Une nouvelle methode de recontruction livre les plus fins details du fond diffus
En utilisant les dernières données des satellites Planck et WMAP, le laboratoire CosmoStat (LCS) du CEA-IRFU vient de fournir l'image la plus complète et la plus précise du fond diffus micro-onde de l'Univers considéré comme la lumière primordiale émise au début de l'expansion. La nouvelle carte du fond diffus a été construite grâce à une nouvelle méthode de séparation de composantes appelée LGMCA, particulièrement bien adaptée à la séparation des avant-plans galactiques qui brouillent l'image de fond. A la différence des résultats précédents, la nouvelle carte permet de restituer les détails du fond diffus sur l’intégralité du ciel y compris dans le plan galactique, région du ciel où l’estimation est particulièrement difficile. Elle permet également de réduire plus efficacement des défauts introduits par l'existence du gaz chaud des amas de galaxies. Ces résultats sont en cours de publication dans la revue Astronomy & Astrophysics et ont été présentés le 21 janvier 2014 lors de la conférence « Horizon de la Statistique » à l'Institut Henri Poincaré (Paris).
Voir le fond de l'univers
Le fond diffus cosmologique ou CMB (pour Cosmic Microwave Background) est un rayonnement de très faible température (2,7K ou -270°C) qui emplit l'ensemble du ciel et est détectable dans le domaine des ondes millimétriques ou micro-ondes situées entre l'infrarouge et les ondes radio. Il est interprété comme une lumière « fossile » émise environ 370 000 années après le début de l'expansion lorsque l'univers est devenu neutre et transparent. A cette période dite de « recombinaison », la captation des électrons par les noyaux d'atomes a laissé le champ libre à la lumière qui s'est ainsi découplée de la matière. Cette radiation fossile a traversé tout l’Univers depuis le découplage et porte donc une information tout à la fois sur l'univers à ses débuts et sur le contenu en matière et énergie de l'univers et l'histoire de l'expansion depuis cette date. Son analyse avec une grande précision est critique pour la détermination des paramètres cosmologiques.
En mars 2013, le satellite Planck de l'ESA a fourni les mesures les plus précises de ce rayonnement de fond, faisant suite aux données recueillis précédemment par le satellite WMAP de la NASA. La carte du fond diffus CMB estimée par les chercheurs du laboratoire CosmoStat a été obtenue à partir du traitement joint des données WMAP et Planck. La construction d'une carte précise nécessite une soustraction préalable de toutes les emissions parasites d'avant-plan, en grande partie en provenance de notre propre galaxie.
Pour effectuer cette opération, les chercheurs ont utilisé une méthode statistique de séparation de composantes originale, baptisée LGMCA (pour « local-generalized morphological component analysis ») [1]. Cette méthode, fondée sur la modélisation parcimonieuse des données, est particulièrement bien adaptée à la séparation des avant-plans galactiques. Elle a permis d'améliorer notablement la carte de la lumière fossile de l'Univers.
En premier lieu, elle permet de reconstituer l'ensemble de la carte y compris dans le plan de notre galaxie, là ou les autres méthodes utilisées jusqu'ici étaient obligées de reconstruire artificiellement ces zones par des méhodes dites d »inpainting », analogues aux retouches numériques des photographies.
Il a également été montré que la carte du CMB proposée ne contient pas de résidus détectables de l'effet des amas de galaxies dit « effet SZ-Sunyaev- Zel'dovich » [2].
Ces améliorations peuvent paraître minimes aux non-spécialistes mais elles se révèlent très précieuses car la qualité de la carte du CMB a une importance capitale pour la détermination des caracéristiques globales de l'univers telles que par exemple son contenu en matière et en énergie noires.
En accord avec la philosophie de la recherche reproductible, c'est à dire la capacité pour d'autres chercheurs de pouvoir reproduire les résultats obtenus, le laboratoire CosmoStat rend également totalement publique les codes informatiques permettant lʼestimation de la carte du CMB et son évaluation [3].
Contacts : Jean-Luc STARCK , Jérôme BOBIN
Publication :
“Joint Planck and WMAP CMB Map Reconstruction”
J. Bobin, F. Sureau, J.-L. Starck, A. Rassat, P. Paykari, sous presse dans la revue Astronomy & Astrophysics, pour une version électronique : http://arxiv.org/abs/1401.6016
Voir – le communiqué Fil Science du CEA (27 janvier 2014)
voir aussi : « Les amas de galaxies en froid avec Planck » (09 avril 2013)
« Planck découvre d'étonnants amas de galaxies » (janvier 2011)
« Découverte d’un superamas grâce au « rayonnement fossile » (16 septembre 2010)
« Le satellite européen Planck achève son premier tour de ciel » (24 mars 2010) »
Notes :
[1] La méthode LGMCA (pour « Local-Generalized Morphological Component Analysis ») est une méthode statistique permettant l'estimation de composantes à partir de données multi-longueur d'onde. L'originalité de cette méthode réside dans l'utilisation de la parcimonie des sources à estimer dans une représentation adaptée au contenu informatif de ces dernières (e.g. transformée en ondelettes). Cette approche unique est tout particulièrement adaptée à l'extraction des avant-plans galactiques présents dans les données Planck. Pour en savoir plus…
[2] Effet SZ : Lorsque la lumière du fond diffus passe à travers un amas de galaxies, elle entre en collision avec les électrons du gaz chaud et leur emprunte une partie de leur énergie. C’est l’effet SZ, pour « Sunyaev-Zel’dovich », noms des deux chercheurs qui ont prédit cette modification pour la première fois à la fin des années 1960. Dans la toile de fond du rayonnement diffus, cette augmentation d'énergie s'accompagne par un « trou » dans le rayonnement de fond de l'univers à une certaine énergie tandis qu'à une énergie un peu plus élevée se trouve un point brillant car la lumière a été décalée. C'est en recherchant cette signature particulière de l’effet SZ dans les cartes de Planck, qu'il est possible de détecter les amas de galaxies même si ils sont « invisibles » quand ils émettent trop peu de lumière. Mais cet effet doit être supprimé pour évaluer correctement le fond diffus cosmologique.
[3] Les données sont disponibles sur le site COSMOSTAT
Rédaction : J.L. Starck, J.M. Bonnet-Bidaud