09 janvier 2007
Spaladin et la cible cryogénique
Une nouvelle cible d’hydrogène liquide vient d’être mise en place dans le cadre du programme Spaladin au GSI-Darmstadt (Allemagne) qui étudie les interactions entre des ions lourds et des protons. Cette cible doit réduire au maximum les interactions parasites à la fois dans les parois de la cible et dans la cible elle-même. Pour soutenir cette gageure, les ingénieurs-chercheurs et techniciens du Dapnia ont conçu une cible qui fait appel à d’astucieuses innovations techniques.
 
La spallation désigne l’ensemble des réactions induites lorsqu’un proton ou un neutron frappe un noyau avec une énergie cinétique de l’ordre du GeV. Le noyau évacue alors le surcroît d’énergie qui vient de lui être apporté par l’émission de particules ou en fissionnant dans le cas des noyaux lourds. La spallation joue un rôle essentiel dans les réacteurs nucléaires sous-critiques qui sont à l’étude actuellement.

Pour rendre toutes les particules produites dans les réactions de spallation plus facilement analysables, les expériences comme Spaladin choisissent d’accélérer des noyaux lourds sous forme d’ions, c’est-à-dire débarrassés de leurs électrons, et de les faire interagir sur des noyaux d'hydrogène, constitués d'un unique proton. L'hydrogène, sous forme liquide, est contenue dans une cible sur laquelle vient frapper le faisceau d'ions lourds. Mais il se produit toujours des réactions parasites, certaines entre les ions lourds et les matériaux de l’enceinte contenant l’hydrogène (les fenêtres), d’autres issues de réactions secondaires entre les résidus de fission et l’hydrogène.
 
Spaladin et la cible cryogénique

Fig. 1 : Le système complet, avec en bleu le porte cible, et à droite les réservoirs à soufflet.

Le nouveau programme Spaladin est conçu pour mesurer à la fois les particules et les résidus lourds émis lors de la spallation, et pour cela il est fondamental d’éviter les réactions parasites. Les physiciens ont donc choisi de réduire à la fois l’épaisseur de la cible (tout en gardant un taux d’interactions suffisant) et celle des fenêtres.

Les équipes du Dapnia ont mis au point une nouvelle cible d’hydrogène de 3 mm d’épaisseur (les anciennes faisaient 10 mm), avec des fenêtres ultra-minces qui réduisent d’un facteur 10 les réactions parasites. Ces fenêtres, de 25 mm de diamètre, sont réalisées en mylar aluminisé de 6 microns d’épaisseur. Leur épaisseur a été calculée pour être la plus faible possible, à la température de 15,22 kelvins, ce qui a imposé de travailler avec une différence de pression très faible, de 150 hPa, de part et d’autre des parois de la cible. Celle-ci se trouvant dans une enceinte à vide, il n’était plus possible de travailler avec une pression d’hydrogène légèrement supérieure à la pression atmosphérique, comme cela se fait habituellement.
 
 
 
 
 
Une conception originale du système de remplissage et de vidange de la cible a permis le maintien de cette différence de pression, quel que soit l’état du système (mise sous vide initiale, liquéfaction, exploitation, retour à la pression atmosphérique). Le principe retenu (figure 2) est de faire varier le volume de la réserve de gaz tout en le maintenant à cette faible pression, au fur et à mesure de la liquéfaction de l’hydrogène. Cette variation est réalisée à partir d’un soufflet formant la paroi intérieure de la réserve. Ce soufflet métallique très souple est fermé par un bouchon, dont le poids est calculé pour obtenir la différence de pression désirée, l’espace intérieur du soufflet étant relié à l’enceinte à vide de la cible. Le soufflet «appuie» sur le gaz, ce qui améliore sa stabilité et ne nécessite aucun système de guidage lors de son déplacement.
 
Spaladin et la cible cryogénique

Fig. 2 : Schéma de principe du système de stabilisation de la pression.

Spaladin et la cible cryogénique

Fig 3 : a) Position basse, cibles pleines;
b) Position haute, cibles vides.

 
 
 
 
 
Au démarrage de la liquéfaction le soufflet est en compression (bouchon en position haute) et le volume de la réserve de gaz est à son maximum. Quand la cible est pleine le soufflet est en extension (bouchon en position basse) et le volume mort résiduel est à son minimum.
La réserve de gaz est composée de trois soufflets permettant une variation de volume total de 100 litres nécessaire pour le remplissage des cibles (Figures 3). Une fois liquéfié, cela représente 21 cm3 d’hydrogène liquide dans les cibles.
 
 
 
 
Pour piloter cette nouvelle cible, un système de contrôle électronique et informatique permet de gérer le mouvement de translation du cryostat afin d’amener sur l’axe du faisceau les différentes cibles : deux cibles «liquides» et deux cibles «fantômes» fixées sur la partie inférieure de l’écran thermique, et une position «vide». Ce système assure aussi la régulation en température du cryogénérateur avec une stabilité de 0,01 K. Enfin, il prend en charge la gestion des alarmes et la mise en sécurité de l’installation en cas de défauts constatés (vide, pression d’hydrogène, perte de régulation de température, rupture de fenêtre).
 
Spaladin et la cible cryogénique

Fig. 4 : Ensemble cryostat et cibles.

 
 
La nouvelle cible servira dans les deux prochaines expériences Spaladin acceptées par le comité de recommandation scientifique de GSI, et plus tard dans le cadre du projet R3B sur la future machine FAIR.
 

Contact : Philippe Chesny

 
#1014 - Màj : 29/09/2017

 

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