03 avril 2018
Le champ magnétique prépondérant pour la formation des étoiles
Détection par ALMA de l'émission polarisée de la proto-étoile B335

Une équipe internationale conduite par le Département d'Astrophysique/Laboratoire AIM du CEA-Irfu vient de montrer pour la première fois que le champ magnétique joue un rôle fondamental dans l'effondrement des proto-étoiles. Grâce à des observations obtenues au grand radiotelescope ALMA (Atacama Large Millimeter Array) au Chili, les chercheurs ont mesuré la polarisation des poussières au sein de la proto-étoile B335. Cette polarisation, émission de lumière dans une direction privilégiée, résulte de l'alignement des grains de poussières sous l'influence du champ magnétique. Dans B335, cette influence s'exerce sur une très large région autour de la proto-étoile en effondrement. Ces observations apportent la première preuve que l'influence du champ magnétique est prépondérant dans le processus de formation des étoiles de type solaire, et plus spécifiquement dans la formation des futurs disques protoplanétaires. Ces résultats sont sous presse dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.

 

Le champ magnétique et la gravitation

Le milieu interstellaire, où naissent les étoiles, est parcouru de champs magnétiques à grande échelle. Ces champs magnétiques sont observés partout dans les nuages où les étoiles se forment, et il a été suggéré qu'ils pourraient avoir un rôle crucial en influençant l'effondrement des cœurs protostellaires denses qui produisent finalement des étoiles de faible masse comme notre propre Soleil. Les modèles de formation d'étoiles suggèrent que ces champs magnétiques pourraient non seulement aider à soutenir des cœurs protostellaires contre leur propre effondrement, mais aussi qu'ils pourraient affecter de manière significative la rotation de matière dans ces noyaux, affectant finalement la formation des plus jeunes disques circumstellaires, et donc la formation des planètes dans ces disques.
Malheureusement le champ magnétique ne peut pas être observé directement mais son effet peut être mesuré sur les poussières contenues dans le nuage protostellaire en effondrement. Lorsque les grains de poussière sont affectés par un champ magnétique, leurs axes s'alignent partiellement perpendiculairement à la lignes de champ magnétique. Leur rayonnement est alors émis dans une direction privilégiée et la lumière émise est alors dite "polarisée". C'est cette lumière polarisée qui a permis de mesurer l'effet du champ magnétique dans un cœur protostellaire.

 

Le coeur B335 situé dans la constellation de l'Aigle, à une distance d'un peu plus de 300 années-lumière de la Terre a pu être observé grâce au grand interféromètre ALMA. L'émission polarisée des poussières dans le matériel circumstellaire autour de B335 a été détectée avec ALMA, à partir d'un rayon de 50 unités astronomiques (unité astronomique = distance Terre-Soleil = 150 millions de kilomètres) jusqu'à 1000 unités astronomiques, montrant que cette jeune étoile en formation subit l'effet du champ sur une très large région.

 
Le champ magnétique prépondérant pour la formation des étoiles

A gauche : Image de la proto-étoile B335 montrant également l'émission de la poussière détectée par ALMA à la longueur d'onde de 1,29 mm (contours verts) et sa polarisation (contours blancs). Les distances sont marquées par l'echelle de 100 au (unité astronomique UA), en bas à gauche Les flèches marquent la direction d'une éjection de matière vers nous (en bleu) ou en éloignement (en rouge).
A droite : l'intensité de la lumière polarisée (codée en intensité du bleu au jaune) et la direction du champ magnétique déduite (marquée par les tirets blancs). Le champ magnétique est fortement organisé jusqu'à une distance de 1000 UA. Crédit DAp/CEA_Irfu

La direction reconstituée du champ magnétique montre également que le champ est très ordonné selon un axe dominant. Les auteurs suggèrent que cette géométrie du champ est probablement due au fait que les lignes de champ magnétique sont entraînées dans la direction dominante de l’effondrement, puisque B335 ne présente pas de rotation importante à des échelles où le champ magnétique est observé.

Ces données ont été comparées à des simulations numériques reproduisant l'effondrement d'une proto-étoile. Ces simulations confirment que, durant l'effondrement, le champ magnétique maintient un niveau élevé d'organisation capable d'influençer le résultat typique de l'effondrement protostellaire.

C'est la première fois qu'une observation permet de prouver que le champ magnétique a un effet régulant  la formation des étoiles de type solaire, et plus largement la formation des futurs disques protoplanétaires. Les premières phases des disques protoplanétaires sont d'une importance primordiale pour leur évolution future. Ces résultats ont donc également un impact sur notre vision de la façon dont se forment les systèmes planétaires
comme le nôtre.

 
Le champ magnétique prépondérant pour la formation des étoiles

L'image en lumière visible de la proto-étoile B335 (à gauche) comparée à la région étudiée par ALMA (à droite). En lumière visible, B335 reste invisible au coeur d'un nuage opaque. Les observations ALMA en lumière micro-onde (longueur d'onde 1,3mm) ont permis de résoudre et d'étudier la région la plus centrale et de révéler les structures résultant des effets du champ magnétique.

C'est la première fois qu'une observation permet de prouver que le champ magnétique a un effet régulant  la formation des étoiles de type solaire, et plus largement la formation des futurs disques protoplanétaires. Les premières phases des disques protoplanétaires sont d'une importance primordiale pour leur évolution future. Ces résultats ont donc également un impact sur notre vision de la façon dont se forment les systèmes planétaires comme le nôtre.

 

Contact : Anaëlle MAURY

Publication

"Magnetically regulated collapse in the B335 protostar ? I. ALMA observations of the polarized dust emission"
A. J. Maury, J. M. Girart, Q. Zhang, P. Hennebelle, E. Keto, R. Rao, S.-P. Lai, N. Ohashi, and M. Galametz, dans la revue MNRAS (sous presse), https://doi.org/10.1093/mnras/sty574
pour une version électronique : arxiv.org/pdf/1803.00028


Rédaction : A. Maury, J.M. Bonnet-Bidaud

 
#4314 - Màj : 04/04/2018

 

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