Le  sondage de nouvelle generation de l’amas de la Vierge

Le sondage de nouvelle generation de l’amas de la Vierge

Les premières images dévoilées

Recenser les galaxies de l’Univers: les astronomes s’attellent à cette tâche depuis une centaine d’années, construisant des télescopes de plus en plus gros, voyant de plus en plus loin. On pourrait croire ce travail achevé dans l’entourage de notre Voie Lactée. Et pourtant, un sondage en cours de l’amas de la Vierge est en train de découvrir des centaines de nouvelles galaxies. La Vierge constitue le plus grand regroupement de galaxies dans l’Univers proche. On connaissait depuis longtemps les elliptiques massives qui occupent son centre: Messier 87 et son jet nucléaire, Messier 84 et 86, les galaxies « des yeux » constituées par la paire en collision NGC 4435 et NGC 4438, mais aussi des galaxies naines, très largement majoritaires avec environ 2000 membres inventoriés lors du dernier recensement systématique effectué il y a déjà 25 ans. Le nouveau sondage en cours mené par le télescope Canada-France-Hawaii (CFHT) et baptisé « Next Generation Virgo Cluster Survey » (NGVS) va d’ici deux ans probablement au moins doubler le nombre de membres connus de la Vierge. Ces nouvelles venues ou plutôt apparues sont ténues, sous-lumineuses, souvent chétives, parfois étendues mais alors de très faible brillance. C’est l’une des raisons pour lesquelles elles nous ont si longtemps échappé, mais ce n’est pas la seule.

Montage d’une centaine d’images de galaxies naines, de faible brillance, découvertes par le NGVS dans les régions centrales de l’amas de la Vierge. Crédit: NGVS/CFHT/CEA/ NRC

Le sondage de 1985 reposait sur l’examen de plaques photographiques peu sensibles; depuis, nous sommes entrés dans l’ère du numérique; les pixels ont remplacé les grains argentiques avec un gain prodigieux en sensibilité. Les caméras équipées de détecteurs électroniques type CCD ont alors scruté le ciel profond, avec une priorité donnée au dépistage des galaxies plus lointaines à des fins d’exploration cosmologique. L’univers proche a été quelque-peu délaissé, jusqu’à ce que l’on comprenne qu’il était aussi possible de faire de la cosmologie en étudiant nos vieilles voisines, en particulier les galaxies naines. De fait, leur comptage et dissection renseigne sur la structuration de l’Univers et de ses galaxies. Alors, les astronomes ont choisi d’arpenter à nouveau notre voisinage. Ainsi, depuis deux ans et pour deux ans encore, le CFHT prend chaque hiver et printemps inlassablement des images de l’amas de la Vierge.
Pavage de longue haleine, 100 degrés carrés du ciel, 500 fois la surface de la lune, dans quatre couleurs, qui mobilise les ingénieurs et techniciens du CFHT ainsi qu’une équipe scientifique franco-canadienne d’une quarantaine de chercheurs. Les astronomes observent avec MegaCam, caméra de 400 millions de pixels, qui malgré un âge canonique dans le monde de la high-tech (7 ans!), reste l’une des plus performantes disponible dans le monde. Elles dispose d’une acuité visuelle excellente digne du site exceptionnel du CFHT, sur le volcan Mauna Kea qui domine de ses 4200 mètres d’altitude l’île principale de l’archipel d’Hawaii. Elle possède aussi un très grand champ de vue qui lui permet de couvrir tout l’amas de la Vierge en seulement une centaine de pointés.

Les premières images du NGVS, dévoilées au cours de la conférence « A Universe of dwarf galaxies », sont spectaculaires. Outre les milliers de nouvelles galaxies naines qu’elles exhibent, mais dont il faudra toutefois vérifier l’appartenance physique à l’amas, elles révèlent autour des galaxies massives de multiples filaments, anneaux et ponts de matière. Il s’agit là de vestiges de l’histoire tumultueuse des galaxies de la Vierge, faite de collisions récentes ou anciennes, et de diverses interactions au sein de l’amas. Ces processus ont causé l’expulsion d’une partie de leurs étoiles. Eloignées de leurs galaxies parents, elles s’agencent au sein de structures filamentaires ou annulaires mises à jour par MegaCam avant éventuellement de se disperser dans l’amas et devenir très difficiles à détecter. La détermination du nombre de ces étoiles vagabondes qui pourraient compter pour 20% de l’ensemble des populations stellaires de l’amas, est aussi l’un des objectifs du NGVS.

Fig. 2: la région de Messier 89, dans l’amas de la Vierge, vue par le NGVS. Image monochrome (en bande g) sur laquelle une image en vraies couleurs du Sloan Digital Sky Survey a été superposée. Le sondage de dernière génération dévoile de nouvelles structures autour des galaxies massives, en particulier sur cette image des anneaux concentriques et une queue de marée. Crédit: NGVS/CFHT/CEA/ NRC

En exhumant, recensant et étudiant ses galaxies naines ainsi que les reliquats stellaires autour de ses galaxies massives, les chercheurs aspirent avant tout à reconstruire la genèse de notre plus proche amas. Or la formation des amas de galaxies est selon le modèle couramment adopté dit du « Cold Dark Matter » l’étape finale de la structuration de l’Univers. L’archéologie galactique pratiquée sur les images du NGVS permet ainsi d’aborder des questions de nature cosmologique.

Les galaxies de la Vierge, NGC 4390 et NGC 4660, vues par le NGVS. Images monochromes (en bande g) sur lesquelles des images en vraies couleurs du Sloan Digital Sky Survey ont été superposées. Le sondage de dernière génération dévoile des anneaux concentriques autour de la spirale (à gauche) et une longue queue de marée incurvée autour de l’elliptique (à droite), résultats de collisions passées. Crédit: NGVS/CFHT/CEA/ NRC

Film « Un voyage au centre de l’amas de la Vierge » produit par Pierre-Alain Duc (AIM), dirigé par Frédéric Durillon (animea.com) et réalisé à l’aide d’images obtenues avec le CFHT/MegaPrime Next Generation Virgo Survey Crédit: CFHT, CEA, NRC/HIA, CADC et l’équipe NGVS. (si la vidéo n’apparaît pas, cliquer ici).