La dernière décennie a vu une évolution rapide du paysage de la neutronique en France et en Europe, en raison de la mise à l'arrêt de nombreux réacteurs de recherche. Pour pallier le manque de neutrons résultant en France, le développement de sources de neutrons compactes pilotées par accélérateur (CANS) est actuellement à l’étude au CEA, notamment dans le cadre des projets IPHI-Neutrons et ICONE. Le développement de ces CANS nécessite de disposer d'outils de simulation de type Monte-Carlo capable de simuler toute l’expérience. Sous l'impulsion du DPhN de l'Irfu, et en collaboration avec l'Isas (DES) et l'Université de Prague, un important travail de remise à niveau du code Geant4 a été effectué depuis 2018 ciblant le traitement des interactions neutroniques pour différentes gammes d'énergie du neutron (prise en charge des liaisons moléculaires des noyaux cibles, élargissement Doppler des sections effi-caces, etc.). Ces travaux, intégrés dans les versions récentes officielles de Geant4, ont alors permis de concevoir le code TOUCANS, en support du développement des CANS. Doté d'une interface utilisateur simple, TOUCANS permet de simuler facilement des dispositifs expérimentaux complexes, et a d'ores et déjà été mis en œuvre afin d’optimiser les sources neutrons IPHI-Neutrons, ICONE et IFMIF-DONES ainsi que l’expérience de physique fondamentale CRAB, pour la détection de neutrinos. Il est prévu de rendre TOUCANS libre d’accès prochainement, afin qu'il soit accessible au plus grand nombre. Le résultat de ces travaux ont été publiés dans [1,2,3,4].

La dernière pièce d'une longue aventure commencée en 2014 avec une expérience menée par l'Irfu et le RIKEN Nishina Center a été posée avec la publication d'un article contenant l'étude comparative de la corrélation dineutrons dans 11Li, 14Be et 17B [1]. Cet article publié dans Phys. Lett. B complète une série de publications sur le sujet [2,3] issues de la même expérience utilisant le dispositif MINOS  conçu et construit à l'Irfu. Cette corrélation est proposée comme une caractéristique universelle des noyaux à halo borroméen.

La prédiction des propriétés nucléaires fondée sur une description réaliste de l'interaction forte est le principal objectif de la théorie nucléaire à basse énergie. L'un des problèmes réside dans le coût de la résolution de l'équation de Schrödinger qui augmente de façon exponentielle avec le nombre de nucléons. Par conséquent, les prédictions théoriques reponsant sur les premiers principes ont longtemps été limitées à des noyaux très légers, à des noyaux avec des nombres spécifiques de protons et de neutrons offrant des simplifications ou à leurs états fondamentaux. Bien que l'affranchissement de chacune de ces trois contraintes séparément soit en cours, leur dépassement simultané constitue actuellement un enjeu clé du domaine. En utilisant un nouveau formalisme à N corps [1] récemment développé par la collaboration PAN@CEA ("Problème à N corps au CEA") (DRF-DAM-DES), le calcul ab initio des excitations collectives, c'est-à-dire des rotations et des vibrations nucléaires, dans tous les noyaux de masse moyenne devient possible pour la première fois [2,3]. Ce travail ouvre la voie à des prédictions à grande échelle des propriétés nucléaires depuis les premiers principes.

Les anomalies des antineutrinos de réacteur sont une énigme en physique du neutrino qui dure depuis une dizaine d’années. Elles se manifestent par des déviations de l’ordre de quelques pourcents entre les mesures et les prédictions. Ces déviations ont été observées dans le nombre d’antineutrinos mesurés par plus d’une dizaine d’expériences auprès de réacteurs nucléaires, et dans la forme des distributions en énergie cinétique, par les sept plus récentes. Elles auraient pu être la voie vers une nouvelle physique au-delà du modèle standard, mais les expériences récentes, dont l’expérience STEREO portée par l’Irfu, ont refermé cette porte.

Dans un travail qui vient d’être publié dans Physical Review Letter [1], une équipe composée de physiciens de l’Irfu et du Laboratoire National Henri Becquerel de DRT a mis en évidence que ces anomalies pourraient provenir de biais dans les mesures d’électrons de fission ayant servi de référence à la prédiction. Ils ont développé un modèle de fonction force bêta permettant de réduire les biais dans le calcul des spectres d'énergie des électrons issus de la fission de noyaux fissiles des réacteurs. Les deux "anomalies" sur le flux des antineutrinos et la "bosse" à 5 MeV dans le spectre d'energie des antineutrinos sont désormais reproduits par leur modèle. Ceci permet donc de proposer une explication pour résoudre une énigme de plus de 10 ans.

