30 janvier 2007
Les top du modèle standard peuvent être célibataires : D0 confirme
Le 8 décembre dernier, les scientifiques de la collaboration D0 auprès du Tevatron à Fermilab (Etats-Unis), à laquelle participe une équipe du Dapnia, ont annoncé la production du quark top « célibataire ». Ce phénomène subatomique rare constitue un test important des prédictions du modèle standard, la théorie actuelle de la physique des particules. Les méthodes utilisées dans cette analyse permettront aux physiciens de rechercher plus efficacement une particule bien plus évasive, le boson de Higgs.
 
Le Tevatron, le grand accélérateur de particules du Fermilab près de Chicago (USA), reste le collisionneur le plus puissant du monde en attendant la mise en service du LHC au Cern en 2007. C’est avec cet instrument que les expériences D0 et CDF ont découvert le quark top en 1995. Jusqu’à présent seule la production par paire « quark top + antiquark top », qui passe par l’intermédiaire d’un gluon, vecteur de l’interaction nucléaire forte, avait été observée (Figure 1). Le modèle standard prédit aussi la possibilité de créer un quark top par l’intermédiaire d’un boson W, vecteur de l’interaction nucléaire faible. Dans ce cas le quark est dit « célibataire », c'est-à-dire produit sans sa contrepartie en antimatière. L’apparition de ce quark dans les collisions proton-antiproton passe par la désintégration du boson W en quarks top et beau (Figure 2). Cependant la mise en évidence de cette production est rendue très difficile car elle peut être confondue avec d’autres processus aux résultats très similaires, qui se produisent à des taux bien plus élevés.
 
Les top du modèle standard peuvent être célibataires : D0 confirme

Fig. 1: diagramme de production du quark top par paire, via un gluon.

Les top du modèle standard peuvent être célibataires : D0 confirme

Fig.2: diagrammes de production du quark top "célibataire", via un boson W.

Parmi les millions de milliards de collisions produites au Tevatron, seuls quelques dizaines d’événements compatibles avec la production d’un quark top « célibataire » ont pu être caractérisés. Pour cela, les physiciens ont dû mettre en œuvre des méthodes d'analyse des plus modernes et développer des outils informatiques très perfectionnés pour optimiser le traitement des données de l’expérience D0. Ces traitements concernent la détermination des trajectoires et des propriétés des particules issues de la collision et de la désintégration du quark top, ainsi que l’utilisation d’une analyse statistique sophistiquée. Cette analyse, combinant une cinquantaine de variables, fait ressortir les faibles déviations statistiques trahissant la production de quarks top « célibataires ». Et dans ce cas la probabilité que le signal détecté soit une fluctuation statistique n'est que de 1 sur 2900 (0,03 %).
 
La mise en évidence du quark top « célibataire » permet de mesurer d’une manière directe le paramètre qui commande son taux de production. Le modèle standard prévoit que ce paramètre doit être proche de l’unité. Un écart important par rapport à cette valeur nécessiterait de modifier la théorie en y intégrant l'existence de quarks supplémentaires ou d'autres particules fondamentales. Le résultat de D0 permet de déterminer avec une probabilité de 95 % que la valeur de ce paramètre se situe entre 0,68 et 1, ce qui est en accord avec le modèle standard.
 
La campagne de prise de données qui se poursuit au Tevatron va permettre d’affiner davantage ces mesures et d’améliorer notre compréhension de la physique du quark top avant que le futur collisionneur proton-proton LHC du Cern ne prenne le relais avec une énergie sept fois plus élevée. Les laboratoires français se sont fortement investis dans l'analyse et le développement des outils de reconstruction et d'identification des particules pour la mise en évidence de la production du quark top « célibataire ». Les recherches menées sur la physique du quark top dans l’expérience D0 sont le sujet de dix thèses au Dapnia et à l’IN2P3. Trois d’entre elles portent spécifiquement sur la recherche du quark top « célibataire ».
 
Les top du modèle standard peuvent être célibataires : D0 confirme

La collaboration D0 devant le détecteur avant de muons.

Les top du modèle standard peuvent être célibataires : D0 confirme

Le détecteur D0 vu de profil. Les chambres à muons constituent la dernière "couche".

La recherche du boson de Higgs pourrait bénéficier des méthodes d’analyse mise au point pour la recherche du quark « célibataire ». En effet, les expériences auprès du Tevatron peuvent encore concurrencer sur ce point les expériences Atlas et CMS du Cern à Genève, avant le démarrage du LHC. Cependant, du fait des performances de la machine américaine, les physiciens devront chercher la trace du Higgs au sein d’un bruit de fond très important. C’est pourquoi les méthodes d’analyses développées pour la recherche du quark top « célibataire » leur seront si utiles.
 
 

Contact : Marc Besançon

 

Site web D0
 
Site web D0 France
 
Pour en savoir plus
*Commentaires de Pier Oddone, directeur de Fermilab (en anglais) :
 
*Article paru dans Fermilab Today (en anglais) :

 
#1183 - Màj : 30/01/2007

 

Retour en haut