04 octobre 2018
Dessiner l'univers: les rayons X apportent une nouvelle lumière
Nouveaux résultats d'un grand catalogue d'amas de galaxies

À l’aide de l’observatoire XMM-Newton de l’ESA, une équipe internationale, dirigée par Marguerite Pierre du Département d'Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA-Irfu  vient de révéler les derniers résultats du sondage XXL, le plus vaste programme d’observation en rayons X réalisé à ce jour par le satellite XMM. Le deuxième lot de données qui vient d'être publié dans un numéro spécial de la revue Astronomy & Astrophysics, comprend des informations sur 365 amas de galaxies et sur 26 000 noyaux galactiques actifs (AGN). Par l'examen profond de deux grandes régions du ciel, le sondage XXL est la première étude en rayons X à détecter suffisamment d’amas de galaxies et d’AGN pour permettre de retracer la structure à grande échelle de l'Univers et son évolution dans le temps avec des détails sans précédent.

 

Les plus puissantes sources de rayons X de l'Univers

Les rayons X sont produits dans certains des processus les plus énergétiques de l’Univers, mais comme ils sont bloqués par l’atmosphère terrestre, ils ne peuvent être observés que depuis l’espace. Lorsque les télescopes à rayons X observent l’univers extragalactique lointain, ils voient essentiellement deux types de sources: les amas de galaxies qui contiennent un gaz très chaud émettant des rayons X et les noyaux galactiques actifs (AGN), centres de certaines galaxies qui contiennent trou noir supermassif.
L'observatoire XMM-Newton de l’ESA est l’un des télescopes à rayons X les plus puissants jamais mis en orbite. Au cours des huit dernières années, il a passé 2 000 heures à mesurer le rayonnement X dans le cadre du sondage XXL, qui a recherché des amas de galaxies et des AGN en scannant deux zones de ciel mesurant chacune 25 degrés carrés (par comparaison le diamètre de la pleine lune mesure environ un demi degré).

Le premier ensemble de données XXL a été publié en 2015 et comprenait 100 des amas de galaxies les plus brillantes et 1000 AGN. Le nouveau catalogue, qui vient d'être publié dans un numéro spécial d'Astronomy & Astrophysics, contient cette fois-ci 365 amas et 26 000 AGN, issus d'un traitment d'image plus profond.
Le sondage a cartographié des amas de galaxies si éloignés que la lumière qui nous en parvient a été émise lorsque l'Univers n'avait encore que la moitié de son âge actuel, et beaucoup de noyaux actifs sont encore plus loin.
«Il était relativement facile de trouver des amas de galaxies et des AGN, car à cette distance ce sont les seuls objets extragalactiques visibles en rayons X», explique Marguerite Pierre du Département d'Astrophysique du CEA. «Mais nous avons dû utiliser plusieurs autres télescopes collectant de la lumière à différentes longueurs d’onde, afin de recueillir plus d’informations sur chaque source, pour déterminer notamment leur nature et leur distance

 
Dessiner l'univers: les rayons X apportent une nouvelle lumière

Image en lumière visible (à gauche) et en rayons X (à droite) de l'amas amas XLSSC006, situé à une distance d'environ 4,5 milliards d'années-lumière de la Terre. En rayons X, la zone lumineuse rose (fausse couleur) code l'intensité du rayonnement X émis par le gaz chaud de l'amas. L'analyse de ces images permet de déterminer les caractéristiques de l'amas avec notamment sa distance. Image visible : Observatoire Canada-France-Hawaï (CFH) / Image en rayons X : Observatoire XMM-Newton

Un Univers en filaments

La matière dans l'Univers n'est pas uniformément distribuée, mais forme un réseau de filaments cosmiques façonnés par la gravité, où les amas de galaxies se trouvent à l'intersection des filaments. Les amas de galaxies sont les plus grandes structures de l’Univers liées par la gravitation. Ils représentent les régions de plus haute densité  - ce qui en fait un outil puissant pour cartographier la répartition de matière dans l'univers et la comparer aux prédictions de la cosmologie

La structure et l'évolution de l'Univers sont décrites par un ensemble de paramètres cosmologiques, qui incluent la densité de ses différentes composantes et la vitesse d'expansion de l'Univers. Le satellite Planck de l’ESA a déterminé les valeurs de ces paramètres cosmologiques en étudiant le fond diffus cosmologique, un rayonnement micro-onde présentant de très faibles inhomogenéités, qui fournit une information sur l’univers très précoce.
Le sondage XXL permet lui de déterminer ces mêmes paramètres mais pour l'Univers plus récent et ses résultats  peuvent être comparés à ceux de Planck.