Après plusieurs années de mise au point à Saclay, la première partie du spectromètre Falstaff a été déménagée à Ganil en 2021 puis installée sur NFS pour l’étude de l’uranium 235. L’expérience qui a eu lieu en novembre et décembre 2022 était la première à utiliser une cible d’actinide sur Spiral2. Elle a démontré les bonnes performances de ce dispositif.

Les résultats finaux de l’expérience Stereo viennent d’être publiés dans le journal Nature. Un record de précision est établi pour le spectre des neutrinos émis par la fission de 235U, mesuré entre 9 et 11m de distance du cœur du réacteur de l’ILL à Grenoble. L’hypothèse d’un neutrino stérile pour expliquer l’anomalie des neutrinos de réacteur est rejetée. La qualité de ces mesures directes en neutrino surpasse à présent celles des données nucléaires sous-jacentes qui décrivent les désintégrations bêta des produits de fissions. Stereo fournit à la communauté un spectre neutrino de fission corrigé de tous les effets de détection, qui servira de référence aux prochaines expériences auprès des réacteurs et qui pointe les biais résiduels des bases de données nucléaires.

L’expérience Stereo vient de boucler une belle aventure scientifique qui commence en 2011 avec la révélation par le groupe de l’Irfu de « l’anomalie des antineutrinos de réacteurs ». Les physiciens se retrouvaient avec un déficit significatif de 6% entre le flux de neutrinos mesuré auprès des réacteurs et le flux prédit. L’histoire des sciences nous a assez enseigné la potentielle richesse des nouveaux phénomènes qui peut se cacher derrière une anomalie. En l’occurrence ce qui se tramait ici était l’existence possible d’un nouveau type de neutrino qui ouvrirait un secteur de physique au-delà du modèle standard. Sans aucune interaction directe avec la matière, ce neutrino, qualifié de « stérile », pourrait cependant se mélanger avec les neutrinos « standards» et trahir ainsi son existence à travers … un déficit de taux de comptage dans nos détecteurs.

La première mesure des corrélations de courte portée (SRC) dans un noyau exotique a eu lieu en mai 2022 avec l'instrument Cocotier installé à GSI à Darmstadt, en Allemagne. Cette expérience est une étape cruciale dans le programme qui a débuté en 2017 avec un financement de l'Agence Nationale de la Recherche qui a permis aux physiciens de construire une cible d'hydrogène liquide (voir FM précédent). L'objectif de cette expérience est de tester l'hypothèse que les nucléons peuvent former des paires compactes, les paires SRC. Cette campagne de mesure a permis de recueillir des données expérimentales pendant environ 60 heures avec un faisceau de 16C puis avec un faisceau 12C durant une quarantaine d’heures supplémentaires afin d'avoir une mesure de référence avec un faisceau stable bien étudié. L'équipe de l'Irfu a joué un rôle majeur dans la préparation et le déroulement de cette expérience, et est maintenant en charge de l'analyse des données avec le MIT, TU Darmstadt et l'équipe du LIP Lisbonne.

Le DPhN en collaboration avec le Département d'étude des réacteurs de la DES Cadarache et l'Institut de physique nucléaire et des particules de l'université Charles de Prague (Tchéquie) a étudié les propriétés des rayons gamma émis par les isotopes de l'uranium lors de réactions de capture de neutrons. Les spectres gamma mesurés auprès de l'installation n_TOF du CERN ont servi de banc de test des modèles de réactions nucléaires et de leurs ingrédients, notamment la fonction force radiative qui caractérise la capacité d'un noyau à émettre ou absorber des photons. Ce travail a permis une modélisation cohérente des fonctions forces radiatives de la chaîne isotopique de l'uranium (234U, 236U, 238U) et a confirmé la présence d'un mode d'oscillation particulier de la forme du noyau à basse énergie d'excitation. Cette étude a été réalisée dans le cadre de la thèse de doctorat de Javier Moreno-Soto [1] et les résultats complets sont publiés dans Physical Review C [2].

