21 janvier 2009
Les matières nucléaires repérées par leurs émissions retardées!

Une gestion efficace des colis de déchets nucléaires est conditionnée par l'identification et la quantification des matières nucléaires qu'ils contiennent. Au CEA des méthodes non destructives de caractérisation de ces colis sont mises au point afin de les classifier et les orienter vers le stockage adéquat. Les mesures passives qui consistent à mesurer les radiations émises naturellement sont insuffisantes car le contenu, nucléaire et autre, du colis joue le rôle d'un blindage. A contrario, l'irradiation par photon pourrait permettre de quantifier et d'identifier le contenu en actinides (éléments dont le numéro atomique est supérieur à 89) d'un colis. Depuis quelques années, une équipe du Service de physique nucléaire de l'Irfu, dans le cadre du projet PhotoNuc, mesure les caractéristiques de l'émission des neutrons et gamma retardés émis par les fragments issus de la fission induite par photon (photofission) des actinides. Ces données sont essentielles à l'optimisation d'un dispositif visant à trier un nombre important de fûts de déchets. Les résultats pour les gamma retardés ont fait l'objet d'une communication à la conférence PHYSOR081 et ont été sélectionnés pour publication rapide dans Annals of Nuclear Energy.  

 

Deux types de sondes sont habituellement utilisés pour inspecter les colis : les neutrons ou les photons produits par le ralentissement d'un faisceau primaire d'électrons dans la matière. En absorbant un neutron ou un photon de 10-15 MeV, les actinides peuvent fissionner. Les produits de fission ainsi formés sont généralement radioactifs et vont, au bout d'un certain temps (demi-vie) variant typiquement de quelques millisecondes à la centaine de secondes, émettre des rayons gamma ou des neutrons. Le principal intérêt de ces émissions retardées est qu'elles permettent de s'affranchir du rayonnement lié au faisceau incident. Pour chaque type de radiation, neutron ou gamma, on classe les produits de fission émetteurs en fonction de leur demi-vie puis on les regroupe. Chaque groupe est caractérisé par sa demi-vie moyenne et son rendement.

 

L'utilisation des neutrons et des gamma est parfaitement complémentaire. Les neutrons sont sensibles à la présence d'éléments légers (ralentissement, diffusion) dans la matière tandis que les rayons gamma sont plutôt atténués par les éléments lourds. En combinant les irradiations neutron et gamma et en étudiant les deux types d'émissions retardées, on peut ainsi identifier et quantifier les actinides présents dans le colis. Pour ce faire, il faut préalablement connaître les caractéristiques des radiations émises pour chaque actinide. Si pour l'émission de neutrons retardés (importants pour le pilotage des réacteurs) des données existent, les émissions de gamma retardé de haute énergie restent mal connues.

 
Les matières nucléaires repérées par leurs émissions retardées!

Fig. 1 : Principe de la photofission appliquée à l'inspection des colis de déchets nucléaires.

Dans le cadre du projet INPHO (INterrogation PHOtonique), fruit d'une collaboration  entre DSM, DEN et DRT financé par la DEN/DPA, une équipe du SPhN mesure les caractéristiques de l'émission des gamma retardés issus de la photofission des actinides. Des mesures ont été effectuées auprès de l'accélérateur ELSA située sur le centre de Bruyères le Châtel (DAM). Un faisceau pulsé d'électrons de 15 MeV d'énergie incidente bombarde une cible de tantale afin de créer un faisceau secondaire de photons. Ce faisceau est ensuite mis en forme au moyen d'un collimateur en plomb d'une cinquantaine de centimètres d'épaisseur (Fig. 1). Les mesures consistent à répéter des cycles d'irradiation et de comptage des gamma en fonction du temps après l'irradiation. Différentes durées d'irradiation et de comptage sont utilisées afin d'obtenir plusieurs spectres. Leur analyse combinée permet d'extraire les caractéristiques de chaque groupe d'émetteurs (Fig. 2).

 

 

L'équipe du SPhN a mesuré les paramètres des 235, 238U, 232Th et 237Np. Grâce à ces mesures, les physiciens ont fourni pour la première fois les paramètres des groupes de gamma retardés associés à ces actinides. Ces résultats, en plus de faire l'objet d'une publication rapide dans ANE, seront présentés dans un article plus complet en cours de rédaction. L'expérience doit se poursuivre prochainement sur une cible de 239Pu.

 

 

 

 

Parallèlement à ces mesures, un travail de simulation est également mené. Dans une première étape elle nous sert à déterminer a priori les paramètres des groupes de gamma retardés associés à un actinide. Dans une deuxième étape les modèles seront raffinés pour reproduire au mieux nos données. Ceci nous permettra alors de prédire de manière fiable les paramètres associés aux actinides difficilement mesurables. Une fois tous ces paramètres mesurés ou estimés, il sera alors possible d'optimiser le dispositif qui permettra de caractériser, de façon non-destructive, les déchets nucléaires du colis.

 

 

Cette technique est également à l'étude pour la réalisation d'équipements de contrôle (lutte contre la prolifération nucléaire) au sein d'une collaboration entre des équipes du SPhN (DSM/IRFU) et du LIST (DRT/DETECS), financée par le projet DEMIP (DAM/DSNP).

 

 

1) P.M. Dighe, E. Berthoumieux, D. Doré, J.M. Laborie, X. Ledoux, V. Macary, S. Panebianco and D. Ridikas. " Delayed gamma studies from photo-fission of 237Np for nuclear waste characterization", PHYSOR2008, Interlaken, Suisse, 14/09/2008-19/09/2008.

 

 

 

 

Contacts SPHN :

Eric BERTHOUMIEUX

Diane DORE

 

 
Les matières nucléaires repérées par leurs émissions retardées!

Fig. 2 : Nombre de gamma retardés de plus de 3 MeV émis en fonction du temps après une irradiation de 60 s d’un échantillon d'uranium 235 par des photons.
Les données expérimentales (en noir) sont en accord avec la somme (en rouge) des contributions de 5 groupes d’émetteurs (en couleur). On note que les émetteurs à longue durée de vie (~200 s) sont dominants (courbe rose) après 100 s, alors que plusieurs groupes contribuent de façon équivalente quelques secondes après irradiation. Différentes combinaisons de temps d’irradiation et de comptage permettent d’extraire les caractéristiques de chaque groupe.

#2556 - Màj : 25/10/2017

 

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