«Bien que nous n'ayons pas trouvé autant d'amas de galaxies que prévu par le modèle cosmologique de Planck, nous avons obtenu une distribution des amas et des AGN qui reste compatible avec le modèle cosmologique actuellement privilégié, qui recourt à la constante cosmologique d'Einstein pour expliquer l'expansion accélérée. de l'Univers, plutôt que d'invoquer des possibilités encore plus exotiques », explique Marguerite Pierre qui ajoute «Nous pouvons déjà améliorer l'estimation de Planck pour la constante cosmologique, même si notre analyse n'a été réalisée encore que sur la moitié de l'échantillon d'amas total attendu à l'issue du programme XXL. Nous passerons les deux prochaines années à analyser le reste de ces données dans le but d'affiner ces contraintes cosmologiques."

 
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Structure en filaments de l'Univers calculée à partir de simulations numériques. Les couleurs montrent la densité, croissante du bleu au rouge. Les amas de galaxies se forment préférentiellement à l'intersection des filaments. Crédits : Mare Nostrum

Grâce au sondage XXL, c’est la première fois que des scientifiques sont capables de mesurer l’effet de regroupement tridimensionnel des amas de galaxies et des noyaux actifs AGN distants, sur une si grande région d'espace. Ils peuvent par exemple enfin voir comment se répartissent les AGN dans la structure à grande échelle de l'Univers dessinée par les amas de galaxies.

Les résultats confirment que XMM-Newton est une machine de sondage puissante pouvant révéler la répartition de matière dans l'Univers. La future toile cosmique sera explorée par les prochains satellites de l'ESA , Euclid et Athena qui pourront sonder des régions encore plus distantes, complétant ainsi le sondage XXL.  
En attendant, les scientifiques de la collaboration XXL envisagent de traiter les observations restantes et d’examiner les données à l’aide de techniques de traitement améliorées. La version finale des données XXL contenant encore plus de sources de rayons X, ainsi que l'analyse cosmologique complète, est prévue pour 2021. Dix-neuf ans après le lancement du satellite XMM-Newton, le consortium XXL est toujours l'unique équipe à avoir ainsi publié des catalogues d’amas de galaxies en rayons X permettant la premiere analyse cosmologique de ces amas. «C'est tout à fait passionnant que les données du télescope spatial XMM-Newton contribuent ainsi à notre compréhension de l'évolution de l'univers» conclut Norbert Schartel, scientifique du projet XMM-Newton à l'ESA. "Cela a été rendu possible grâce à la collaboration entre un grand nombre d'institutions dans de nombreux pays différents."

 
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Images en rayons X des 365 amas de galaxies du sondage XXL observés par le satellite XMM-Newton. Les 365 images sont ordonnées comme un calendrier. Crédits: ESA/XMM-Newton/XXL Survey.
[Cliquer sur l'image pour obtenir la bonne résolution.]


Contacts : Marguerite PIERRE

Publications

Les résultats sont présentés dans une série de 20 articles publiés par la collaboration du sondage XXL, dans un numéro spécial "The XXL Survey: second series" d' Astronomy & Astrophysics.

voir : le communiqué de presse de l'Agence Spatiale européenne (ESA) (4 octobre 2018)
voir : le comunique de presse CEA (4 octobre 2018
voir : le comunique de presse CNRS (22 octobre 2018

Voir aussi    - Un sondage de l'univers en dimensions XXL  (15 décembre 2015)
                  - "L'univers en XXL" (3 mai 2011)

et               - le site du projet XXL

Outre XMM-Newton, l’étude est basée sur des données provenant des observatoires astronomiques suivants: l’Observatoire européen du Sud (ESO) au Chili; le télescope Canada-France-Hawaii à Hawaii, aux États-Unis; le télescope William Herschel à La Palma, îles Canaries, Espagne; le télescope anglo-australien de l'observatoire de Siding Spring, en Australie; le télescope Blanco de l'observatoire interaméricain Cerro Tololo au Chili; le radiotélescope géant de métrewave près de Pune, en Inde; l'Australian Telescope Compact Array au Paul Wild Observatory, en Australie; et le télescope spatial Spitzer de la NASA.
L'étude s'appuie également sur des calculs effectués dans les centres de calcul de l'IN2P3 / CNRS à Lyon et du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille, de l’INAF-IASF à Milan, en Italie et de l'Université de Genève, en Suisse.

Ces travaux ont également donné lieu au dévelopement d'une méthode novatrice d'analayse cosmologique pour les amas pubiée dans la revue :
"The cosmological analysis of X-ray cluster surveys III & IV": Pierre, Valotti, Faccioli al 2017,  A&A 607, A123 - Valotti, Pierre, Farahi  et al 2018. A&A 617, C2

 
#4492 - Màj : 22/10/2018

 

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