La formation des structures dans l'Univers testée avec XMM : première observation détaillée d'un amas de galaxies lointain.
 
  3 mai 2002
 

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Monique Arnaud
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Satellite XMM-Newton

Comment les structures, gravitationnellement dominées par la matière noire, se forment et évoluent dans l'Univers, est une question majeure de la cosmologie contemporaine. Les amas de galaxies, les plus grandes structures gravitationnellement liées, sont des outils priviligiés pour répondre à cette question.

XMM a observé l'amas de galaxies RXJ1120.1+4318 découvert par le satellite ROSAT à un redshift de z=0.6 (correspondant à 60% de l'âge actuel de l'Univers). La figure 1 montre l'image XMM de cet amas, qui apparait régulier et relaxé. La très grande sensibilité de XMM a permis de mesurer avec une précison inégalée la distribution de gaz dans cet amas, pratiquement jusqu'au rayon du viriel (extension physique de l'amas) et, pour le première fois à un tel redshift, le profile de température et d'entropie (M.Arnaud, S.Majerowicz, D.Lumb, D.Neumann et al, 2002, A&A, sous presse, http://arXiv.org/abs/astro-ph/0204306. Chandra n'a pas la sensibilité pour faire ce genre d'étude à ce redshift.

Les modèles les plus simples de formation des amas par collapse gravitationnel prédisent que la structure interne de tous les amas est similaire et que la densité moyenne de matière (dominée par la matière noire) à l'intérieur d'un amas observé à un redshit donné est proportionnelle à la densité de l'Univers à ce redshift. La densité de l'Univers augmentant avec le redshift (en (1+z) au cube), on s'attend donc à ce que les amas plus distants soient plus denses que les amas proches. Dans ce modèle standard, le gaz suit la matière noire et la fraction de gaz dans les amas est simplement la fraction de gaz de l'Univers. La fraction de gaz dans les amas n'évolue donc pas et la densité du gaz des amas va aussi augmenter avec le redshift, comme la densité de matière noire.
Nous avons comparé le profil radial de l'intensité X (proportionel à l'intégrale sur la ligne de visée de la densité de gaz au carré) de RXJ1120.1+4318 au profil moyen des amas proches (tiré de Neumann & Arnaud, 2001, A&A, 373, L33). Pour tester le modèle décrit plus haut les données ont été normalisées en fonction de la densité de l'Univers au redshift correspondant. Le rayon est normalisé par le rayon du viriel. La figure 2 montre les points de mesure de RXJ1120.1+4318, le profil moyen des amas proches (trait continu), la dispersion typique autour du profil moyen (traits en pointillé). On observe un excellent accord entre le profil normalisé de RXJ1120.1+4318 et celui des amas proches: forme et et intensité similaire. Le profil de température est aussi similaire au profil des amas proches. Ces données, similarité de forme et densité de gaz évoluant comme la densité de l'Univers, suggèrent que le modèle simple de formation est valide.

Nous savons cependant, par l'observation des amas proches, que ce modèle simple de formation, faisant uniquement intervenir la gravitation, ne suffit pas à expliquer toutes les observations. En particulier un excès d'entropie est observée au coeur des amas froids. L'origine de cet excès reste inexpliqué: il pourrait être lié au refroidissement radiatif, au chauffage supplémentaire par des Noyaux Actifs de galaxies ou des vents galactiques. Nous ne savons pas non plus quand ces processus ont lieu.
RXJ1120.1+4318 fourni des indications très intéressantes. On observe dans le centre de cet amas une entropie remarquablement similaire à l'excès d'entropie observé dans les amas proches. L'amas étant jeune, il n'a pas eu le temps de ce refroidir. Ces données favorisent clairement les modèles de chauffage et, au vu du redshift de l'amas, indiquent que ce processus de chauffage supplémentaire a lieu à grand redshift.

Cette observation fait partie d'une étude systématique en cours des propiétés des amas distants avec XMM. Nous espérons ainsi mieux contraindre les scénarios de formation, mais aussi les paramètres cosmologiques. Les quantitées mesurées dépendent en effet de la distance et donc de Omega et Lambda, ainsi que le modèle d'évolution de l'Univers. Cette dépendance n'est cependant pas assez forte pour donner des contraintes à partir d'un seul amas.

           

Figure 1: Image de l'amas RXJ1120.1+4318 vu par l'instrument EPIC à bord du satellite XMM.

 


Figure 2: Profil radial normalisé de l'intensité X de RXJ1120.1+4318 (point de mesures). Le rayon est normalisé au rayon du viriel et l'intensité X, proportionelle à l'intégrale sur la ligne de visée de la densité de gaz au carré, est normalisée selon le modèle standard de formation des structures qui prévoit que la densité de gaz suit la densité de l'univers au redshift de l'amas. Les points de mesure de RXJ1120.1+4318 sont en bon accord avec le profil normalisé moyen des amas proches (trait plein), compte tenu de la dispersion typique autour de ce profil (traits en pointillé).