Les noyaux exotiques très riches en neutrons : un laboratoire pour les interactions nucléaires

Pour la première fois, une expérience a fourni des observations clés sur la spectroscopie des noyaux non liés d’oxygène (nombre de protons Z = 8) riches en neutrons, l’oxygène 28 (N = 20) et son isotope voisin à N = 19, l'oxygène 27.  Ils ont été produits dans des réactions à haute énergie et observés par la détection directe de leurs produits de décroissance, 24O et trois ou quatre neutrons. L’étude montre qu’il est possible de contraindre les paramètres des interactions ab initio à partir des différences en énergie des états observés par rapport au dernier isotope lié – l’24O (N = 16). Ces résultats inédits ont été publiés dans la revue Nature [Nat23]. 

Du fait de la complexité de l’étude de noyaux non liés, un dispositif exceptionnel a été mis en œuvre auprès de l’installation de faisceaux d'ions radioactifs la plus performante au monde : RIBF au Japon. Les données ont été obtenues par une collaboration internationale (Samurai21) d'une centaine de physiciens (36 laboratoires) notamment une équipe* de physiciens de l'Irfu qui a mis en opération un détecteur-clé pour les mesures, Minos. L'expérience réalisée sur l'aire Samurai de l'installation RIBF (Radioactive Ion Beam Factory) de RIKEN au Japon était pilotée par les groupes de physiciens de Titech (Tokyo Institute of Technology) et les équipes de RIKEN-RIBF. 

La résonance dipolaire pygmée (PDR) est un mode vibration du noyau qui apparaît dans les noyaux riches en neutrons. Elle est décrite comme l’oscillation d’une peau de neutrons contre un cœur symétrique en nombre de protons et de neutrons (Figure 1). La PDR a été le sujet de nombreuses études à la fois expérimentales et théoriques. En effet, l’étude de la PDR a suscité et suscite toujours beaucoup d’intérêt puisqu’elle permet de contraindre l’énergie de symétrie, un ingrédient important de l’équation d’état de la matière nucléaire qui décrit la matière au sein des étoiles à neutrons. De plus, la PDR est prédite comme pouvant jouer un rôle clé dans le processus-r (processus qui pourrait expliquer la synthèse des noyaux lourds) via l’augmentation du taux de capture neutronique. Cependant, malgré de nombreuses expériences dédiées à l’étude de la PDR, utilisant des faisceaux de particules chargées ou de gammas, une description cohérente n’a pas pu être extraite. Ainsi, de nouvelles approches expérimentales sont nécessaires pour mieux caractériser ce mode de vibration du noyau.

La première mesure des corrélations de courte portée (SRC) dans un noyau exotique a eu lieu en mai 2022 avec l'instrument Cocotier installé à GSI à Darmstadt, en Allemagne. Cette expérience est une étape cruciale dans le programme qui a débuté en 2017 avec un financement de l'Agence Nationale de la Recherche qui a permis aux physiciens de construire une cible d'hydrogène liquide (voir FM précédent). L'objectif de cette expérience est de tester l'hypothèse que les nucléons peuvent former des paires compactes, les paires SRC. Cette campagne de mesure a permis de recueillir des données expérimentales pendant environ 60 heures avec un faisceau de 16C puis avec un faisceau 12C durant une quarantaine d’heures supplémentaires afin d'avoir une mesure de référence avec un faisceau stable bien étudié. L'équipe de l'Irfu a joué un rôle majeur dans la préparation et le déroulement de cette expérience, et est maintenant en charge de l'analyse des données avec le MIT, TU Darmstadt et l'équipe du LIP Lisbonne.

Une expérience réalisée au GANIL avec le nouveau dispositif de détection ACTAR TPC a permis de développer une nouvelle technique de visualisation directe des trajectoires (en 3D) des protons émis par l’état isomérique du noyau 54Ni ainsi que leur temps (4e dimension) de décroissance. Cette observation représente un test unique des modèles théoriques, car elle permet de sonder des composantes extrêmement faibles des fonctions d’ondes qui décrivent la structure de ce noyau, et cette technique est envisagée pour mesurer d’autres décroissances similaires. Le résultat de cette expérience a fait l’objet d’une publication dans Nature Communications1.

