de l'impulsion reçue au moment de l'explosion de la supernova. De même, les auteurs ont pu ainsi déterminer l'histoire de ce trou noir et reconstituer sa trajectoire dans notre Galaxie. Cette trajectoire est symbolisée en rouge sur la première image.

Découvrir des systèmes similaires dans notre Galaxie, reconstituer la trajectoire de ces trous noirs durant leur périple et déterminer en quelque sorte leur lieu de naissance restent maintenent un objectif majeur de la communauté des astrophysiciens. Le lancement réussi  du satellite de l'Agence Spatiale Européenne (ESA)  INTEGRAL le 17 octobre 2002 est un atout de première importance dans la réalisation de ces objectifs. Nul doute que découvertes et surprises seront très prochainement au rendez-vous.

Pour en savoir plus:






Vue d'artiste d'un tel système binaire (crédit image: ESA)




"The runaway black hole GRO J1655-40" 
I.F. Mirabel, R. Mignani, I. Rodrigues, J.A. Combi, L.F. Rodriguez and F. Guglielmetti
Astronomy & Astrophysics. Une version pdf est disponible içi.

Cette collaboration inclue les laboratoires du Service d'Astrophysique du CEA, the Institute for Astronomy and Space Physics/Conicet (Argentine),  the European Southern Observatory (Allemagne), CNPq (Brésil), the Argentinean Institute for Radioastronomy (Argentine), UNAM (Mexique),  the Max Planck Institute for Extraterrestrial Physics & Max Planck Institute for Plasmaphysics(Allemagne).