Présentation générale
SNLS a eu pour objectif la recherche de supernovae de type Ia à grand décalage spectral pour la cosmologie. Elle appartient à la seconde génération d’expériences sur ce thème, lancée suite à la découverte inattendue de l’accélération du taux d’expansion de l’Univers par les premiers programmes de supernovae lointaines à la fin des années 1990.
SNLS a utilisé le télescope Canada-France-Hawaï (CFHT) de 3,6 m de diamètre situé sur le sommet du Mauna Kéa à Hawaï et équipé de la caméra CCD à grand champ, MegaCam, conçue et assemblée à l’Irfu. Programmé pour cinq ans de 2003 à 2008, le relevé a, conformément à ses ambitions, détecté et mesuré précisément plusieurs centaines de supernovæ de type Ia à des décalages entre 0.2 et 1.0, à comparer à une cinquantaine d’objets pour les expériences antérieures. De quoi reprendre la question de l’accélération du taux d’expansion de l’Univers avec une précision accrue et une méthodologie raffinée, ce que SNLS a fait en une série de publications qui ont eu un fort retentissement dans la communauté internationale de cosmologie.
SNLS a été et reste encore le programme de recherche de supernovae à grand décalage spectral le plus performant du monde.
Contact : Vanina RUHLMANN-KLEIDER
Irfu/SPP (Saclay), IN2P3/LPNHE (Jussieu), INSU/LAM (Marseille), IN2P3/CPPM (Marseille), University of Toronto (Canada), University of Victoria (Canada)
Ensemble des courbes de lumière de candidats supernovae détectés par SNLS sur 18 mois. Typiquement, une dizaine de nouveaux événements étaient détectés par mois sur chaque champ. Trois filtres sur les quatre utilisés sont montrés. Crédit : SNLS collaboration.
Les supernovae ont été recherchées dans des images profondes (temps de pose cumulé sur la nuit de près d'une heure par filtre), prises par MegaCam au CFHT. Afin d’assurer la permanence des détections tout au long de l’année, les observations ont été faites sur quatre champs de 1 degré carré chacun, chaque champ étant observable depuis Hawaï sur une durée de 7 mois environ.
SNLS suivait deux champs simultanément à toute époque de l’année. Les supernovæ y étaient détectées en recherchant une augmentation de flux par rapport à celui des galaxies hôtes. Pour mesurer le flux, des images étaient prises tous les trois à quatre jours en dehors des périodes de pleine lune. Quatre filtres (ou bandes de fréquence) ont été utilisés, de l’optique à l’infrarouge proche pour couvrir toute la gamme de longueurs d’onde du spectre des supernovæ.
La confirmation du type et la mesure du décalage vers le rouge des supernovae découvertes et suivies dans les images du CFHT ont nécessité de mesurer des spectres (temps de pose cumulé de 40 min à 1 h en fonction du flux de la) sur des télescopes de 8 m partenaires : VLT (Chili), Gemini (site du Chili et site de Hawaï) et Keck (Hawaï).
Contributions de l’Irfu :
Services techniques (DEDIP, DIS) : conception et assemblage de MegaCam, la plus grande caméra CCD du monde (plus de 300 millions de pixels) lors de son installation en 2003. MegaCam permet de couvrir une portion de 1 degré carré sur le ciel en un seul pointé.
Service de physique (DPhP) : le groupe a mis au point une analyse des données de SNLS pour rechercher des supernovae en temps différé et sans recourir aux spectres, préfigurant les stratégies des programmes ultérieurs de détection de supernovae lointaines (comme celui en cours sur DES ou le futur volet supernovae prévu au LSST).
Le groupe s’est plus récemment intéressé à explorer la piste des modèles de gravité modifiée pour expliquer l’accélération du taux d’expansion de l’Univers, découvert et confirmé par les supernovae lointaines, ainsi que par l’étude d’autres phénomènes astrophysiques d’intérêt pour la cosmologie (rayonnement fossile, oscillations baryoniques acoustiques).