Deux instruments de pointe, GLAD et COCOTIER, ont étés conçus et construits à l’Irfu dans les dernières années et sont maintenant opérationnels au sein de la salle expérimentale R3B de l’accélérateur d’ions lourds de GSI (Darmstadt, Allemagne). Les deux sont destinés à faire partie de l’équipement qui sera utilisé auprès de FAIR, la nouvelle machine en construction sur le site de GSI. GLAD est un spectromètre de grande acceptance destiné à l’analyse des réactions de faisceaux d’ions lourds radioactifs relativistes. Il a été installé sur site en 2015 et vu le faisceau pour la première fois à l’automne 2018. Dans certaines expériences, ces faisceaux auront interagi en amont sur la cible d’hydrogène liquide COCOTIER. Celle-ci, financé en partie par l’Agence Nationale de la Recherche, vient d’être utilisée pour la première fois dans une expérience en mars 2021. Ces deux équipements sont deux éléments clefs pour effectuer des mesures des propriétés des noyaux à la limite de la cohésion nucléaire et avec des structures inhabituelles, permettent de faire évoluer les modèles nucléaires actuels.

Depuis 2010 la question de la taille du proton est au cœur d’une controverse entre physiciens atomistes et physiciens hadroniques. En effet, des mesures très précises de physique atomique ont conclu à une taille du proton beaucoup plus petite que ce qui était attendu, en très fort désaccord avec les expériences de diffusion élastique. En collaboration avec l'Université de Pérouse, une physicienne de l’Irfu a mené l’enquête pour trouver le responsable d’une telle différence. Les résultats ont été publiés dans European Journal of Physics A [3].

Les ingénieurs et physiciens de l’Irfu ainsi que leurs collaborateurs viennent de terminer l’élaboration d’un Sirius moderne, élément clé du super séparateur spectromètre (S3) en cours de construction au Ganil.

Les anciens l’avaient bien compris, les héros, tel Orion avec Sirius, ont besoin de leur fidèle compagnon. Les ingénieurs et physiciens de l’Irfu ainsi que leurs collaborateurs ne dérogent pas à la règle et viennent de terminer l’élaboration d’un Sirius moderne, élément clé du super séparateur spectromètre (S3) en cours de construction au Ganil. Les tests ayant été passés avec brio, le système a pu être déménagé au Ganil pour son installation définitive.

Dans la mythologie grecque, Sirius, le fidèle compagnon à quatre pattes d'Orion, chasseur hors pair, a été transformé en constellation et placé à ses côtés. Ce célèbre canidé a par ailleurs donné son nom à l’étoile la plus brillante du ciel nocturne. Les physiciens de l’Irfu viennent de lui rendre honneur à leur manière cette fois ci dans le monde des détecteurs.

Deux noyaux "miroirs", dans lesquels les nombres de neutrons et de protons sont intervertis, ont des formes très différentes, ce qui défie les théories nucléaires actuelles. Ce résultat frappant a été obtenu par des chercheurs de l'Irfu en collaboration avec une équipe internationale et a été récemment publié dans Physics Review Letter [1] et mis en avant comme suggestion de l'éditeur [2].

L’installation NFS (Neutrons For Science) a reçu les premiers faisceaux de protons délivrés par l’accélérateur linéaire de la nouvelle installation Spiral2 du Ganil en décembre 2019. En marge de la mise en service progressive de l’accélérateur en 2020, de courtes périodes de faisceau ont été mises à profit pour tester avec succès plusieurs éléments de NFS. Les premières expériences sont prévues auprès de l’installation à l’automne 2021.

Un premier faisceau de protons accélérés à 33 MeV a été envoyé en décembre 2019 dans la station d’irradiation de NFS (figure 1), couplée à un système de transfert pneumatique permettant de transporter les échantillons irradiés jusqu’à une station de mesure. Les sections efficaces de production de plusieurs noyaux obtenus par irradiation d’échantillons de fer et de cuivre ont ainsi été mesurées. Les résultats de ce test sont en accord avec les données précédemment publiées. Le dispositif d’irradiation et de mesure, construit et opéré par des physiciens du laboratoire NPI de Rez (République Tchèque), sera utilisé dans le futur pour des mesures inédites de sections efficaces de réaction par activation.

