Astrophysique en laboratoire
Grands lasers et physique des plasmas

Pour comprendre quantitativement de nombreux phénomènes astrophysiques, il faut disposer d’une bonne connaissance des propriétés microscopiques et dynamiques des plasmas. Un plasma est un gaz porté à une température telle que tout ou partie du cortège électronique des noyaux leur est arraché, pour former un gaz ionisé. C'est dans ce « quatrième état de la matière » que se présentent 90 % de la masse visible de l’Univers : Soleil, étoiles, gaz interstellaire ionisé, gaz des amas de galaxies… Mais les températures et les densités des plasmas astrophysiques sont très éloignées de celles rencontrées d’ordinaire sur Terre. Aujourd’hui, les lasers constituent des moyens puissants d’exploration de la physique de la matière placée dans des conditions extrêmes. Les lasers mis en œuvre pour la recherche en physique des plasmas se rangent essentiellement en deux catégories. Les lasers produisant des impulsions longues (ns) déposent une quantité d’énergie très élevée (103 Joules – 106 Joules) sur des cibles de quelques mm3 à quelques cm3. Avec les plus grands lasers de ce type, comme le LMJ du CEA/CESTA, l’interaction du rayonnement laser avec un échantillon de matière permettra d’atteindre des densités de l’ordre de 100 g cm-3 à 1 kg cm-3 et des températures supérieures à 108 K. Les lasers de ce type disponibles aujourd’hui, (p.ex. le LULI 2000) donnent accès à une enveloppe thermodynamique réduite de plus de deux ordres de grandeur. Une autre classe de lasers produit des impulsions extrêmement brèves (1 fms = 10-15 s – 10 ps = 10×10-12s) pour réaliser de très hautes intensités d’éclairement (1019 - 1021 W cm-2). Quelques installations dans le monde couplent ces deux modes, comme bientôt, au CEA/CESTA, où le laser LIL (prototype en fonctionnement du LMJ) sera couplé au laser PETAL dès 2012.

L’étude expérimentale des propriétés des plasmas denses et chauds, dont on maîtrise de mieux en mieux la production et les diagnostics, apporte de précieuses informations pour l’astrophysique, portant aussi bien sur les mesures des propriétés physiques de base (opacités, équations d’état, coefficients de transport thermique, etc …) que sur la génération de multiples phénomènes dynamiques complexes, conduisant, comme en astrophysique, à la formation d’ondes de chocs très fortes.

 

Pénétrer au cœur des étoiles


Ainsi, les lasers permettent de produire des plasmas dans des conditions thermodynamiques caractéristiques des intérieurs stellaires Dans les étoiles, la progression du rayonnement vers la surface, d’où l’énergie est rayonnée dans l’espace, conditionne leur structure, leur évolution et leur durée de vie. Cette lente progression (de 300 000 ans à 1 millions d’années dans le Soleil) est contrôlée par la valeur des opacités du plasma stellaire, notamment dans la gamme spectrale de 0,1 à 1 keV (12,4 à 124 nanomètres) où l’interaction entre les photons et la matière est la plus intense, mais aussi le plus difficile à calculer ! L’Irfu/SAp, avec l’Iramis/SPAM, collaborent avec la DAM à la réalisation d’une campagne expérimentale auprès du laser LULI 2000, portant sur les propriétés radiatives des plasmas chauds et denses, ainsi que sur leur équation d’état, en se rapprochant de conditions stellaires. Ces expériences ont pour objectif de valider les modèles de physique atomique utilisés notamment dans les codes d’évolution stellaire.
 

 
Astrophysique en laboratoire

A gauche, schéma de principe d’une expérience de mesure d’opacités, utilisant simultanément le laser NANO2000 du LULI, pour porter divers échantillons de matière de numéro atomique croissant (Fe, Ni, Cu, Zn et Ge) à une température d’environ 20 eV, (220 000 K) et le laser PICO2000 pour sonder les plasmas chauds. A droite, mesure du spectre X d’un plasma de fer ainsi créé, comparé à deux évaluations par le modèle de physique atomique SCO pour des températures de 20 eV et 22 eV, et une densité ρ = 5 10-3 g cm 3.

Astrophysique en laboratoire

Expériences menées à PALS en 2005 et 2007 (à gauche, radiographie dans le visible, à droite interférogramme dans le visible – noter les différences d’échelles), mettant en évidence la propagation du précurseur d’un choc radiatif supercritique, se propageant dans du xénon. Les simulations réalisées au SAp à l’aide du code HERACLES soulignent l’influence de l’albédo des parois des cellules de quartz renfermant le Xénon, et de la courbure du choc.

Simuler l'univers violent


De plus, les lasers de haute énergie et d’impulsions longues permettent de produire des conditions dynamiques typiques de nombreux phénomènes astrophysiques violents (ondes de chocs se déplaçant à plusieurs centaines de kilomètres par seconde, jets, vents stellaires, restes de supernovae, ….). La pertinence astrophysique de ces expériences repose en partie sur l'existence de lois de transformation d'échelles qui permettent de ramener à une expérience de laboratoire l’étude d’un phénomène dont les temps et les longueurs caractéristiques relèvent des échelles astronomiques.

Depuis 2005, le SAp, en collaboration avec le LERMA (Observatoire de Paris-Meudon), le LULI et la DAM, a contribué à des expériences portant sur les chocs forts radiatifs, réalisées au LULI puis sur le laser PALS de Prague. Ces expériences ont mises en évidence les propriétés du chauffage intense de la matière en amont de chocs forts, phénomène appelé « précurseur des chocs radiatifs ». Cette situation se rencontre dans de nombreux environnements astrophysiques, notamment au cours des phases précoces de la formation des étoiles, ou bien dans les atmosphères des étoiles pulsantes, les enveloppes de matière circumstellaire, ou encore les restes de supernovae. L’expérience acquise par la contribution à ces campagnes a permis de proposer un programme ambitieux d’étude des chocs radiatifs sur la LIL (campagne 2010)

 
#2534 - Màj : 15/01/2009

 

Retour en haut