Rapport 1997 - 2000

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ISOCAM et l`émission infrarouge des galaxies spirales proches

L'émission des poussières indique où se forment les étoiles

A partir d`un échantillon de 69 galaxies spirales suffisamment proches pour être résolues par ISOCAM, H. Roussel a pu montrer dans sa thèse (Roussel et al. 2000, 2001 a, b) que l`émission de la poussière des galaxies spirales pouvait être décomposée en deux composantes principales : une composante liée aux disques de ces galaxies, et une composante liée aux régions circumnucléaires. Dans les disques, l`émission est dominée par les zones de photodissociation de l`hydrogène associées aux régions HII, excitées par des étoiles massives O et B, dont la température effective dépasse 8000 K. Cette émission est caractérisée par la présence de bandes de composés de carbone aromatique. Ces bandes étaient connues depuis longtemps sous le nom de « Unidentified Interstellar Bands » (UIB), et avaient été attribuées à des modes de vibration de molécules polyaromatiques hydrogénées (PAH) excitées de manière impulsionnelle par des photons UV. 

Les observations avec ISOCAM ont confirmé ce modèle, mais ont également montré que ces molécules devaient avoir une grande taille, plusieurs centaines d`atomes, pour expliquer les profils de raies observés (Boulanger et al. 2000). L`émission des PAH domine l`émission des disques de galaxies spirales, mais dans les régions circumnucléaires, ou dans les complexes géants de formation d`étoiles massives, on observe l`apparition d`une composante thermique due à des très petits grains de poussière, probablement carbonés. Cela se traduit par l`apparition d`un continuum qui se superpose à l`émission des PAH (Tran, thèse, 1998 ; Laurent et al. 2000). Contrairement à ce que l`on pensait à partir des données IRAS, l`évolution du rapport des flux à 25 et 12 mm en fonction de l`intensité de la formation stellaire n`est pas due à une diminution des bandes PAH, mais à un renforcement du continuum des petits grains qui pique vers 25 mm. Les deux émissions, PAH et petits grains, augmentent, mais au-delà d`un certain seuil, l`émission des petits grains devient prépondérante. 

Galaxie M83

Dans les galaxies normales, on trouve que l`émission des PAH, mesurée par le flux à 7 mm, est un excellent indicateur de formation d`étoiles (Roussel et al. 2001a). Ce résultat a été confirmé par l'analyse détaillée de la galaxie M83 (Vogler et al. 2001 ; Figure 11), qui montre une très bonne correspondance de la répartition spatiale des différents traceurs de formation d'étoiles massives : Ha, émission IR moyenne, CII, et continuum radio centimétrique (Figure 12).

Figure 11 : Images de la galaxie spirale proche M83. On a superposé sur une image en bande B obtenue avec le VLT les contours à 7 mm obtenus à partir d`observations ISOCAM (Vogler at al. 2001). Dans le bras Nord, les pics de l`émission à 7 mm sont très bien corrélés avec des régions de formation d`étoiles. Il n`y a pas ou peu d`émission interbras, y compris dans les filaments de poussière vus en absorption dans l`optique. Dans le bras Sud, qui est plus chaotique, le pic de l`émission à 7 mm est associé à un vaste complexe de régions de formation d`étoiles, qui se trouvent sur le pourtour de la source étendue à 7 mm.

 

L`émission à 7 mm est dominée par les bandes aromatiques des PAH (agrégats d`hydrocarbures polycycliques aromatiques). A 15 mm, elle est dominée par une superposition de la queue à grande longueur d`onde de l`émission des PAH, et du continuum thermique des « très petits grains » (VSG). Dans les disques des galaxies spirales, le champ de rayonnement interstellaire n`est pas assez énergétique pour chauffer les VSG, et l`émission à 15 mm est due aux seuls PAH. Dans ces disques, les émissions à 7 et 15 mm sont proportionnelles. Dans les régions de flambées d`étoiles, l`émission thermique des VSG domine l`émission à 15 mm. La cassure dans la relation entre flux de photons ionisants et émission à 15 mm est due à ce changement de mécanisme. En revanche, le flux à 7 mm présente une remarquable corrélation avec le flux de photons ionisants, sur plus de six ordres de grandeur. Cette corrélation reste valide pour des galaxies à flambées d`étoiles intenses, comme NGC 7552 ou NGC 253. La relation cesse seulement dans la région des noyaux actifs de galaxies (AGN ; Genzel et al. 1999). 

Ce résultat était totalement inattendu, car avant ISO les PAH étaient toujours associés aux cirrus. Cependant, à la résolution spatiale d`ISOCAM, l`émission des bandes PAH provient principalement des régions de photodissociation associées aux complexes de formation d`étoiles (H. Roussel 2001, thèse).

Figure 12 . Relation entre flux en IR moyen et flux de photons ionisants. Les symboles « étoile » correspondent aux galaxies « à flambées d`étoiles » (starbursts), les cercles ouverts aux régions circumnucléaires des galaxies spirales, et les cercles pleins aux disques des galaxies spirales. En abscisse sont portés les flux de photons ionisants exprimés en luminosités Ha, normalisées à la taille des régions émettrices. En ordonnée sont portées les densités de flux continuum des régions émettrices (à 15 mm, panneau du haut, à 7 mm, panneau du bas). 

 



DSM/DAPNIA/Service d'Astrophysique  mise à jour : 15/10/2001
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