Des théoriciens du CEA, de l’Irfu à la DRF (Espace de Structure Nucléaire Théorique) et du service de physique nucléaire à la DAM, ont développé une Intelligence Artificielle (IA) permettant la prédiction des propriétés du noyau atomique. Ils ont ainsi simulé les propriétés de plus de 1800 noyaux atomiques à partir d’un algorithme entraîné sur un sous-ensemble de seulement 210 noyaux. De plus pour la toute première fois, ces 210 noyaux sont choisis automatiquement par l’Intelligence Artificielle en utilisant une approche dite d’apprentissage actif. Il s’agit d’une avancée majeure en comparaison des approches précédentes qui se limitaient à la prédiction d’une seule observable (grandeur physique mesurable, comme par exemple la masse) et dont la portée prédictive était très faible. Les résultats obtenus sont d’une précision comparable à celle des calculs issus de l’état de l’art des techniques utilisées en physique nucléaire théorique, et cela en un temps de calcul significativement réduit (un gain allant d’un facteur 10 à un facteur 10³ en fonction du type de résultat voulu). Les résultats ont fait l’objet d’une publication dans la revue Physical Review Letters, l’article figure parmi les suggestions de l’éditeur [1]. 

La spectroscopie d’un isotope de mendélévium, le 251Md composé de 101 protons et 150 neutrons révèle une surprise : lorsqu’il est en rotation, il se comporte exactement comme un isotope de lawrencium composé de 103 protons et 152 neutrons. L’expérience réalisée à l’Université de Jyväskylä en Finlande a nécessité les outils les plus perfectionnés pour étudier ces noyaux rares et éphémères : tri et identification des noyaux, détections des rayons gamma et des électrons. Cette similitude tout à fait inattendue est-elle le fruit du hasard ou liée aux propriétés de l’interaction forte ? L’enquête s’est poursuivie avec les théoriciens pour tenter de comprendre cette singularité. Les résultats viennent d’être publiés dans la revue Physical Review C.

La combinaison du multi-détecteur AGATA [à droite]
et du spectromètre VAMOS [à gauche] a permis de
mettre en évidence que l’équilibre entre les deux
contributions était plus complexe qu’envisagé jusqu’ici.                    

La complexité du noyau atomique reflète les multiples composantes de la « force nucléaire » qui lie entre eux les protons et les neutrons. Isoler et caractériser chacune d’entre elles est un véritable défi, tant théorique qu’expérimental, que tentent de relever les études de physique nucléaire. Les isotopes d’étain (noyaux possédant Z=50 protons et un nombre de neutrons N dépendant de l’isotope) servent de référence pour caractériser la compétition entre deux de ces composantes : un terme d’interaction dit d’appariement marquant la tendance qu’ont les protons et neutrons à s’associer par paires et un terme d’interaction dit quadrupolaire caractérisant la tendance naturelle du noyau à se déformer. Aussi distincts soient-ils, ces deux termes d’interaction nucléaire concourent pourtant au même objectif qui est d’organiser de manière optimale les nucléons composant le noyau atomique de manière à minimiser son énergie. Les analyses menées jusqu’ici mettent en évidence une transition entre ces deux composantes à l’approche de l’étain-100, contraignant la modélisation de ce noyau dit « doublement magique ». Avec un nombre identique de protons et de neutrons (Z=N=50), le 100Sn joue un rôle essentiel dans la validation des modèles théoriques décrivant les propriétés des noyaux exotiques.

La simple question "Où se termine le tableau périodique des éléments?" suscite depuis longtemps l'intérêt des scientifiques. Dans ce contexte, la compréhension de la structure des noyaux les plus lourds, et à travers elle leur stabilité, est d'une importance majeure. Il y a dix ans, il n'existait pas de voie évidente  pour s'attaquer à cette quête scientifique. Et pourtant, ces dernières années, une collaboration composée de physiciens provenant de l'Irfu/DPhN, de Jyvaskyla (Finlande), du GSI (Allemagne) et d'Argonne (États-Unis) a appliqué une technique nouvellement développée qui s'appuie sur des accélérateurs à haute performance et des détecteurs de pointe pour étudier les états isométriques (longue durée de vie) des noyaux lourds. Cette technique a déclenché une renaissance de la science des éléments ioniques lourds. De nouveaux détecteurs à plan focal équipés d'électronique numérique ont été pour la première fois adaptés aux états de courte durée dans les noyaux lourds, permettant la détection d'événements très proches et de demi-vie très courte (quelques µs). Cela ouvre de nouvelles perspectives puisqu'à ce jour, l'élément le plus lourd trouvé est l'Oganesson avec une demi-vie de 0,58 ms. Les résultats ont été publiés dans  Physical Review C [1].

Pour la première fois, une équipe de chercheurs a pu mesurer et identifier précisément les noyaux « fils » produits lors de la fission de l’Uranium-239. Cette première a été rendue possible par la combinaison unique des équipements et des faisceaux du GANIL. Elle fait l’objet d’une publication dans la revue Physical Review Letter*.

