Rapport 1997 - 2000

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Le modèle Solaire

C'est l'archétype de la description de la première phase d'évolution. Il contient la physique la plus précise existant dans le domaine de la physique nucléaire, atomique et plasma nécessaire à la résolution des équations de structure stellaire exprimées dans un espace à 1 dimension, et où la rotation et le champ magnétique n'apparaissent pas explicitement. Le Soleil est presque un cas d'école car on en connaît précisément la masse, le rayon et l'âge. Ce modèle temporel et spatial permet de prédire les flux de neutrinos émis par la région nucléaire et les fréquences des modes en passant par un code d'oscillations. 
Le flux de neutrinos détectés au sol est réduit de 30% à un facteur 2 selon les sources de neutrinos par rapport à ceux prédits par le modèle. L'interprétation de ce déficit peut provenir à priori d'incertitudes sur le modèle ou de la méconnaissance tout aussi importante des propriétés du neutrino. La mesure des oscillations acoustiques ne perturbant pas l'étoile permet de tester les hypothèses de ce modèle et de contribuer à l'améliorer. A Saclay, nous avons travaillé sur les taux de réactions, en particulier les effets d'écrantage et d'extrapolation des mesures de laboratoire aux énergies astrophysiques, particulièrement utile pour la connaissance de la section efficace 7Be(p, gamma). Ce travail s'est concrétisé par une revue réalisée dans le cadre d'une collaboration internationale (Adelberger et al. 1998) pour redéfinir les sections efficaces d'interaction nucléaire pour la combustion de l'hydrogène. A Saclay, le code CESAM a été enrichi de cette physique actualisée et des opacités et équations d'état du groupe de Livermore. Ce groupe a en effet assurer la complétude des éléments considérés (21 éléments) nécessaire à la précision offerte par l'héliosismologie (quelques % sur les coefficients d'opacité). Un modèle standard, incluant la diffusion microscopique des éléments (Brun, Turck-Chièze et Morel 1998) a permis de montrer la sensibilité des variables sismiques (acoustiques et gravité). Il a aussi été comparé aux premières données de SOHO (Turck-Chièze et al 1997) et des hypothèses ont été proposées pour interpréter la différence modèle-observation à travers le profil de la vitesse du son. 

Grâce à l'extraction simultanée du profil de rotation, il a été possible d'introduire un terme turbulent qui rende compte d'instabilité hydrodynamique à la base de la zone convective, ce terme est la première étape vers l'introduction de la rotation dans les équations de structure. Il en résulte un modèle plus proche de la réalité et qui a l'avantage d'être compatible avec toutes les mesures photosphériques d'abondance (Brun, Turck-Chièze, Zahn 1999). 
SOHO a en effet permis de mettre en évidence la dynamique interne d'une étoile illustrée par la figure 4 qui montre que notre vision des étoiles est en train d'évoluer, mettant pour la première fois en évidence la circulation méridienne de la région convective et des évolutions probables de rotation à la base de la zone convective, probablement à l'origine de la dynamo solaire et peut être de variations stochastiques temporelles.

rotation interne

Figure 4: Profil de la rotation interne ainsi que de son évolution temporelle vue en coupe (Howe et al., Science Mars 2000) et évolution des mouvements de matière observée par l 'instrument MDI à bord de SOHO.

rotation interne

Les écarts résiduels entre modèle et observation ont été étudiés en détail et nous avons démontré leur incompatibilité avec une erreur sur la distribution de vitesse des ions ou la présence de diffusion turbulente au centre du Soleil (Turck-Chièze, Nghiem, Couvidat, Turcotte 2001a). Nous interprétons maintenant la différence résiduelle comme de simples incertitudes sur les ingrédients fondamentaux (section efficace pp, composition en éléments lourds, rayon) et construisons un modèle sismique accompagné de flux de neutrinos sismiquement compatibles (Turck-Chièze, Couvidat, Kosovichev et al. 2001b). Pour cela, nous nous appuyons sur les fréquences les plus basses extraites de GOLF et MDI (voir plus haut) qui sont les moins perturbées par le champ magnétique. Seule la région superficielle très turbulente n'est pas encore sous contrôle (figure 5). Les mesures héliosismiques de ces vingt dernières années ont donc permis des améliorations du modèle solaire et une vérification complète de la structure classique centrale.

