12 mars 2013
Au plus près d'un trou noir
Herschel détecte le jet compact d'un système binaire X galactique

L’activité des systèmes binaires de la Galaxie abritant un trou noir se manifeste par l’émission de jets, à plusieurs échelles, très énergétiques. En observant la source GX 339-4, une équipe internationale coordonnée par Stéphane Corbel du Service d'Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA-Irfu vient de détecter pour la première fois l’émission dans l’infrarouge lointain d’un jet compact. Les données recueillies par la caméra PACS à bord du satellite Herschel, menées de concert avec une batterie de télescopes radio, X et optique,  ont permis de décrire en détail la formation et l’évolution du jet et de fournir des informations sur la base du jet, au plus près du trou noir. Ces travaux, qui apportent un éclairage nouveau sur les mécanismes d’émission de jets dans les systèmes à trou noir stellaire, sont publiés dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.

 

Ping-pong entre accrétion et éjection autour d’un trou noir

GX 339-4 est un système binaire galactique situé à 8 Kpc (26 000 années-lumière) contenant un trou noir d’une dizaine de masse solaire autour duquel gravite une étoile de faible masse (inférieure à la masse du Soleil). Dans ce couple, la matière de l’étoile est attirée vers l’astre compact dans un mouvement en spirale. Un disque d’accrétion en rotation autour du trou noir se forme. Lorsque l’énergie accumulée atteint une limite, la matière chute vers le trou noir. Le disque chauffé émet un intense rayonnement X et des puissants jets radio, s’étendant jusqu’à 10000 unités astronomiques (1500 milliards de km) se forment. Mais le réservoir finit par se tarir, le système passe dans un autre état et les caractéristiques de l’émission X changent rapidement (en quelques jours).
C’est au cours de cette phase que se forment des jets dits compacts (1/100ème en  dimension des jets radio précédemment décrits) mais puissants émetteurs à toutes les longueurs d’onde.

 
Au plus près d'un trou noir

Images de GX 339-4 (point lumineux au centre des clichés) recueillies par la caméra Pacs à 70 et 160 micromètres. Les deux longueurs d'onde ont été combinées pour réaliser une image en fausse couleur. Les deux images de gauche ont été obtenues le 25 février et 6 mars 2011, après l’alerte déclenchée par les télescopes X, RXTE et Swift, d’un changement d’état de la source. Ces observations ont alors permis de saisir l’émission d’un jet au plus près du trou noir. Les deux images apparaissent identiques, mais la source est un peu plus bleue dans l'image de gauche que dans l'image du centre, traduisant la diminution de sa brillance à 70 microns. Ceci est confirmé lorsqu'on soustrait les deux images (à droite): les structures disparaissent ainsi que les autres sources du champ, car celles-ci ne sont pas variable, et il ne reste que le point central qui correspond à GX 339-4. Les structures filamentaires diffuses autour de GX 339-4, source située dans le plan galactique, sont dues aux cirrus ou nuages interstellaire de la Galaxie. Extraire le signal de cette source ponctuelle noyée dans un brouillard galactique dense infrarouge a nécessité une analyse appropriée. Le champ de chaque cliché est de 5x3 minutes d’arc. (Crédits ESA/CEA)

L’infrarouge lointain pour sonder au plus près le trou noir

L’alerte du changement d’état de la source en rayons X a permis d’observer GX 339-4 avec le satellite Herschel. La caméra PACS a ainsi pu détecter l’émission infrarouge à 70 et 160 micromètres lors du changement d’état de GX 339-4. Combinées à des observations simultanées menées par des télescopes optique, radio et X, ces données ont permis de suivre pour la première fois la formation et l’évolution d’un jet compact dont la taille est de 10 unités astronomiques. « En combinant les observations radio et celles d’Herschel dans l’infrarouge lointain, nous avons détecté l’émission du jet à sa base, au plus près du trou noir. » explique S. Corbel. « Ces données confirment le scénario de l’émission des jets par l’énergie rayonnée, dit rayonnement synchrotron, par des électrons accélérés. Les électrons les plus énergétiques, présents à la base du jet, émettent dans l’infrarouge lointain tandis que ceux de plus basse énergie, situés à une distance plus grande du trou noir, rayonnent dans le domaine radio » précise-t-il.

La résurgence d’un jet compact au plus proche du trou noir, mis en avant en particulier grâce aux données obtenues par le satellite Herschel, apporte de nouveaux éléments sur les différentes étapes de l’activité des systèmes binaires galactiques abritant un trou noir et sur les modèles théoriques de formations des jets relativistes. Ces observations mettent également en avant la nécessité d’étudier ces systèmes via les futurs outils comme le réseau de télescopes ALMA.

 

Contacts :

Publication :
“Formation of the compact jets in the black hole GX 339-4”
S. Corbel, H. Aussel, J. W. Broderick, P. Chanial, M. Coriat, A. J. Maury, M. Buxton, J. A. Tomsick, A. Tzioumis, S. Markoff, J. Rodriguez, C. Bailyn, C. Brocksopp, R. Fender, P.O. Petrucci, M. Cadolle-Bel, D. Calvelo, L. Harvey-Smith , 2013,  A paraître dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society

Version électronique sur Astro-ph ou télécharger le fichier pdf

Voir - Le communiqué de L'Agence spatiale européenne (ESA) (en anglais)

       - l'actualité sur le site CEA - Fil Science (12 mars 2013)

 


 

 
#3280 - Màj : 12/03/2013

 

Retour en haut