Prédire, par exemple, les propriétés des molécules ou des noyaux atomiques à partir des principes de base nécessite de résoudre l'équation de Schrödinger avec une grande précision. Le coût de calcul pour trouver des solutions exactes de l'équation de Schrödinger augmente de manière exponentielle avec le nombre de particules constituant le système. Ainsi, pour des noyaux composés de dizaines ou de centaines de nucléons, il faut recourir à des méthodes approximatives précises dont le coût de calcul est moindre. Ces méthodes sont aujourd’hui appliquées à un nombre limité de systèmes : ceux qui sont faiblement corrélés. Par conséquent, il manque encore une méthode applicable de manière universelle. En utilisant un nouveau formalisme récemment développé à l’Irfu/DPhN [1], des solutions très précises de l'équation de Schrödinger - dans le cadre du modèle de Richardson qui peut être résolu exactement - ont été obtenues, indépendamment du caractère faiblement à fortement corrélé du système. Ce travail a été réalisé en collaboration avec des chimistes quantiques utilisant des méthodes ab initio de l'Université de Rice. Ce nouveau résultat passionnant, qui ouvre la voie à des calculs ab initio précis des propriétés moléculaires ou nucléaires d'un grand nombre de systèmes, a récemment été publié dans la revue Physical Review C [2] et mis en avant comme Editor’s suggestion.

L'appariement est omniprésent en physique. De la supraconductivité au modèle en couches quantique, le couplage de particules pour former des paires est l'un des moyens préférés par la nature pour réduire l'énergie d'un système. Des nouveaux résultats, obtenus au Radioactive Isotope Beam Factory (RIBF, Japon) avec le dispositif expérimental MINOS, conçu et construit à l’Irfu, montrent pour la première fois que l’appariement joue également un rôle important dans les réactions d’arrachage d’un proton dans les noyaux riches en neutrons. Ces résultats montrent que les sections efficaces d’arrachage d’un proton peuvent être utilisées comme un outil d’étude des corrélations d'appariement dans les noyaux très riches en neutrons, alors que la spectroscopie de ces noyaux n’est pas accessible. En effet, ces derniers sont produits en trop faible quantité pour que la spectroscopie, par étude des gammas émis lors de la désexcitation par exemple, soit envisagée. Cette étude a récemment été publiée dans Physical Review Letters [1].

Prédire les propriétés nucléaires à partir d’une description réaliste de l'interaction forte est au cœur des méthodes dites ab initio utilisées en théorie nucléaire de basse énergie. Les calculs ab initio ont longtemps été limités aux noyaux légers ou aux noyaux avec des nombres spécifiques de protons et de neutrons. Les théoriciens de l'Irfu/DPhN ont développé de nouvelles méthodes ab initio qui ont conduit à une augmentation significative du nombre de noyaux prédits par ces approches. La plus récente, appelée théorie des perturbations pour le problème à N corps de Bogoliubov (BMBPT), offre une alternative capable de fournir des résultats de la même précision que les méthodes concurrentes, mais avec un coût de calcul réduit de deux ordres de grandeur. Cela a été rendu possible en autorisant les brisures spontanées des symétries de l’Hamiltonien nucléaire. Ce développement prometteur, ouvrant la voie à des calculs précis de noyaux plus lourds utilisant des ressources informatiques raisonnables, a récemment été publié dans Physics Letter B[1].

Une collaboration internationale conduite par le CEA-Irfu et l’Institut Riken (Japon) démontre, pour la première fois, la stabilité exceptionnelle du noyau de nickel 78 (très riche en neutrons) et son caractère doublement magique. L’expérience menée à Riken était uniquement possible en combinant le dispositif Minos développé au CEA-Irfu avec les faisceaux très exotiques produits par l’installation RIBF de l’accélérateur japonais. Ces résultats font l’objet d’un article dans Nature [Nat19].


 

Un travail théorique associant des chercheurs du Ganil, de l’Université de Huelva en Espagne et de l’Institut de Physique Racah en Israël, permet de confirmer la nature vibrationnelle du cadmium-110 lorsqu’il a été excité, tout en reproduisant des observations expérimentales qui remettaient cette nature en question. En effet, depuis les années 70, des expériences montraient des états non vibrationnels dits « intrus ». Ces nouveaux résultats, qui sont en train d’être étendus à l’ensemble des isotopes pairs du cadmium, résolvent donc une problématique vieille de plusieurs dizaines d’années et ont fait l’objet d’une mise en exergue de l’éditeur de la revue Physical Review C.