Publications majeures de SNLS :
Publications du groupe du DPhP :
Contraintes sur deux des paramètres d’un modèle Galiléon réduit à sa solution dite ‘tracker’. Les contraintes des supernovae Ia (bleu), du rayonnement fossile combiné aux oscillations de baryons (vert) et du taux de croissance des structures (orange) sont en fort désaccord. Cette solution est donc rejetée. Par contre, le modèle du Galiléon général est en aussi bon accord avec ces mêmes données que le modèle de la constante cosmologique. Tiré de Neveu et al., arXiv:1605.02627.
Thèses effectuées dans le groupe du DPhP :
V. Lusset (2003-2006), G. Bazin (2005-2008), J. Neveu (2011-2014), A. Möller (2012-2015).
La caméra astronomique MegaCam qui vient d'être mise en service est de loin la plus grande caméra d'imagerie astronomique au monde. D'un poids total de 345 kg pour une dimension de 1,2 m de diamètre et une hauteur de 1,7 m, sa caractéristique principale est la très grande dimension de sa surface sensible constituée d'un réseau de près de 400 millions de pixels (pour "picture element"), microéléments électroniques couvrant une surface de 900 cm2. Pour la première fois, les astronomes disposent enfin d'une caméra numérique de très grande précision dont les dimensions atteignent celles des grandes plaques photographiques utilisées dans le passé.
Le télescope CFH de de 3.6 m équipé du nouveau foyer MegaPrime assurant le support et l'adaptation de la caméra MegaCam © CEA/DAPNIA, 2002 (cliquer pour agrandir).
L'adaptation de la caméra au télescope CFH de 3,6 m de diamètre a été réalisée par la création d'un nouveau foyer primaire baptisé "MegaPrime". Grâce à cette nouvelle installation la surface du ciel couverte en une seule pose par la caméra MegaCam est supérieure à 1 degré carré, soit 4 fois la surface couverte sur le ciel par le Soleil ou la Lune, et surtout plus de 3 fois supérieure à la surface accessible à la plus grande caméra utilisée jusqu'ici, la caméra CFH12K, elle aussi installée sur le télescope Canada-France-Hawaii. Cette taille exceptionnelle permet un gain de temps d'observation considérable qui rend désormais possible de très ambitieux programmes d'observations. Certains sondages envisagés qui nécessiteraient ainsi plus de 1500 nuits de télescope, soit environ 15 ans à raison de 100 nuits par an avec la caméra CFH12K, seront réalisés en moins de 5 ans avec MegaCam.
Le cœur de la caméra est constitué par une mosaïque de détecteurs électroniques de type CCD (pour Charge-Coupled-Devices ou dispositifs à transfert de charges), analogues dans leur principe à ceux qui équipent les caméras et appareils photographiques grand public. Chaque CCD est constitué d'un réseau de micro-éléments (ou pixels) dont la surface, sensible à la lumière, enregistre des charges électriques proportionnelles à la quantité de lumière reçue. Chaque "pixel" a une dimension de seulement 13,5 micromètres (ou 13,5 millionième de mètre). Pour atteindre une surface d'environ 30 cm de côté permettant de couvrir une portion de ciel de plus de 1 degré carré, le détecteur nécessaire doit comporter environ 400 millions de pixels ! Un détecteur d'une telle taille, près de cent fois celle des appareils grand public, n'existe pas à l'heure actuelle. Pour le réaliser, les équipes du CEA-DAPNIA ont choisi de constituer une mosaïque de 40 détecteurs CCD indépendants (CCD42-90 de l'entreprise E2V Technologies), comprenant chacun 10 millions de pixels. La principale innovation de cette mosaïque est qu'elle est composée de 4 rangées de détecteurs, alors qu'auparavant les mosaïques étaient limitées à 2 rangées pour des problèmes de connections électriques des détecteurs. Les détecteurs CCD les plus centraux ont du en effet être placés ici bord à bord sur leurs quatre côtés, une première dans l'architecture des mosaiques de CCD.
