08 février 2008
Naissance d’une micro-caméra X
Des matrices de détecteurs ultracompactes pour l’Astrophysique des hautes énergies

Une micro-caméra X dotée de performances exceptionnelles vient de voir le jour au CEA. Fruit de trois années d’étude, cette caméra ultra-compacte sensible aux photons compris entre 2 et 250 keV comble un fossé entre deux domaines, celui des rayons X de basse énergie et les photons gamma. Son architecture et son électronique de dernier cri lui confèrent des performances de premier plan aussi bien en finesse d’image que dans ses remarquables propriétés en spectroscopie. Cette caméra de nouvelle génération ouvre de nouvelles perspectives pour l’astrophysique des hautes énergies et sera au cœur de la mission Simbol-X. La future caméra Eclairs de la mission SVOM exploitera quant à elle son électronique de lecture.

 

Un fossé comblé dans la détection des rayons X

Explorer à l’aide d’un détecteur unique une fenêtre spectrale s’étendant des rayons X de basse énergie (inférieure à 10 keV) à ceux de plusieurs centaines de keV est au cœur des préoccupations de plusieurs équipes de par le monde depuis plusieurs années. Une équipe du CEA vient de relever ce défi en concevant et en réalisant une micro caméra très versatile.  Le premier prototype, dénommé Caliste 64, est équipé d’une matrice de 8x8 pixels indépendants en CdTe, un matériau reconnu pour être un excellent détecteur de photons X et gamma. Cette réalisation de micro-détecteurs est aujourd'hui possible grâce à de nouveaux procédés de fabrication compatibles  avec les exigences d’une utilisation dans l’espace (chocs, résistance aux radiations…). La particularité essentielle de ce prototype réside dans son architecture innovante qui a permis de construire un détecteur extrêmement compact en forme de tour, a peine plus grand qu'un morceau de sucre. Les chercheurs et ingénieurs sont en effet parvenus à « l'habiller » d'une électronique de lecture des pixels extrêmement performante, placée perpendiculairement au plan de détection. Cet aspect novateur permet de juxtaposer un grand nombre de matrices élémentaires, sans pratiquement aucune zone morte. Ceci ouvre la possibilité d’une caméra grand champ en rayons X à l’image des mosaïques de CCD opérant dans le domaine optique.

 
Naissance d’une micro-caméra X

Caliste 64, tour dorée placée au cœur de son banc de test sur l’image centrale, est équipé de 64 pixels de 900 micromètres. L’épaisseur du cristal est selon l’application comprise entre 0.5 et 6 mm. Elle couvre une surface totale de 1 cm2. L’électronique de lecture qui intègre au total plus de 50000 transistors est située sous le plan de détection et ne mesure que 18 mm de hauteur (couleur or, voir image de gauche). Elle est constituée de micro-puces empilées (des ASICs). La figure de droite est un zoom sur les points de contact (pastilles dorées) de chaque pixel avec sa chaine de lecture.

Les nombreux essais effectués en laboratoire depuis trois ans ont permis de choisir les meilleures options aussi bien sur le plan technologique et électronique que sur le plan des conditions d’utilisation du dispositif. En particulier, plusieurs études ont été menées pour définir la température de fonctionnement optimale. Ces tests viennent de montrer des performances remarquables, bien souvent des premières. Cette micro caméra permet de mesurer avec une grande précision la position du photon incident ainsi que son énergie et son temps d’arrivée. A titre d’exemple, elle permet de dater un photon de 60 keV à 100 nanosecondes près et d’en déterminer l’énergie avec une précision de 1.3 pourcent, soit pratiquement un gain d’un facteur dix par rapport aux détecteurs actuellement en fonctionnement (voir comparaison ci-contre entre Isgri et Caliste 64).  Ceci place cette nouvelle caméra dans le peloton de tête mondial pour ce type de détecteurs.