Au cours d’une expérience réalisée au GANIL à Caen (France), une équipe internationale, menée par des chercheurs de l’Irfu et de l’Université d’Oslo, a étudié la forme du noyau de Zirconium-98. La forme d’un noyau correspond à la zone où ses protons et neutrons peuvent se trouver. La comprendre, c’est arriver à maîtriser le comportement de chacun d’eux et leur agencement liés à la force nucléaire. L’objectif était de déterminer la forme du noyau dans différents états excités. Les résultats donnent un scénario complexe, pour lequel trois formes différentes – sphérique, légèrement déformée et fortement déformée – coexistent au sein du même noyau suivant qu’il est dans son état fondamental ou excité. De plus, son noyau voisin, le Zirconium-100 avec seulement deux neutrons en plus, se comporte à l’inverse. Ce changement soudain de la forme de ces deux isotopes est un phénomène rare qui permet de contraindre fortement les modèles de structure nucléaire. Ces résultats ont fait l’objet d’une publication dans la revue Physical Review Letters [1].

Le premier triplet de multipôles supraconducteurs du spectromètre S3, l’une des salles d’expériences de l’installation Spiral2, est arrivé au Ganil le 29 août 2018.

L’aimant, d’une masse de 2,8 tonnes, mesure 1,8 m de long et presque autant de haut. Ce type d’aimant, très compact malgré le nombre de fonctions optiques qu’il permet de générer (quadrupôle, sextupôle, octupôle et dipôle), est le premier d’une série de sept à être livré au Ganil.

Le champ magnétique est généré par du conducteur en alliage niobium-titane (NbTi) disposé dans un matrice époxy/fibre de verre, à la température de l’hélium liquide (4,2 kelvins). Les amenées de courant, constituées de deux types de supraconducteur à haute température, sont refroidies à l’azote.

Il s’agit d’un design unique fruit d’une collaboration entre le Ganil, le CEA/Irfu, le laboratoire américain d’Argonne Nat. Lab. et les deux industriels qui ont en charge le prototypage et la série (Advanced Magnet Lab. pour les bobines supraconductrices, Cryomagnetics. Inc pour les cryostats et l’intégration).

Cet élément a été financé par l’EQUIPEX n° 10-EQPX-0046, attribué à S3 par l’Agence Nationale de la Recherche en 2011.

Contacts: Antoine Drouart, Myriam Grar (Ganil) et Hervé Savajols (Ganil)

Au cours d’une expérience réalisée auprès de l’accélérateur de l’Australian National University (Canberra, Australie), une collaboration franco-australienne (Ganil Caen, IPN Orsay, Irfu/DPhN Saclay, ANU Canberra) a pour la première fois identifié en numéro atomique Z jusqu’au plutonium (Z=94), et en masse A les fragments créés dans des réactions de quasi-fission. Pour cette étude, les réactions de quasi-fission ont été induites lors de collisions entre des ions projectiles de 48Ti , accélérés à 276 MeV, et des atomes cibles de 238U. Les numéros atomiques ont été déduits des émissions caractéristiques de rayons X de fluorescence et les masses des corrélations angulaires et des vitesses des fragments émergents. Les données collectées mettent en évidence des effets de couches qui intensifient la production de noyaux autour du nombre magique Z=82 (plomb) dans les réactions de quasi-fission. Ces résultats, qui vont permettre d’optimiser les expériences visant à créer des éléments toujours plus lourds par fusion, ainsi que les perspectives ouvertes grâce à cette approche expérimentale originale dans le domaine de la fission et fusion nucléaires ont donné lieu à une publication dans la revue Physical Review Letters (M. Morjean et al., Phys. Rev. Lett. 119, 222502).

Sous la responsabilité de physiciens du CEA Irfu et de RIKEN (Japon), une collaboration internationale des équipes de RIKEN RIBF, de l'Irfu (SPhN, SACM, SEDI) et d'autres groupes européens dont l'IPNO a réalisé la première spectroscopie des isotopes très riches en neutrons 98,100Kr. L’expérience met en évidence qu’à basse énergie d’excitation du noyau de 98Kr, deux configurations différentes coexistent à des énergies très proches. La compétition entre ces deux configurations, représentées par des formes différentes, se traduit par une transition brutale d’une forme à l’autre pour l’état fondamental des chaînes isotopiques Rb, Sr et Zr à partir du 60e neutron. Dans cette expérience, on observe au contraire une transition plus progressive pour les isotopes de Kr en fonction du nombre de neutrons. Cette étude est un pas décisif vers la compréhension des limites de cette région de transition de phase quantique. Les résultats sont publiés dans la revue Physical Review Letters [PRL 118, 242501 (2017)].

