Les diagnostics pour les accélateurs de particules
Les diagnostics pour les accélateurs de particules

Coupelle de Faraday et Transformateur de courant (ACCT) Fair

L’instrumentation dans les accélérateurs désigne l’ensemble des diagnostics installés sur la machine et dont les signaux renseignent sur son état de fonctionnement et permettent son réglage. Éléments essentiels pour la mise en route et le fonctionnement d’une machine, les diagnostics nécessitent au minimum :

? Une estimation de l’intensité du faisceau.

? Une mesure de la position du centre de gravité du faisceau.

? Une estimation de la « qualité » du faisceau en distribution spatiale et en énergie.

? Une estimation de la pureté des particules qui compose le faisceau.

Au sein du SACM, plusieurs diagnostics sont développés :

 

INTENSITÉ

La mesure de courant d’un faisceau de particules chargées dépend essentiellement de sa densité de puissance. La méthode la plus simple est d’intercepter le faisceau avec une coupelle électriquement isolée et de collecter les charges du faisceau. Pour le projet Fair, une coupelle de Faraday a été développée pour supporter 200 W de puissance moyenne et jusqu’à 8 kW de puissance crête. Une autre méthode par mesure non interceptive avec un transformateur de courant (appelé ACCT), utilisant l’induction magnétique permet de détecter efficacement les variations d’intensité. Ce diagnostic est adapté au faisceau pulsé, comme pour le projet Fair. Mais l’induction magnétique peut être perturbée lorsque la spire se trouve plongée dans un fort flux magnétique constant, comme celui généré par le champ de fuite d’un solénoïde. Le bon fonctionnement de cet équipement a été testé sur la ligne basse énergie d’Iphi, en optimisant la conception mécanique du blindage magnétique de la spire.

 
Les diagnostics pour les accélateurs de particules

Moniteur de position de faisceau installé dans un cryomodule E-XFEL

Les diagnostics pour les accélateurs de particules

Electronique de traitement du signal du BPM « cavité ré-entrante » E-XFEL.

POSITION

Les moniteurs de position de faisceau (BPM), éléments non-destructifs, permettent de mesurer l’alignement du faisceau, la mesure de son intensité et le contrôle de son temps de passage. Différents types de BPM sont en cours de développement

 

? BPM basés sur des cavités radiofréquence

Le principe est le suivant : le faisceau, en passant à travers la cavité, excite des modes électromagnétiques qui génèrent des signaux sur 4 antennes montées à 90° autour du tube faisceau. Pour le projet E-XFEL, le SACM est responsable de l'étude, de la réalisation et de la mise en place de la cavité avec ses antennes et son l’électronique de traitement dédiée, pour 31 moniteurs de position (dits BPM ré-entrants). Ces diagnostics sont montés à l’intérieur des cryomodules du Linac. L’électronique de ce système, permettant le traitement du signal venant de la cavité, est intégrée sur un circuit imprimé et insérée dans un châssis commun à tous les BPMs de la machine. Ce châssis est développé par l’institut PSI (Paul Scherrer Institute). Un BPM ré-entrant installé dans un cryomodule 3,9 GHz est déjà en fonctionnement sur l’injecteur. Un autre, installé dans une section chaude sur l’accélérateur Flash2 à Desy, a permis, grâce à diverses campagnes de mesures, la qualification de l’ensemble du système.

 
Les diagnostics pour les accélateurs de particules

BPM Fair installé sur le banc de test.

Les diagnostics pour les accélateurs de particules

Emittancemètre ESS.

? BPM basés sur un moniteur électrostatique

Nous développons également un moniteur dit « BPM bouton » basé sur une conception électrostatique. Cet élément est composé de 4 électrodes. L’idée est de mesurer les charges induites par le champ électrique du faisceau de particules sur une plaque métallique isolée. Le faisceau induit d’autant plus de signal sur une électrode qu’il en est proche. L’intensité est déterminée par la somme des signaux venant des 4 électrodes. Ces défauts de positionnement transverse en X et en Y sont donnés par les différences de signaux. Un moniteur de ce type est développé en collaboration avec GSI pour la section « inter-tank » du proton Linac Fair. Les calculs de radiofréquences ont abouti à la réalisation mécanique d’un prototype qui a été mesuré sur un banc de test dont la conception et la réalisation ont été effectués par l’Irfu. Un programme permet de caractériser la sensibilité, la linéarité, d’effectuer une carte de position, et de déterminer le centre électrique du BPM. Un prototype de préamplificateur pour 2 voies a également été réalisé et mesuré. Pour le projet Saraf, un autre moniteur BPM basé également sur une conception électrostatique est en cours d’étude. Il sera intégré dans les cryomodules et fonctionnera autour de 4 K.