Deux instruments de pointe, GLAD et COCOTIER, ont étés conçus et construits à l’Irfu dans les dernières années et sont maintenant opérationnels au sein de la salle expérimentale R3B de l’accélérateur d’ions lourds de GSI (Darmstadt, Allemagne). Les deux sont destinés à faire partie de l’équipement qui sera utilisé auprès de FAIR, la nouvelle machine en construction sur le site de GSI. GLAD est un spectromètre de grande acceptance destiné à l’analyse des réactions de faisceaux d’ions lourds radioactifs relativistes. Il a été installé sur site en 2015 et vu le faisceau pour la première fois à l’automne 2018. Dans certaines expériences, ces faisceaux auront interagi en amont sur la cible d’hydrogène liquide COCOTIER. Celle-ci, financé en partie par l’Agence Nationale de la Recherche, vient d’être utilisée pour la première fois dans une expérience en mars 2021. Ces deux équipements sont deux éléments clefs pour effectuer des mesures des propriétés des noyaux à la limite de la cohésion nucléaire et avec des structures inhabituelles, permettent de faire évoluer les modèles nucléaires actuels.

L’installation NFS (Neutrons For Science) a reçu les premiers faisceaux de protons délivrés par l’accélérateur linéaire de la nouvelle installation Spiral2 du Ganil en décembre 2019. En marge de la mise en service progressive de l’accélérateur en 2020, de courtes périodes de faisceau ont été mises à profit pour tester avec succès plusieurs éléments de NFS. Les premières expériences sont prévues auprès de l’installation à l’automne 2021.

Un premier faisceau de protons accélérés à 33 MeV a été envoyé en décembre 2019 dans la station d’irradiation de NFS (figure 1), couplée à un système de transfert pneumatique permettant de transporter les échantillons irradiés jusqu’à une station de mesure. Les sections efficaces de production de plusieurs noyaux obtenus par irradiation d’échantillons de fer et de cuivre ont ainsi été mesurées. Les résultats de ce test sont en accord avec les données précédemment publiées. Le dispositif d’irradiation et de mesure, construit et opéré par des physiciens du laboratoire NPI de Rez (République Tchèque), sera utilisé dans le futur pour des mesures inédites de sections efficaces de réaction par activation.

Grâce aux collisions d’ions lourds accélérés au GANIL et la détection des produits de réactions avec le détecteur INDRA, il a été possible de déduire les paramètres d’évolution des éléments chimiques dans des phénomènes stellaires. 

 

Ces éléments chimiques, des noyaux légers (d, t, 3He, ?, 6He…), sont créés par agrégation de protons et neutrons au cours de la collision entre noyau projectile et noyau cible. La mesure avec INDRA a montré que leur taux de production est plus important que le taux attendu par le modèle du gaz idéal. Le travail de la collaboration INDRA, avec l’aide de trois théoriciennes, consistait à effectuer une analyse bayésienne sur les données pour extraire les observables thermodynamiques en tenant compte des effets du milieu de la matière nucléaire puis à comparer les données ainsi obtenues avec un modèle. 
Ce résultat est important puisqu’il mesure la concentration chimique des agrégats dans les zones de basse densité nucléaire, ces mêmes densités que l’on trouve dans des supernovæ à effondrement de noyau. Le processus de cet événement stellaire est largement dominé par l’émission de neutrinos qui peuvent être capturés par les neutrons libres ou présents dans les agrégats. Ainsi la concentration chimique de ces éléments détermine le transport des neutrinos et donc l’évolution de la supernova.

Les météorites sont bombardées tout au long de leur voyage par le rayonnement cosmique. Cette irradiation est un formidable révélateur de leur histoire, à condition bien sûr de savoir la décrypter. L'interaction du rayonnement cosmique avec les noyaux atomiques constituant la météorite va produire des isotopes dits cosmogéniques, très souvent radioactifs. Des mesures d'activités, une fois la météorite trouvée sur terre, associées à un modèle peuvent permettre de remonter à sa taille pré-atmosphérique, à son temps d'exposition au rayonnement, à son âge terrestre, voire aussi à mieux connaître ce flux de rayonnement cosmique. Ce type de modèle repose sur un ingrédient clé : les sections efficaces élémentaires de production des isotopes. Ces dernières ont pour la première fois été fournies intégralement par le code de réaction nucléaire INCL développé à l’Irfu dans le cadre d’une étude des météorites ferreuses [1], augmentant ainsi la précision des analyses.