Une équipe internationale menée par l’Irfu et RIKEN (Japon) a conçu et conduit une expérience pour réaliser la première mesure de la spectroscopie du 110Zr. C’est un noyau clef pour comprendre la structure des noyaux les plus exotiques et la genèse des éléments lourds dans l’univers. Les résultats seront publiés en Janvier 2017 dans Physical Review Letters, et distingués comme “suggestion de l'éditeur”. Les scientifiques franchissent ainsi une nouvelle étape dans la compréhension des manifestations de l’interaction nucléaire.

Une collaboration, menée par les physiciens du GANIL, de l'IN2P3 (CSNSM) et de l'Irfu (SPhN), a étudié les formes des noyaux exotiques autour de N~60, A~100 auprès de l’installation REX-ISOLDE au CERN en utilisant la méthode d'excitation coulombienne.  Nous avons confirmé que la brusque transition de noyaux sphériques à 58 neutrons vers des noyaux très déformés à 60 neutrons, observée initialement pour les chaines isotopiques des strontiums Sr et zirconiums Zr (Z=38,40), persiste aussi dans la chaine des rubidiums Rb (Z=37). En outre, cette transition est accompagnée par le phénomène de « coexistence de formes » pour les noyaux de Sr. Nous avons montré que le mélange entre ces deux configurations sphérique et déformée est très faible, contrairement à ce qui a été observé pour tous autres cas de coexistence de formes. Ces résultats originaux ont été publiés dans la revue Physical Review Letters 116, 022701 (2016).

Une comparaison expérience-théorie sur les observables des noyaux d'oxygène

La comparaison des calculs ab initio et des données expérimentales a fait l’objet d’un travail original initié par les physiciens du Service de Physique Nucléaire du CEA-Saclay : pour la première fois, l’étude menée associe deux types d’observables fondamentales du noyau : la masse (énergie de liaison de l’état fondamental) et la taille en termes de rayon nucléaire, sous la forme du rayon quadratique moyen de la densité de matière (ensemble des nucléons, protons et neutrons), et la comparaison proposée est étendue aux isotopes les plus riches en neutrons. Ce travail, publié le 27 juillet 2016 dans la revue Physical Review Letters, a été présenté comme « suggestion de l’éditeur » (highlight). Les résultats mettent en relief les observables clés sur lesquelles bâtir notre compréhension générale de la description des noyaux atomiques, en les reliant aux forces ab initio. La comparaison avec plusieurs techniques de calcul a été réalisée en collaboration avec des théoriciens de l'université du Surrey, de Triumf, et de MSU.

Les noyaux « exotiques » lancent le défi d’une description universelle de la structure nucléaire et soulèvent la question de l’origine de l’évolution de la structure en couches de noyaux. Une équipe de l’Irfu a développé le projet MINOS (Magic Number Off Stability) visant à répondre à ces questions. Un programme de physique a été établi en collaboration avec des équipes japonaises de RIKEN dont le RIBF (Radioactive Isotope Beam Factory) est l’accélérateur le plus performant mondialement pour produire des noyaux riches en neutrons à des énergies intermédiaires de plusieurs centaines de MeV. Les expériences avec le détecteur MINOS ont débutées en 2014 et leurs premiers résultats viennent d’être publiés dans Physical Review Letters couronnant 5 années d’efforts et ouvrant la voie à une moisson de résultats passionnants dans les années à venir.

La cible d’Hydrogène liquide du dispositif MINOS a été testée avec succès dans les salles de l’accélérateur de RIKEN au Japon. Le projet MINOS a pour but d’étudier les propriétés des noyaux très exotiques par réaction avec les protons de la cible d’Hydrogène. La connaissance des noyaux exotiques est fondamentale pour généraliser et rendre plus prédictifs les modèles microscopiques qui décrivent la structure du noyau.

 

De nouveaux résultats expérimentaux permettent de tester l’hypothèse de couches nucléaires pour les noyaux atomiques éloignés de la vallée de la stabilité nucléaire. Alors que des travaux antérieurs aboutissent à des conclusions contradictoires, nos mesures de transfert récentes effectuées au GANIL montrent une faible dépendance des corrélations avec l’asymétrie proton-neutron en accord avec les meilleurs modèles ab initio de structure du noyau. Elles plaident en faveur d’un effort théorique pour traiter structure et réaction dans un modèle unique pour obtenir une image consistante du noyau atomique, quel que soit le mécanisme de réaction envisagé.

