AGATA

AGATA (Advanced Gamma-ray Tracking Array) est un spectromètre γ haute résolution de nouvelle génération, permettant d’effectuer des corrections Doppler inédites, grâce à la combinaison des différents éléments : une segmentation fine des cristaux HPGe, des algorithmes efficaces d’analyse de la forme des signaux, ceci permettant l’identification des points d’interactiion afin de reconstruire les traces des rayons gamma.

 

 

 

Principe de fonctionnement

La détection des rayons γ à l’aide de matériaux semi-conducteurs, tels que le germanium de haute pureté généralement utilisé pour la spectroscopie gamma à haute résolution, est possible grâce à trois mécanismes dans lesquels les rayons gamma interagissent avec la matière, à savoir l’effet photoélectrique, la création de paires électron-trou et la diffusion Compton. Dans les deux premiers processus, l’énergie totale d’un rayon gamma est transférée à un électron ou à une paire électron-positon, qui génère ensuite un nuage de paires électron-trou le long de son trajet dans le matériau du détecteur. Ces paires sont collectées aux électrodes du détecteur et forment un signal dont l’amplitude est proportionnelle à l’énergie du rayonnement gamma. En revanche lorsque la diffusion Compton se produit, un électron ne récupère qu’une partie de l’énergie des rayons gamma et un nouveau photon est émis, qui conserve le reste de l’énergie. Suite à une série d’évènements de diffusion Compton ultérieurs conclus par une absorption photoélectrique, toute l’énergie du rayon gamma peut être déposée dans le détecteur. Cependant, il est possible qu’un photon diffusé par effet Compton s’échappe du volume du détecteur et ainsi, l’énergie enregistrée sera inférieure à l’énergie du rayon gamma. Pour éviter cela, des écrans appelés anti-Compton sont généralement utilisés en spectroscopie gamma haute résolution, qui entourent le détecteur Germanium, mais sont protégés d’une irradiation directe par des collimateurs métalliques épais. Ainsi, si un signal est enregistré par le blindage, il doit provenir de la diffusion Compton à l’intérieur du détecteur, ce qui implique que le signal coïncidant dans le détecteur doit être rejeté. Une telle configuration, présentée sur la figure (a) à droite, limite évidemment l’angle solide Ω qui peut être couvert par les détecteurs au germanium et par conséquence, l’efficacité de détection totale ε.

AGATA repose sur un concept différent, présenté schématiquement à la figure (b) à droite. Les écrans anti-Compton avec collimateurs associés sont éliminés et à la place, tout l’angle solide est couvert par le spectromètre constitué des détecteurs au germanium de haute pureté. Grâce à leur fine segmentation (chaque cristal de germanium est segmenté électriquement en six secteurs radiaux et 6 tranches longitudinales, c’est à dire que 36 signaux individuels sont lus) et grâce au programme d’algorithmes de forme d’impulsion (PSA), la position 3D de chaque point d’interaction des rayons g peut être déterminé avec une précision d’environ 5 mm. En utilisant la liste des points d’interaction pour chaque évènement et les énergies déposées correspondantes résultant de la procédure PSA, la trajectoire du rayon γ à travers l’ensemble du spectromètre peut être reconstruite à l’aide d’algorithmes de suivi sophistiqués. Cela inclut la diffusion possible d’un cristal à un autre et ainsi, les évènements qui auraient été rejetés par les écrans anti-Compton dans un spectromètre standard, sont récupérés dans ce cas, augmentant considérablement l’efficacité de la détection. Cette solution innovante est rendue possible grâce aux progrès de la technologie des détecteurs au germanium, de l’électronique numérique et de l’analyse de la forme des impulsions. Elle fournit également une détermination beaucoup plus précise de la direction de l’émission de rayon γ, que ce qui était réalisable avec les configurations conventionnelles et ceci est particulièrement important pour les expériences utilisant des faisceaux d’ions rapides de plusieurs centaines de MeV par nucléon.

 

 
AGATA

Présentation schématique de deux types de spectromètres gamma : (a) configuration standard avec écrans anti-Compton (gris) and collimateurs (noir), (b) AGATA. Les points d’interactions gamma qui contribuent à l’énergie mesurée par le spectromètre sont marqués en vert, ceux qui sont ‘’manqués’’ par les détecteurs, sont en rouge. La couverture d’angle solide maximale omega et l’efficacité epsilon pour chaque configuration sont indiquées.

AGATA

Le démonstrateur AGATA se composait de 5 triple clusters (3 détecteurs Ge asymétriques montés dans un cryostat commun). La surface de chaque diode est électriquement segmentée en 36 segments (i.e. 5*3*36= 540 segments pour l’ensemble et 540+15=555 voies de mesures).