Le DPhN en collaboration avec le DEDIP, la DAM Ile de France (DAM/DIF) et JRC-Geel a développé une chambre à fission compacte servant de cible active au centre du calorimètre gamma de la Collaboration n_TOF. Ce dispositif permet d'étudier les rayons gammas spécifiquement issus des réactions de capture radiative (n,γ), souvent noyés dans un flot d'événements de fission également générateurs de gamma.

INCL (intra nuclear cascade from Liège) est un code de simulation reconnu pour sa capacité à modéliser les interactions particule légère – noyau. Il est utilisé dans des domaines très divers, comme la protonthérapie, les sources de neutron, les faisceaux d'ions radioactifs ou encore les ADS (Accelerator Driven System). Afin d’étendre ses performances dans le domaine des réactions à plus haute énergie, en lien avec le rayonnement cosmique ou l'étude des hypernoyaux, une équipe de physiciens menée par l’Irfu a récemment développé une nouvelle version du code permettant d’inclure les particules étranges. Ce travail était au cœur d’une thèse récemment soutenue (2019) et les nouvelles possibilités offertes par ce code ont été publiées début 2020 dans la revue Physical Review C [1].

Le code FIFRELIN simule la fission nucléaire et la désexcitation des noyaux alors produits. STEREO est un détecteur compact de neutrinos qui cherche un hypothétique neutrino stérile. Deux thématiques a priori disjointes développées au CEA, la première à la DEN, la seconde à la DRF/Irfu, qui se sont pourtant récemment rencontrées pour atteindre une précision inédite sur un ingrédient crucial de la détection des neutrinos : la désexcitation d’un noyau de Gadolinium après la capture d’un neutron. Les résultats de cette rencontre viennent d’être publiés dans la revue The European Physical Journal A [1].

NFS (Neutrons For Science) est une aire expérimentale de l’installation Spiral2 (Ganil, France) qui fournira des faisceaux de neutrons de grande intensité pour des énergies allant de 0.5 à 40 MeV. Ces derniers seront créés par collision des faisceaux de particules chargées de Spiral2 avec des cibles de carbone, béryllium ou lithium, grâce à un élément clé de NFS, le convertisseur. La conception de celui-ci constitue un réel défi puisqu’il doit résister à une grande puissance déposée par les faisceaux intenses de Spiral2. Dans ce cadre, l’Irfu a conçu et réalisé un convertisseur capable de soutenir une puissance de 2 kW. Les faisceaux de neutrons de NFS permettront d’obtenir des informations dans un domaine en énergie encore peu exploré. La physique fondamentale, la modélisation des réactions nucléaires et les bases de données nucléaires bénéficieront ainsi d’un outil unique.

La collaboration n_TOF, dont l'Irfu et l’IPN Orsay comptent parmi les membres fondateurs les plus actifs, étudie au Cern depuis une quinzaine d'années les réactions entre neutrons et noyaux atomiques, aidant à comprendre comment la matière est structurée et s’organise à l’échelle nucléaire. Au-delà de l'intérêt intrinsèque de l’étude de la matière nucléaire, les réactions induites par neutrons jouent un rôle clé dans le domaine de la technologie nucléaire et dans l'étude de la nucléosynthèse primordiale et stellaire en astrophysique. En particulier, le problème du lithium cosmologique a été étudié récemment dans la toute nouvelle zone d'expérimentation EAR2 avec une mesure de la réaction 7Be(n,?)4He. Les résultats, qui viennent d'être publiés dans la prestigieuse revue à fort impact Physical Review Letters [1], permettent d’affiner notre compréhension de la nucléosynthèse primordiale et excluent un rôle important de cette réaction dans le problème du lithium cosmologique.

Un nouveau détecteur Micromegas vient d’être développé à l’Irfu : pour la première fois, la micro?grille et l’anode sont segmentées en pistes, dans des directions perpendiculaires. Ce détecteur offre ainsi une vraie structure 2D pour la reconstruction des trajectoires des particules chargées. De plus, ayant une masse très faible, il est parfaitement adapté à des mesures en faisceau de neutrons moyennant l’utilisation d’un convertisseur. Le détecteur a été testé avec succès et est dorénavant utilisé comme profileur transparent du faisceau de neutrons de l’expérience n_TOF au CERN.