 

 

Le spectromètre AGATA (Advanced Gamma Tracking Array) est un spectromètre gamma de nouvelle génération qui permettra de percer les mystères de la structure nucléaire. Il sera à terme composé de 180 cristaux de germanium de très grande pureté. L’Irfu joue un rôle crucial dans la définition des programmes de physique, le management du projet et la construction du spectromètre. L’année 2012 a été une année charnière. Elle a été le témoin de la validation des avancées technologiques mises en place sur le projet, a permis le déménagement du détecteur de Legnaro (Italie) à GSI (Allemagne) pour la réalisation d’une deuxième campagne de physique  et a été une année de référence pour la publication de nombreux articles.


 

Une nouvelle technique mise en oeuvre par des phycisiens nucléaires de l'Irfu vient de dévoiler des états jusqu'alors inconnus du noyau mendélévium 251.

 
Des physiciens nucléaires du CEA/Irfu, en collaboration d’autres laboratoires1 ont réalisé en mars 2012 à Jyväskylä en Finlande, la première spectroscopie du noyau Mendélévium (251 Md) combinant la détection des électrons et des gammas grâce au spectromètre SAGE. Grâce à cette nouvelle technique, cette expérience a révélé pour la première fois des états jusqu’alors inaccessibles du 251Md, noyau de masse extrême qui contient 101 protons.
Cette même collaboration, a réussi une autre première mondiale en effectuant la spectroscopie gamma du noyau super-lourd, le Rutherfordium (256Rf) possédant 104 protons. Les résultats ont fait l’objet d’une publication dans le journal Physical  review letters (Phys. Rev. Lett. 109, 012501 - 2012)
Ces résultats ouvrent des perspectives nouvelles dans l'exploration des états extrêmes de la matière dont on ne connait pas les propriétés, dans la course aux éléments super-lourds et dans la localisation d'un « îlot de stabilité ».

 

 

1 en collaboration avec le CSNSM Orsay, GSI Darmstadt, l’IPHC Strasbourg, les universités de Jyväskylä et de Liverpool 

 

Le rayonnement X de fluorescence entre les deux couches électroniques les plus profondes de l’élément à 120 protons a été observé au GANIL[1]

 

La problématique des superlourds

L’élément le plus lourd présent significativement sur Terre est l’uranium, qui a 92 protons. Mais les hommes ont réussi à produire en laboratoire des éléments plus lourds, jusqu’à 118 protons.

Pour expliquer l’existence de ces noyaux extrêmes, les modèles théoriques font appel à des effets de couches quantiques qui renforcent la stabilité du noyau dans une zone, appelée « l’îlot de stabilité », autour d’un nombre de protons et de neutrons donné. Cette stabilisation permet au noyau de résister à la fission qui a tendance à briser des noyaux aussi massifs.

Toutefois, les modèles sont en désaccord sur la position et l’étendue de cet îlot, localisé selon les cas entre 114 et 126 protons ainsi qu’entre 172 et 184 neutrons. Dans cet îlot, les temps de vie des noyaux pourraient être de plusieurs années. Expérimentalement, il est très difficile de synthétiser et d’étudier ces noyaux : les probabilités de production sont très faibles car dans l’écrasante majorité des cas, ces noyaux fissionnent très rapidement en deux noyaux plus légers. Il faut plusieurs mois, avec les accélérateurs les plus intenses, pour produire ne serait-ce qu’un seul atome qui survive assez longtemps pour être détecté.
 

Réaction d’arrachage d’un nucléon 

 

Les réactions d’arrachage (knockout) de nucléon à haute énergie sont très utilisées pour sonder la structure des noyaux exotiques de courte durée de vie. Elles permettent d’apporter des informations uniques sur la fonction d’onde du noyau étudié. Ces informations sont extraites des sections efficaces expérimentales à l’aide de modèles théoriques.  En général, ces modèles supposent que l’énergie cinétique du projectile est grande par rapport à la vitesse des nucléons à l’intérieur du noyau.

 

Une équipe du Service de Physique Nucléaire de l’IRFU a effectué une étude précise du mécanisme de réaction d’arrachage d’un nucléon à partir de faisceaux de 14O et 16C produits par fragmentation au National Superconducting Cyclotron Laboratory aux Etats Unis.

 

Ce travail met à jour des limites des approches théoriques actuelles du mécanisme de réaction et quantifie leur domaine de validité pour l’étude des noyaux exotiques. Les données obtenues serviront de référence pour la modélisation de l’arrachage d’un nucléon dans le domaine d’énergie considéré.