La mosaïque CCD de la caméra MegaCam, est constituée de 40 détecteurs individuels de 2048x4612 pixels chacun, formant une surface sensible totale d'environ 30 cm de côté © CEA/DAPNIA 2001 |
A la différence des appareils grand public qui fonctionnent à la température ambiante, les détecteurs CCD astronomiques sont refroidis et maintenus à température très basse. Les détecteurs CCD de MegaCam fonctionnent à une température de -120 ° C, ce qui permet d'augmenter considérablement leur sensibilité qui atteint ainsi un niveau plusieurs centaines de milliers de fois plus élevé que dans les appareils photo numériques grand public. Le plan focal de la caméra MegaCam qui porte les CCD est une "table froide" en aluminium de 25 mm d'épaisseur, recouverte de nickel et refroidie par un système original dit "à tube pulsé" développé par le Service des Basses Températures du CEA. Ce système est une machine cryogénique qui fonctionne en circuit fermé avec de l'hélium gazeux et est ainsi autonome. Cette innovation permet de s'affranchir à la fois des contraintes de remplissage de liquide cryogénique (en général à l'azote liquide) et également des vibrations mécaniques produites par les cryo-générateurs traditionnels. L'ensemble est contrôlé en permanence automatiquement et l'écart en température n'excède pas 3 degrés entre les différents points de la table et 2 degrés entre les différents CCD. Cette table positionnée au foyer doit être également parfaitement plane pour ne pas introduire de flou dans les images. Elle a du être usinée avec une précision d'environ 60 millionièmes de mètres, ce qui pour sa dimension représente une irrégularité de moins d'un centimètre sur la surface d'un terrain de football.
L'électronique de contrôle et de lecture des CCDs a été conçue spécifiquement pour MegaCam, les contrôleurs couramment utilisés n'ayant pas des performances suffisantes pour une mosaïque CCD d'une telle taille. Le développement, réalisé par le Service d'Électronique, des Détecteurs et d'Informatique (SEDI) du CEA-DAPNIA, permet de lire la totalité des 400 millions de pixels de la caméra en 30 secondes, avec d'excellentes performances en terme de bruit de lecture (5 électrons par pixel).
Tout comme dans le cas d'un appareil photo traditionnel, MegaCam doit être équipée d'un obturateur qui s'ouvre et se ferme au début et à la fin de la pose. La taille de la caméra est telle qu'il a fallu développer un obturateur géant de 1 m de diamètre !
Huit filtres géants (30 cm de côté) sont également utilisés devant le plan focal pour sélectionner les longueurs d'onde auxquelles les objets seront observés. Ceci permet d'obtenir les vraies couleurs des étoiles et des galaxies, et même de façon assez précise la distance de ces dernières. Le changement des filtres s'effectue de façon totalement automatique grâce à un dispositif mécanique très élaboré, un chargeur de type "juke-box"
Enfin, l'ensemble est piloté par des automates, de manière à assurer la sécurité de l'instrument.
La caméra MegaCam en cours de tests au CEA, © CEA/DAPNIA 2002 |
La taille de la caméra MegaCam pose un problème nouveau en particulier pour le stockage de l'information. Chaque image MegaCam représente environ 770 Megabytes de données (soit 770 millions d'octets). Une centaine d'images sont produites par nuit d'observation, soit 77 Gigabytes pour un programme scientifique classique sur plusieurs nuits, le volume de données atteint environ 1 Terabyte, soit mille milliards d'octets. Pour traiter ce volume impressionnant de données, un centre de données particulier baptisé "Terapix" a dû être créé sous la responsabilité de l'Institut d'Astrophysique de Paris.
MegaCam est un instrument complet comprenant non seulement un récepteur CCD de nouvelle génération mais aussi une électronique de contrôle totalement intégrée, un cryostat à tube pulsé, une structure mécanique comportant un obturateur et un chargeur de huit filtres et un automate de pilotage de l'ensemble.
|
Contact :
Textes : Jean-Marc Bonnet-Bidaud, Olivier Boulade, Xavier Charlot
• Structure et évolution de l'Univers › Univers sombre
• Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP) • Le Département de Physique des Particules (DPhP)