Les neutrons retardés jouent un rôle primordial pour le pilotage des réacteurs. Ils sont aussi utilisés dans certaines techniques d’interrogation de colis de déchet ou de détection de matières nucléaires. Une équipe du CEA a récemment déterminé les rendements des neutrons retardés produits par la fission du thorium induite par des neutrons de 2 à 16 MeV, une partie de cet intervalle n’ayant jamais été explorée à ce jour.

 

Origine des neutrons retardés

Lors de la fission des actinides, la majorité des fragments produits sont radioactifs. Ces fragments riches en neutrons rejoignent la vallée de stabilité par décroissance ß-. Lorsque le noyau fils est produit avec une énergie d’excitation supérieure à l’énergie de liaison d’un neutron, il y a émission d’un neutron. Puisque ces neutrons sont émis après la décroissance ß- , ils sont appelés retardés et le fragment d’origine est appelé précurseur de neutrons retardés (Fig. 1).

Il existe plus de 200 noyaux précurseurs. Ils sont généralement représentés en 6 groupes, chaque groupe étant caractérisé par un temps de vie (Ti) et une abondance relative (ai). La distribution temporelle du nombre de neutrons émis en fonction du temps est donnée par :

  

Une collaboration européenne combinant des prédictions issues de calculs de structure nucléaire avec des modèles de nucléosynthèse apporte, pour la première fois, une explication simple à l’abondance des terres rares dans le système solaire : une fission doublement asymétrique.

 

Les théories actuelles modélisant la fission s’attachent à reproduire la fission asymétrique des actinides (Z > 89) mais elles ne prévoient pas la fission d’éléments plus légers comme celle des isotopes de mercure. En particulier, le Mercure-180 (180Hg) présente un comportement inattendu, mis en évidence par des mesures récentes, car il privilégie une cassure en deux noyaux de masses différentes alors que les mercures plus lourds se scindent à peu près symétriquement.


Une équipe de la collaboration DAM-DSM en physique nucléaire (Cophynu) a élaboré un nouveau modèle théorique, SPY (Scission Point Yields), capable de prédire le caractère symétrique ou non de la fission de n’importe quel noyau. Ce modèle repose sur l’étude microscopique du « point de scission », c’est-à-dire du moment exact de la fission où les deux fragments du noyau viennent de se former. Le modèle se base sur les caractéristiques de plus de 7 000 noyaux, évaluées grâce aux outils de calcul intensif du CEA. Il permet de calculer les distributions en masse et en énergie des fragments de fission de tous les noyaux, sans exception, en se basant sur la seule structure des noyaux fils. 
 

 

 

 

Depuis de nombreuses années, le groupe Spallation du SPhN développe, en étroite collaboration avec l’Université de Liège, un modèle décrivant les réactions de spallation, appelé INCL. Fort de ses remarquables performances dans une évaluation internationale, ce modèle vient d’être inclus dans trois des grands codes de simulations utilisés dans le monde pour modéliser et concevoir les équipements dans lesquels ces réactions interviennent.

Une gestion efficace des colis de déchets nucléaires est conditionnée par l'identification et la quantification des matières nucléaires qu'ils contiennent. Au CEA des méthodes non destructives de caractérisation de ces colis sont mises au point afin de les classifier et les orienter vers le stockage adéquat. Les mesures passives qui consistent à mesurer les radiations émises naturellement sont insuffisantes car le contenu, nucléaire et autre, du colis joue le rôle d'un blindage. A contrario, l'irradiation par photon pourrait permettre de quantifier et d'identifier le contenu en actinides (éléments dont le numéro atomique est supérieur à 89) d'un colis. Depuis quelques années, une équipe du Service de physique nucléaire de l'Irfu, dans le cadre du projet PhotoNuc, mesure les caractéristiques de l'émission des neutrons et gamma retardés émis par les fragments issus de la fission induite par photon (photofission) des actinides. Ces données sont essentielles à l'optimisation d'un dispositif visant à trier un nombre important de fûts de déchets. Les résultats pour les gamma retardés ont fait l'objet d'une communication à la conférence PHYSOR081 et ont été sélectionnés pour publication rapide dans Annals of Nuclear Energy.  

