04 juin 2021
GLAD et COCOTIER : la cryogénie de l’Irfu à GSI
GLAD et COCOTIER : la cryogénie de l’Irfu à GSI

Fig 1 : haut, GLAD est installé à GSI ; bas : GLAD et COCOTIER installé à GSI (crédit : GSI)

Deux instruments de pointe, GLAD et COCOTIER, ont étés conçus et construits à l’Irfu dans les dernières années et sont maintenant opérationnels au sein de la salle expérimentale R3B de l’accélérateur d’ions lourds de GSI (Darmstadt, Allemagne). Les deux sont destinés à faire partie de l’équipement qui sera utilisé auprès de FAIR, la nouvelle machine en construction sur le site de GSI. GLAD est un spectromètre de grande acceptance destiné à l’analyse des réactions de faisceaux d’ions lourds radioactifs relativistes. Il a été installé sur site en 2015 et vu le faisceau pour la première fois à l’automne 2018. Dans certaines expériences, ces faisceaux auront interagi en amont sur la cible d’hydrogène liquide COCOTIER. Celle-ci, financé en partie par l’Agence Nationale de la Recherche, vient d’être utilisée pour la première fois dans une expérience en mars 2021. Ces deux équipements sont deux éléments clefs pour effectuer des mesures des propriétés des noyaux à la limite de la cohésion nucléaire et avec des structures inhabituelles, permettent de faire évoluer les modèles nucléaires actuels.

 

GLAD, le grand gourmand

Après les tests réussis de la masse froide (écran, enceinte à vide) de l’aimant, (22 t à 4,5 K) à Saclay dans un station cryogenique de test du DACM, celle-ci a été installée dans son cryostat (sa coquille) et transporté au GSI en Octobre 2015.

Test de l’aimant en configuration d’exploitation

Pendant un an et demi, l’aimant a été installé dans un des halls expérimentaux de l’accélérateur de GSI. Il a été positionné, raccordé à son alimentation électrique et connecté à son réfrigérateur par les équipes du GSI.

Fin 2018, l’aimant a atteint son courant nominal, même un peu plus : 3590 A. Il ne lui a fallu qu’un seul quench (phénomène de transition de l’état supraconducteur à l’état résistif) à 3546 A pour atteindre son régime de fonctionnement nominal. Cependant, une surcharge thermique sur le busbar (lignes supraconductrices reliant les pieds des amenées de courant à l’aimant, en bleu sur le schéma) nécessitait un débit d’hélium plus important pour le refroidir. Cela conduisait à une consommation trop importante en hélium liquide et le courant nominal ne pouvait être maintenu que quelques heures.

 
GLAD et COCOTIER : la cryogénie de l’Irfu à GSI

Fig 2 : haut, dessin technique illustrant l'aimant et son satellite ; bas : lignes supraconductrices reliant les pieds des amenées de courant à l'aimant en bleu.

GLAD et COCOTIER : la cryogénie de l’Irfu à GSI

Fig 4 : Fin 2018, l’aimant a atteint son courant nominal et même un peu plus : 3590 A.

Les expériences de physique en 2019 n’ont donc été réalisées qu’avec un courant limité à 2400 A. Bien que dégradé, le niveau de champ magnétique produit suffisait amplement pour les premières expériences de physique.

Début 2020, le liquéfacteur a été amélioré par un apport d’azote liquide sur ses premiers échangeurs thermiques, ce qui augmenta nettement ses performances. Il peut désormais compenser intégralement la surconsommation d’hélium de l’aimant, ce qui a permis en mars 2020 d’atteindre le courant nominal de l’aimant sans quench, ce qui n’avait pas encore été réalisé après un cyclage thermique complet de l’aimant, et de le laisser 16 heures en fonctionnement sans aucune complication.

Le spectromètre Glad est désormais totalement opérationnel pour les prochaines campagnes expérimentales qui auront lieu à partir de mars 2021.

 

Enfin, de la physique !