 

Calendrier

La collaboration AGATA a été créée en 2003, dans le but de démontrer la faisabilité du suivi des rayons γ. Suite à des résultats de travaux de R&D fructueux, la décision de construire le spectromètre européen de suivi 4π a été prise. Les premières expériences avec le dénommé Démonstrateur AGATA, composé initialement de 3  triples clusters (9 détecteurs individuels HPGe), puis étendu à 5 triple clusters, ont été réalisés au Laboratori Nazionali di Legnaro, en Italie, à partir d’avril 2010. Après une campagne réussie à Legnaro, AGATA a déménagé au GSI, Darmstadt en Allemagne courant 2012, où il est resté deux années, et a démontré son potentiel exceptionnel dans des expériences utilisant des faisceaux à fragmentation de haute énergie. Une campagne plus longue au GANIL, à Caen, France a suivi, qui s’est déroulée de 2015 à 2021, a vu AGATA s’étendre progressivement à une configuration à angle solide de presque 1π. Après d’importantes améliorations de l’infrastructure des détecteurs, le détecteur AGATA est retourné au LNL, où il bénéficiera de la disponibilité de faisceaux d’ions exotiques fournis par la nouvelle installation de post-accélération SPES à des énergies autour de la barrière de Coulomb. Au-delà de 2025, quatre autres laboratoires européens de physique nucléaire ont exprimé leur volonté d’accueillir AGATA : FAIR (Darmstadt, Allemagne), GANIL (Caen, France), JYFL (Jyvaskyla, Finlande) et ISOLDE au CERN (Suisse).

Les cas de physique possibles, utilisant les forces spécifiques de chaque installation, sont décrits dans le  AGATA White Book (W. Korten et al, Eur. Phys. J. A 56, 137 (2020)).

La collaboration implique actuellement des scientifiques de plus de 40 institutions de 13 pays européens.

Le Memorandum of Understanding récemment signé par ces institutions prévoit d’étendre AGATA à une configuration de 3π d’angle solide (135 détecteurs individuels Ge, ou de manière équivalente à 45 triple clusters) d’ici 2030.

 

Contributions de l’IRFU (scientifiques and techniques)

L’IRFU apporte une contribution importante à la construction, aux opérations et à l’exploitation du détecteur AGATA.

Depuis 2010, les physiciens de IRFU/DPhN ont été impliqués dans de nombreuses expériences de AGATA, avec une contribution majeure à:

  • Mesures de temps de vie dans les isotopes du zinc riches en neutrons (thèse de C. Louchart au DPhN; C. Louchart et al, Phys. Rev. C 87, 054302 (2013))
  • La première étude par l'excitation coulombienne d'une bande superdeformée (K. Hadynska-Klek et al, Phys. Rev. Lett. 117, 062501 (2016))
  • Mesures de temps de vie dans les fragments de fission autour du 100Zr, importants pour comprendre la transition de phase quantique au nombre de neutrons N=60 (thèse de S. Ansari au DPhN)
  • Excitation coulombienne du 106Cd (thèse de D. Kalaydjieva au DPhN, en cours)
  • Etudes de coexistence de formes dans les  110Cd, 96Zr et 74Se par l'excitation coulombienne (analyse en cours)

Les physiciens du DPhN jouent un rôle important dans la gestion du projet, en tant que membres du comité de pilotage AGATA, chefs de groupe de travail et porte-parole de campagne.

Dans le cadre du projet ANR OASIS (Optimisation of AGATA for Science) les physiciens du DPhN ont contribué à l’augmentation des performances des algorithmes d’analyse de forme d’impulsion (M. Siciliano et al, Eur. Phys. J A 57, 64 (2021))

L’upgrade de AGATA, destiné à aller au-delà de la configuration de 1π d’angle solide utilisée au GANIL, a nécessité un redesign des alimentations basses tensions  (LVPS) existantes, un nouveau système Haute Tension (HT) ainsi qu’un nouveau  système de remplissage en azote liquide, qui doit satisfaire les contraintes d’encombrement malgré l’augmentation du nombre de détecteurs sur la structure. Ainsi, le Département d’Ingénierie des Systèmes (DIS) a joué un role clé dans la conception, la fabrication et la maintenance des LVPS et du système de remplissage en azote liquide utilisé lors des campagnes à LNL, GSI and GANIL et était responsable du développement de leurs versions upgradées utilisées pour les campagnes actuelles au LNL ainsi qu’aux futures.

Le DEDIP gère l’un des quatre laboratoires dédiés aux détecteurs. Alors qu’il se concentre actuellement sur des tests à capsule unique, l’ambition à long terme est d’intégrer, d’effectuer la maintenance et de tester des triples clusters.

Site officiel de AGATA : https://www.agata.org

Contacts

DPhN: M. Zielinska

DEDIP: M. Karolak

DIS: T. Joannem, A. Lotodé

 
AGATA

AGATA au GANIL, configuration avec 11 triple clusters (septembre 2016)

#790 - Màj : 09/05/2023
Voir aussi
   Proposal for the Design, Construction, Commissioning and Operation of the HISPEC/DESPEC experiment at the Low-Energy Branch of the Super-FRS facility at GSI HISPEC/DESPEC deals with a versatile, high resolution, high efficiency spectroscopy set-up to address questions in nuclear structure, reactions and astrophysics using radioactive beams with energies of 3-150 MeV/u or stopped and implanted beam species.

 

Retour en haut