En conséquence, les flux de neutrinos déduits des études sismiques et des améliorations du modèle sont connus avec une bien meilleure précision que précédemment. La sismologie apporte ainsi de fortes contraintes, en particulier, sur le flux des neutrinos associés au 8B, très sensible à la physique du Soleil. 

vitesse du son

Ce flux reste sensiblement plus élevé que la détection observée par l 'expérience neutrino de Superkamiokande, favorisant la présence d'oscillations de neutrinos. Cette prédiction associée aux très récents résultats de l'expérience SNO (Sudbury Neutrino Observatory) mesurant courants chargés (sensibles aux neutrinos électroniques) et diffusion élastique (mesurant les différentes faveurs de neutrinos), montre qu'après plus de trente ans de recherche il y a maintenant et pour la première fois compatibilité entre les prédictions astrophysiques et la détection des neutrinos sur terre (Turck-Chièze, Couvidat, Kosovichev et al. 2001)

Il va falloir maintenant préciser les paramètres d'oscillation des neutrinos qui pourraient entre autre dépendre du champ magnétique traversé par les neutrinos, ouvrant un nouveau domaine d'investigation entre Astrophysique et Physique des Particules.

Il convient aussi de remarquer qu'avec des expériences de mesures de vitesse Doppler, nous avons à notre disposition un moyen d'investigation de la zone radiative d'une étoile qui va nous permettre d'étudier l'évolution temporelle de cette région ainsi que la régénération du champ magnétique à la base de la zone convective. Ceci peut être très précieux pour comprendre l'influence du Soleil sur l'évolution de notre planète, c'est à dire d'étudier les variations temporelles à échelle humaine qui peuvent être dues à l 'évolution du flux magnétique produit (projet américain Living with a star constitué d'une batterie de satellites (environ 15) dont Solar Dynamical Observatory (MDI new generation) et projet européen GOLF nouvelle génération).

Figure 5 : Différence entre le carré de la vitesse du son extraite des modes acoustiques et celle d'un modèle solaire. Cette différence a été améliorée d'un facteur 20 au cours des dix dernières années grâce à l'amélioration conjuguée des modèles et des observations (Turck-Chièze et al. Phys. Rep. 230 (2-4), 57 (1993 ; Turk-Chièze et al. 2001, ApJlett, 555, L69). Cette étude a permis de rejeter des phénomènes invoqués pour résoudre l'énigme des neutrinos solaires tels que la présence de WIMPS (Weak Interactive Massive Particules), une forte turbulente dans la région radiative ou très centrale, une masse très élevée dans les premières phases d'évolution. Elle a permis d'introduire l'effet de la diffusion microscopique, la présence de turbulence très localisée dans la région de transition radiation-convection générée par une rapide variation de la rotation centrale (source de la dynamo solaire ?) et de mettre de fortes contraintes sur la section efficace p-p (1%) jamais mesurée en laboratoire et la composition interne (mieux que 3%). Le modèle incluant les barres d'erreur observationelles est le modèle sismique qui permet de valider les flux de neutrinos émis.
Figure 5b : Différence du profil de densité entre observation et modèle permettant de tester plus finement les réactions nucléaires et les effets d'écrantage : les différentes courbes correspondent aux modifications du modèle en introduisant les réajustements ci dessus ou en modifiant la réaction (3He, 3He) par 10% ou celles du cycle CNO par 70%.




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DSM/DAPNIA/Service d'Astrophysique  mise à jour : 15/10/2001
Astrophysique nucleaire