Instabilités et chocs perturbent l’atmosphère des exoplanètes
En collaboration avec l’observatoire de Bordeaux et l’université de Berne en Suisse, un chercheur du Service d’Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA-Irfu a mis en évidence l'existence d'instabilités importantes dans les vents supersoniques à la surface de planètes géantes très proches de leur étoile, qualifiées de « jupiters chauds ». En utilisant des simulations hydrodynamiques en 3D idéalisées mais à haute résolution spatiale, l’équipe a montré que le vent équatorial violent des Jupiter chauds est déstabilisé par des instabilités dites de Kelvin-Helmoltz, bien connues en hydrodynamique de laboratoire. Ces instabilités provoquent des oscillations de la trajectoire du vent autour de l’équateur et pourraient être à l’origine de l’apparition de chocs dans les couches supérieures de l’atmosphère. Ces phénomènes peuvent influer de façon notable l'émission infrarouge de ces planètes. Ces résultats sont publiés dans la revue Astronomy & Astrophysics.
Vents violents sur les Jupiters chauds
Les “Jupiters chauds” sont des planètes d’une masse proche de celle de la planète Jupiter qui sont en orbite très serrée autour de leur étoile hôte. Alors que Jupiter est à une distance moyenne de 780 millions de kilomètres du Soleil, ces planètes sont en général très proches de leur étoile, à des distances 5 à 10 millions de kilomètres seulement. Elles sont de ce fait très chaudes et la température de leur atmosphère peut atteindre 2000 K (alors que celle de Jupiter n’est que de 165K, soit -108°C). Elles sont alors relativement faciles à observer et pour cette raison, l’étude de la climatologie de ces planètes se développe de manière importante depuis quelques années.
Les astrophysiciens pensent que, comme Jupiter, ces planètes sont enveloppées d’une épaisse couche de gaz. Du fait de leur proximité avec leur étoile, il est également probable que par les effets de marée la planète présente toujours la même face à leur étoile, comme c’est le cas de la Lune vis à vis de la Terre. Le coté jour (vers l’étoile) reçoit alors une insolation près de 500 fois supérieure à celle de la Terre, contrairement au coté nuit (opposé à l’étoile) qui est en permanence plongé dans l’obscurité. Cette différence de chauffage des deux hémisphères de l’atmosphère est à l’origine de l’apparition d’un jet équatorial qui se manifeste sous la forme de vents violents pouvant atteindre plusieurs milliers de kilomètres par heure.
Pour la première fois les chercheurs ont utilisé une résolution spatiale très élevée pour simuler en 3-dimensions sur ordinateur les instabilités hydrodynamiques qui affectent ce jet [1].
L’évolution des vents reproduite sur une durée d’une dizaine de jours de la planète montre alors des oscillations de la trajectoire du jet autour de l’équateur, visibles comme les méandres d’une rivière. Ces oscillations sont provoquées par des instabilités dites de Kelvin-Helmoltz qui se déclenchent lorsque deux couches de fluides adjacentes ont des vitesses différentes. Ces instabilités qui se développent ici en 3-dimensions perturbent notablement l’atmosphère et pourraient être à l’origine de l’apparition de chocs dans les couches supérieures.
Des simulations plus réalistes sont nécessaires pour confirmer ces résultats dont les conséquences potentielles sont nombreuses : variabilité de l’émission atmosphérique des Jupiter chaudes dans l’infrarouge, chauffage des couches profondes de l’atmosphère, ou impact sur la chimie atmosphérique.
Contact : Sébastien Fromang (LMPA)
Publications :
« Shear–driven instabilities and shocks in the atmospheres of hot Jupiters«
« Instabilités de cisaillement et chocs dans les atmosphères des Jupiters chauds«
Sébastien Fromang, Jeremy Leconte and Kevin Heng
Astronomy & Astrophysics (sous presse); pour une version électronique : arXiv:1603.02794v2
Notes
[1] Ces simulations ont été réalisées grâce au programme RAMSES développé au Sap-AIM. Ce programme est un code Magneto-Hydrodynamique (MHD) à mailles variables, disponible en accès libre.