 

 

F. Flavigny et al., accepté pour publication dans Physical Review Letters (2012).

 

Réunis à Bruxelles au sein de Nupecc(1), les chercheurs ont présenté le 9 décembre leur plan à long terme qui vise à préparer l’avenir et conforter la place de premier plan occupée par l’Europe dans le domaine de la physique nucléaire. Le projet Spiral2 à Caen, qui réunit le CNRS/IN2P3(2) et le CEA/DSM(3), fait partie des projets déjà engagés dans le cadre de la stratégie européenne.

 

Retrouvez le plan à long terme de la physique nucléaire sur le site de NUPECC sous différentes formes:

les 200 pages du rapport mais aussi le résumé de 20 pages et une vidéo de 20 minutes.

 

http://www.nupecc.org/index.php?display=lrp2010/main

 

 

 


L’instrument MUSETT1 a détecté ses premiers noyaux lourds lors d’une phase de tests qui a eu lieu au début du mois d’avril 2010 auprès de l’accélérateur du GANIL2 à Caen. MUSETT a été construit dans le but d’identifier les éléments très lourd, les transfermiens, c'est à dire les éléments situés au-delà du fermium (Z=100). Les physiciens nucléaires s’intéressent à ces états extrêmes de la matière pour tester les modèles théoriques décrivant le noyau.  Les premiers résultats de MUSETT sont très satisfaisants, démontrant une très bonne identification des isotopes produits grâce à une méthode originale dite de corrélation génétique. Celle–ci permet d’étiqueter un noyau grâce à la détection de sa décroissance. MUSETT préfigure la détection du futur Super Séparateur Spectromètre S3 dédié aux faisceaux hyper-intenses de SPIRAL23, permettant l’exploration des noyaux les plus lourds.

 

 

Le projet CHyMENE (Cible d'Hydrogène Mince pour l'Etude des Noyaux Exotiques) a le but ambitieux de produire une cible mince d'hydrogène pur sans conteneur adaptée aux expériences utilisant des faisceaux d'ions lourds de basse énergie prévus avec SPIRAL2.

 

Une équipe de l'Irfu (SPhN et SACM) et de l'Inac/SBT utilisant des techniques cryogéniques vient de produire avec succès un ruban d'hydrogène solide de 100 µm d'épaisseur. Cette cible sera bientôt testée sous faisceau. Une première mondiale.  

 

Ci-dessous: interview de Alain GILLIBERT, qui travaille au projet CHyMENE avec Alexandre OBERTELLI et Emmanuel POLLACO

 

  




 

 

 

Image du début: Ruban d'hydrogène solide H2 extrudé (largeur 10 mm, épaisseur 100 µm), vu au travers du hublot de la chambre à vide (Photo V. Lapoux).

 

réalisation d'un film cryogénique mince d'H2 au Hall 192

En parallèle des développements menés sur l'instrumentation nécessaire à l'exploitation des faisceaux de SPIRAL2, il est nécessaire de produire des cibles d'hydrogène pur pour accroître la pureté et la luminosité par rapport aux cibles actuelles. Le SPhN a proposé de réaliser une cible cryogénique, dont les caractéristiques seront adaptées aux conditions des futures expériences de réactions directes. Il s'agit du projet CHYMENE (Cible d'HYdrogène Mince pour l'Etude des Noyaux Exotiques), qui a pour but de développer une cible pure d'hydrogène solide H2 sans fenêtre qui s'écoulera sous la forme d'un ruban devant le faisceau dans le vide d'une chambre à réaction.

Pour utiliser cette cible avec des faisceaux d'ions lourds de basse énergie, tels qu'on les attend avec le futur dispositif SPIRAL2, son épaisseur est une donnée très importante. Elle doit être faible, inférieure ou égale à 50 µm.

On utilise pour cela une technique d'extrusion, développée par le laboratoire PELIN à Saint-Pétersbourg, dans laquelle une vis sans fin pousse un volume d'hydrogène vers une buse d'extrusion. La forme de la buse définit les caractéristiques géométriques de la cible. Cette technologie doit être adaptée pour fournir une cible mince homogène (épaisseur de 200 à 50 µm) compatible avec les conditions d'utilisation sous vide et sous faisceau.

Un premier test réalisé en juin 2007 à Saint-Pétersbourg a montré qu'une cible d'épaisseur 200 µm pouvait être produite dans des conditions stables, ce qui a constitué une première validation de la méthode.   

 

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