Après un test sous faisceau à l’automne 2018, GLAD a été utilisé avec succès dans les campagnes R3B du printemps 2019, 2020 et 2021. La figure 5 montre l’identification en numéro atomique Z des deux fragments de fissions, rendue possible par GLAD combiné avec les détecteurs de plan focal SOFIA. Cette expérience pilotée par J. Taieb (CEA/DAM), J. Benlliure (Université de St Jacques de Compostelle), D. Muecher 5université de Guelph) fut particulièrement complexe car nous avons utilisé pour la première fois la cible COCOTIER (cf le paragraphe suivant).

COCOTIER : pourquoi une cible d’hydrogène liquide

Cette cible d'hydrogène liquide est conçue pour réaliser des expériences de diffusion quasi libre où le noyau à étudier, sous forme de faisceau, impacte sur une cible de protons qui vont éjecter sélectivement un proton ou un neutron du noyau en question.

Pour compenser la faible intensité des faisceaux exotiques, nous utilisons des cibles de protons denses (d’où le besoin de liquéfier l’hydrogène) et très épaisses (jusqu’ à 15 cm).

Il est donc nécessaire de reconstruire la position du vertex de réaction à l’intérieur de la cible à l’aide d’un détecteur trajectographe. Cette information est nécessaire pour réaliser la spectroscopie des noyaux étudiés afin de corriger les trajectoires et la perte d'énergie des particules mesurées.

 
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Fig 5 : Identification en numéro atomique des fragments de fissions : chaque tache correspond à une combinaison de deux fragments avec charge Z1 et Z2 (Crédits: R3B collaboration)

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Fig 6 : La cible suivie par les détecteur trajectographe et entouré par le calorimètre CALIFA (credits : GSI)

Le système cryogénique de la cible

Pour liquéfier l’Hydrogène à des pressions proches de la pression atmosphérique, il faut le refroidir à des températures cryogéniques (21° K). L'hydrogène est liquéfié dans un condenseur refroidi par un cryocooler de type Gifford-McMahon et s’écoule par gravité dans la cellule de la cible réalisée en Mylar©. Un pompage turbomoléculaire permet d'obtenir un vide poussé (10-6 mbar dans le cryostat et dans la chambre cible) afin de limiter les flux convectifs. Le principe est similaire à celui de la cible MINOS (voir FM 2013), mais l’intégration dans le dispositif contraint de R3B a posé des nombreux défis que nous pouvons deviner en regardant la Fig. 1. La cible en fait est placée au milieu du calorimètre CALIFA, loin de la verticale du cryostat.

La cellule cible est enveloppée dans plusieurs feuilles d'isolation multicouches de 5 µm d'épaisseur afin de réduire le flux de chaleur par rayonnement notamment en provenance des détecteurs de trajectographie placés à 25 mm également dans la chambre de réaction et qui permettent de reconstruire la position des vertex de réaction à l'intérieur de la cible (voir Fig. 6).

 

Trois longueurs de cible de 15 mm, 50 mm et 150 mm ont été produites pour répondre aux exigences des expériences approuvées par le comité d’expériences de GSI (voir Fig. 7)

 
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Fig 7 : Vue d’artiste des trois cibles de 15, 50 et 150 mm.

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Fig 8 : Installation de la chambre de réaction contenant la cible.

La supervision automatisée de la cible


Le système est piloté par le système de supervision MUSCADE (développé au CEA/Irfu/DIS) qui centralise les informations venant du contrôleur logique programmable (PLC) et des divers contrôleurs. Le système permet une connexion et un pilotage à distance via un client internet sécurisé (couches VPN, Dongle, droits, ...). Ceci a notamment permis d’effectuer toutes les opérations de remplissage et monitorage de la cible à distance, du fait de l’absence de l’équipe Irfu sur place pour cause de pandémie.
Le système cible a été financé en 2017 par une subvention de l'Agence française de la recherche (ANR JCJC COCOTIER) dans le but de poursuivre l'étude des corrélations à courte portée dans les noyaux exotiques (voir FM juin 2021 "Le couple nucléaire épié à travers des noyaux transparents"). Il a été conçu et construit au CEA/Irfu et installé fin 2019 à GSI par les équipes de l’Irfu (voir Fig. 8).

 

Contact : Anna Corsi et Gilles Authelet (Cocotier) / Christophe Mayri (Glad)

 
#4931 - Màj : 29/06/2021

 

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