Une équipe franco-britannique vient d'élaborer un modèle de migration de planètes géantes à l'intérieur d'un disque proto-planétaire. Menant à la fois des travaux analytiques et des simulations numériques, cette équipe, conduite par Frédéric Masset du Service d'Astrophysique du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA/DAPNIA), propose un scénario original de chute en spirale (ou migration) de la proto-planète vers l'étoile centrale. Ces travaux, qui prévoient également la possibilité d'une migration vers les régions extérieures, ouvrent d'intéressantes perspectives et permettent de mieux comprendre les propriétés (masse et orbite) des planètes extra-solaires découvertes ces dernières années.
Le scénario majoritairement admis de formation des planètes consiste en une lente agglomération de glaces et de roches au sein du disque massif entourant l'étoile centrale. Ce disque constitue la nébuleuse proto-planétaire. Ce mécanisme conduit à la formation des coeurs proto-planétaires, véritables embryons des futures planètes. Plus de 100 planètes extra-solaires (ou exo-planètes) ont été maintenant détectées mais les caractéristiques observées (masse et orbite) posent un certain nombre de questions. En particulier une fraction importante de planètes possède des orbites proches de l'étoile (les "Jupiters chauds"). Celles-ci n'ont pu se former si près de l'astre central, où la température de la nébuleuse proto-planétaire est bien trop élevée. Il est communément admis qu'elles se sont en fait formées beaucoup plus loin dans le disque, pour ensuite migrer vers l'étoile. Tous les "Jupiters chauds" détectés autour d'étoiles isolées ont des masses inférieures ou égales à celle de Jupiter. Pourquoi la migration de ces planètes a-t-elle été aussi rapide ?
La nébuleuse proto-planétaire est responsable de la migration (par effet de marée). Un des effets de marée a pratiquement toujours été négligé (les effets dits de corotation). Les travaux présentés ici ont ré-examiné le rôle de ces effets et ont montré que sous certaines conditions ils pouvaient être dominants.
Dans le cadre de ce modèle, les chercheurs déduisent que pour des proto-planètes de masse voisine de celle de Saturne, l'action de la nébuleuse sur la planète peut facilement conduire à l'emballement de la migration : l'orbite rétrécit de 50 % en quelques dizaines ou centaines d'années, à comparer aux quelques millions d'années de durée de vie de la nébuleuse proto-planétaire.
Simulation numérique de la migration d'une proto-planète: |
Il découle de ces travaux un certain nombre de propriétés intéressantes: l'emballement peut avoir lieu aussi bien vers l'étoile centrale que vers les régions exterieures du disque proto-planétaire, offrant ainsi de nouvelles perspectives aux théories de migration planétaire. Cette théorie de migration emballée concerne des planètes, fait remarquable, dont la masse est typiquement celle des "Jupiters chauds", planètes géantes observées très près de leur étoile hôte. Elle permet de même d'effectuer des comparaisons avec la distribution des orbites et des masses des exo-planètes. Le scénario de formation et migration des systèmes planétaires est un problème encore très largement ouvert. Observations et théorie s'affinent constamment pour l'améliorer.
Publication
"Runaway migration and the formation of hot Jupiters "
Masset, F. S. and Papaloizou, J. C. B.
à paraître dans le journal "Astrophysical Journal", voume 588, mai 2003.
Version électronique (astro-ph/0301171).
(*) Ces travaux résultent d'une collaboration entre le Service d'Astrophysique du CEA-DAPNIA (F) et l'Astronomy Unit du Queen Mary University of London (GB)
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