 

Un outil de choix au service de l’astrophysique des hautes énergies

L’astrophysique des hautes énergies trouve avec l’avènement de cette caméra un outil dont elle a longtemps rêvé. En effet, il devient dorénavant possible avec un détecteur unique d‘observer les objets célestes dans une gamme d’énergie qui nécessitait jusqu’ici l’usage de deux dispositifs différents, comme à titre d’exemple le satellite XMM-Newton pour le domaine des rayons X de basse énergie et la caméra ISGRI à bord de l’observatoire INTEGRAL à plus haute énergie. Or cette fenêtre spectrale permet d’accéder à des informations scientifiques de premier plan sur des objets aussi divers que les vestiges de supernova, les astres compacts de la Voie lactée ou bien encore le milieu diffus qui baigne la Galaxie. Ces sources célestes pourront être pour la première fois observées et étudiées par un même dispositif expérimental.

 
Naissance d’une micro-caméra X

L’un des atouts majeurs de cette caméra est sa faculté à reconstituer l’énergie d’un photon avec une très grande précision. L’image ci-dessus (au centre) est un cliché du vestige de supernova Cassiopée A, résidu de l’explosion d’une étoile il y a 300 ans. A gauche la distribution en énergie (spectre) obtenue par la caméra ISGRI. Les deux raies en émission indiquées par les flèches rouges signent la présence du Titane 44, un élément synthétisé au cours de l’explosion de l’étoile. Le spectre sur la figure de droite est une simulation effectuée dans le cadre du projet Simbol-X avec une caméra de type Caliste-64 placée au plan focal du télescope. Les deux raies du Titane 44 sont clairement séparées et bien mieux échantillonnées, preuve d'un pouvoir dispersif (ou résolution spectrale) supérieure. Les informations dorénavant accessibles permettront de déterminer avec précision les vitesses d’éjection de matière dans ce reste de supernova et de quantifier la masse de Ti44 produite lors de l’explosion. Crédits : cliché (NASA), spectres (CEA/SAp).

La prochaine étape du projet consiste à mettre au point dès 2008 d'un module encore plus performant, Caliste 256 doté de pixels de 500 micromètres. Cette matrice sera le prélude à la future caméra de 64 cm2 de surface qui équipera le plan focal du télescope Simbol-X, une mission franco-italienne dédiée à l’observation du ciel dans la gamme 1-100 keV et qui sera lancée en 2014. L’électronique de lecture de Caliste 256 équipera d'autre part la caméra du télescope Eclairs, un instrument destiné à l’étude des sursauts gamma dans le cadre de la mission franco-chinoise SVOM prévue pour être lancée en 2012.

 

Contact :  

Publication :

"CALISTE 64, an innovative CdTe Hard X-ray micro-camera"
A. Meuris (1), O. Limousin (1), F. Lugiez (2), O. Gevin (2), F. Pinsard (1), I. Le Mer (1), E. Delagnes(2), M.-C. Vassal(3), F. Soufflet(3), R. Bocage (3)
(1) DSM/DAPNIA/SAp, CEA Saclay, Gif-Sur-Yvette, FRANCE
(2) DSM/DAPNIA/SEDI, CEA Saclay, Gif-Sur-YVette, FRANCE
(3) 3D Plus, Buc, FRANCE
à paraitre dans la revue IEEE TNS, avril 2008
- pour une version électronique :  (fichier pdf - 440 Ko)

Pour en savoir plus:

 


Note :

Cette caméra est le résultat d'activités de recherche et développements sur les détecteurs CdTe menées au CEA,  dans la suite logique du programme INTEGRAL/ISGRI. Elle a bénéficié du support actif du Centre national d’études spatiales (CNES) et résulte d'une collaboration entre deux services du CEA-IRFU, le Service d'Astrophysique en tant que service pilote et le Service d'Electronique des Détecteurs et d'Informatique (Sédi). La réalisation du prototype repose sur l’expertise et les moyens de production de 3D PLUS, une société spécialisée dans la packaging électronique 3D. Fait assez rare pour être mentionné, Caliste n’est pas un acronyme mais simplement le prénom d’un enfant.


Rédaction : Christian Gouiffès et Olivier Limousin

 
#2343 - Màj : 08/02/2008

 

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