 

QUALITÉ

La qualité d’un faisceau est déterminée par une mesure interceptive en produisant « la figure d’émittance », qui relie l’intensité du faisceau relative à sa position x et son angle x’ par rapport à l’axe de propagation z. Deux techniques de mesures sont en cours de développement : « l’Allison scanner » et l’émittancemètre 4D communément appelé « Poivrier ». Pour le projet Ifmif, le choix a été porté sur un « Allison scanner » qui permet de relier la position x à x’. Pour le projet ESS une seconde mesure s’effectue dans l’autre plan reliant y avec y’. Ainsi une représentation juste du faisceau est réalisée permettant de connaitre son évolution et donc sa « qualité ». Le principe de mesure est basé sur la déflection électrostatique des particules chargées composant le faisceau d’ions par un jeu de plaques polarisables parallèles. La qualité du faisceau est définie comme étant la surface d’ellipse dans l’espace des phases. Cette ellipse est obtenue est mesurant I(x,x’) qui représente l’intensité faisceau en fonction de la position x de la fente de sélection et de l’angle x’ du faisceau sélectionnée par la fente. L’angle x’ est obtenu en mesurant le courant faisceau en fonction du champ électrique

E établi par les plaques polarisées et les caractéristiques des particules du faisceau (charge, masse et énergie). Une des difficultés techniques lors de la conception d’un émittance-mètre de type Allison est la réalisation de la fente d’entrée. En effet cette fente est directement positionnée dans le faisceau incident à qualifier. Dans le projet Ifmif, le faisceau de deutérium véhicule 15 kW de puissance continue, un astucieux brasage de tuile de tungstène sur du cuivre, et un refroidissement adapté permettent de garantir la tenue de la fente malgré la dilatation thermique des matériaux. Dans le cadre du projet ESS, un couple d’Allison scanner est en cours de développement permettant de supporter une puissance de 750 W du faisceau rapportée à une tâche minimum de 6 mm de diamètre (soit une densité de puissance de 2,7 kW/cm²).

 
Les diagnostics pour les accélateurs de particules

Résultats des mesures de proportions en protons à une énergie de 50 keV obtenus à Rokkasho en décembre 2015 et janvier 2016.

Les diagnostics pour les accélateurs de particules

Emittance mètre 4D basse-énergie, actuellement en phase finale de fabrication. Il devrait être testé sous faisceau courant 2017.

²). La technique de compression isostatique à chaud du tungstène sur du cuivre pour les blocs d’arrêt et l’utilisation d’alliage exotique (TZM) pour les fentes de sélection permettent de tenir ces flux de puissance. Dans le cadre de l’accélérateur linéaire Myrrha, il est primordial d’accorder une grande importance au réglage de l’injecteur, non seulement pour des questions de qualité de faisceau et de minimisation des pertes, mais aussi car cet accélérateur de type ADS doit pouvoir fonctionner avec un degré de fiabilité très élevé, encore jamais atteint par les accélérateurs de forte puissance actuels. Les diagnostics sont donc une composante essentielle dans la surveillance et la compréhension de la physique des faisceaux. Dans ce cadre le SACM a démarré un programme ambitieux de R&D avec le développement de l’émittancemètre 4D visant à caractériser la distribution du faisceau dans les 4 dimensions de l’espace des phases transverse avec une précision inégalée. Son développement a été initié avec le programme Needs en 2013 et se poursuit dans le cadre du programme Myrte. Ce dispositif comprend un arrêt faisceau percé de 100 trous de 70 μm de diamètre distants de 7 mm, disposés 10 par 10. Les 100 pinceaux ainsi formés vont ensuite frapper une surface émettrice de lumière. On récupère l’information en faisant une photo avec une camera CCD déclenchée. Le choix du scintillateur est un des points clé de l’appareil. Afin d’augmenter la résolution, le poivrier peut se déplacer dans les deux directions transverses au faisceau entre chaque photo. Ainsi la prise d’une centaine de clichés et un traitement numérique adapté permettent de remonter jusqu’aux paramètres de l’émittance du faisceau. L’avantage de cette mesure est de donner le résultat dans les deux plans simultanément.

 

PURETÉ

Une estimation de la proportion des espèces de particules qui composent le faisceau permet d’optimiser le réglage du plasma de la source. On cherche à maximiser la quantité, par exemple de protons pour Iphi et de deutons pour Ifmif, autrement dit à optimiser la pureté du plasma. Les autres espèces présentent sont considérées comme parasites. Les valeurs de pureté attendues sont de l’ordre de 80 %. Ces mesures permettent également de suivre l’évolution du rendement du plasma au cours du temps. En effet, il a été démontré que la détérioration des disques de nitrure de bore, présents dans la source, influe de manière importante sur la pureté du plasma. Deux diagnostics utilisant des phénomènes physiques totalement différents sont utilisés pour ces mesures de pureté.

? Le premier réalise une mesure de l’intensité (nombre de photons) de la raie Hα de la série de Balmer de l’hydrogène atomique ayant subi un décalage Doppler dans la direction d’observation. C’est un diagnostic optique non interceptif parfaitement adapté aux injecteurs de haute intensité. Ce type de diagnostic a été développé pour l’injecteur Iphi, d’Ifmif et il est en cours de développement pour ESS.

? Le second est appelé filtre de Wien et il réalise une mesure de l’intensité (collection de charges) déposée sur une coupelle de Faraday pour chaque espèce préalablement séparée et sélectionnée par un déflecteur électrostatique dans un champ magnétique. C’est un diagnostic interceptif (sélection du pinceau de faisceau par un trou de 100 μm de diamètre), bien adapté aux machines pulsés à cycle court en raison des problèmes de thermique. Un filtre de Wien est en cours d’assemblage pour le projet Fair Proton Linac utilisant une configuration magnétique de type Halbach.

 
#4080 - Màj : 12/10/2020

 

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