En envoyant un proton de haute énergie sur un noyau, on produit quantité de fragments divers, c’est ce que les physiciens appellent la spallation. Cette réaction entre en jeu dans les sources de neutrons de spallation, qui ont de multiples applications potentielles (réacteurs nucléaires sous-critiques, caractérisation de nouveaux matériaux) ou pour la compréhension des effets des rayonnements cosmiques dans le domaine spatial. Les réactions de spallation permettent également d’exciter les noyaux (c.-à-d. augmenter le degré d’agitation des nucléons dans le noyau). Comment se passe ensuite la désexcitation conduisant à la production des différents fragments ? C’est à cette question que s’intéressent les physiciens du Service de physique nucléaire de l’Irfu au sein de la collaboration SPALADIN, auprès de l’accélérateur d’ions lourds GSI à Darmstadt, en Allemagne. Ils ont étudié l’évolution des modes de désexcitation de noyaux de fer, et les observations sont en accord avec un modèle dit séquentiel. Ces études permettront d’améliorer les modélisations utilisées pour les applications envisagées. Ces résultats viennent d’être publiés dans Physical Review Letters1 .

Une nouvelle cible d’hydrogène liquide vient d’être mise en place dans le cadre du programme Spaladin au GSI-Darmstadt (Allemagne) qui étudie les interactions entre des ions lourds et des protons. Cette cible doit réduire au maximum les interactions parasites à la fois dans les parois de la cible et dans la cible elle-même. Pour soutenir cette gageure, les ingénieurs-chercheurs et techniciens du Dapnia ont conçu une cible qui fait appel à d’astucieuses innovations techniques.

Divers projets internationaux étudient les réacteurs hybrides qui utilisent un faisceau de neutrons produit par un accélérateur pour asservir un réacteur nucléaire. Ces systèmes nécessitent des détecteurs de neutrons fonctionnant sur une large gamme d’énergie et peu sensibles aux rayonnements X ou gamma. Dans le cadre du projet Trade à Casacia en Italie, les équipes du Dapnia viennent d’achever le développement d’un détecteur conçu spécifiquement pour ce besoin : Piccolo Micromegas.

Il est possible de provoquer des réactions nucléaires avec des rayons gamma, ce sont les photoréactions. En détectant les neutrons ou les rayons gamma secondaires produits par ces photoréactions, on pourra détecter des matériaux fissiles dans des colis de déchets radioactifs ou bien faciliter le contrôle des matières nucléaires dans le cadre des traités de non prolifération. Il faut auparavant décrire correctement ce type de réactions. En collaboration avec le laboratoire américain de Los Alamos, les physiciens nucléaires du Dapnia ont modélisé les photoréactions des principaux isotopes de matériaux fissiles (uranium, neptunium, plutonium et américium). Les évaluations tirées de ces modélisations viennent d’être intégrées dans la base de données nucléaires américaine ENDF/B-VII, utilisée par la communauté internationale.

L’incinération des déchets nucléaires par la transmutation d’actinides de durée de vie longue en radioéléments de plus courte période ou la mise au point de réacteurs nucléaires sous-critiques, intrinsèquement sûrs, réclament des sources de neutrons intenses.  Pour produire de telles sources, on utilise la technique de spallation, c’est-à-dire l’interaction d’un faisceau de protons de haute énergie avec une cible. Le projet international Megapie a pour objectif de concevoir, fabriquer et tester une cible de spallation en plomb-bismuth liquide. Dans ce cadre, le Dapnia a réalisé un  « détecteur de neutrons » pour déterminer les caractéristiques des neutrons produits par la cible et pour étudier ses capacités d’incinération des actinides mineurs. Ce détecteur vient de franchir une étape majeure dans sa réalisation : il vient d’être installé au sein même de la cible.

L’étude des actinides mineurs constitue, aujourd’hui, un intérêt majeur pour la gestion des déchets de l’industrie nucléaire. Les noyaux de curium, formés à partir des isotopes d’américium, sont, en particulier, extrêmement difficiles à manipuler et à stocker du fait de leur forte activité. C’est pourquoi les scénarios futurs de production d’énergie par le nucléaire prennent en compte la formation de ces noyaux et essaient de réduire leur production, voire de les incinérer. Or un passage obligé pour former ces éléments lourds est l’américium 244 dont il convient de connaître, avec précision, les taux de formation et les temps de vie de son état fondamental 244gsAm et de son état métastable 244mAm. Grâce à une collaboration entre des équipes du Service de physique nucléaire du Dapnia et du Service de systèmes et technologies pour la mesure du Detecs (CEA/DRT/LIST), l’état métastable 244mAm a pu être étudié dans une mesure par activation neutronique.

 

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