Rapport 1997 - 2000

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« Starbursts » et galaxies en interaction

Les galaxies à flambée d'étoiles vues en infrarouge

Dans les galaxies plus actives, comme les galaxies à flambée d`étoiles (« starburst galaxies »), les mêmes émissions IR sont présentes, mais avec une prépondérance de l`émission des petits grains par rapport à celle des bandes PAH. Dans ces galaxies, c`est à 15 mm que l`émission est un indicateur de formation d`étoiles massives, comme le démontre l`excellente association spatiale qui existe entre les régions d`émission ionique, et les distributions d`étoiles OB dans les galaxies M82, NGC 253 et NGC 1808 (Forster-Schreiber et al. 2001). Mais on peut encore utiliser le flux des PAH comme indicateur de formation d`étoiles, quoique avec une loi différente de celle qui prévaut dans les galaxies normales (Roussel, thèse, 2001). 

La relation entre formation d'étoiles et les PAH s'arrête pour les galaxies ultralumineuses en infrarouge. Dès leur découverte, il y a eu un débat sur la nature de ces galaxies. Certains auteurs y voyaient des galaxies à noyau actif (AGN) très enfouis dans de la poussière, d`autres des galaxies à flambée de formation d`étoiles (« starbursts »). A partir des observations avec le spectrographe courte longueur d`onde d`ISO (SWS), le groupe de R. Genzel à Garching a été le premier à montrer que les spectres infrarouges permettaient des diagnostics précis sur la nature de ces objets. Dans les environnements de noyaux actifs, le flux de photons est suffisamment intense pour détruire les PAH. Les spectres IR de ces noyaux sont caractérisés par un continuum thermique, superposé à des raies de structure fine du gaz ionisé. Les raies des PAH sont absentes. Ce résultat a été confirmé par O. Laurent dans sa thèse (Laurent et al, 2000). En utilisant des indicateurs spectraux relatifs aux bandes PAH, et au continuum thermique, il a pu établir des critères permettant de contraindre l`existence d`un noyau actif ou non dans les galaxies lumineuses en infrarouge. Sur les 14 galaxies observées, une seule présente des signes non ambigus d`existence d`un noyau actif. Les autres sont dominées par une émission de type starburst. Il faut cependant remarquer que cette analyse s`applique à des émissions intégrées spatialement. Dans les galaxies de Seyfert suffisamment proches pour que l`on puisse en effectuer la cartographie avec ISOCAM, on trouve toujours une région circumnucléaire de flambée de formation d`étoiles, associée au noyau actif. C`est le cas de NGC 1365, ou de NGC 1068. Ce dernier cas est particulièrement intéressant dans la mesure où un anneau de gaz moléculaire et de formation d`étoiles intense est présent avec un rayon de 1 kpc autour du noyau. En déconvoluant les images spectrales obtenues avec ISOCAM, on met clairement en évidence les deux composantes : noyau actif et starburst, avec leurs caractéristiques spectrales propres (Le Floch et al., 2001).

Galaxies Antennes IR

Galaxies Antennes CO

Figure 13a.  Les galaxies dites des Antennes, NGC 4038/4039. Contours ISOCAM à 7 mm, superposés à une image HST en bande B (Mirabel et al. 1999). Le pic de l`émission IR est centré sur la région de recouvrement des deux galaxies, qui est la plus sombre en optique. Plus de la moitié de l`émission IR provient de cette région. De plus, un pic intense, associé à un amas d`étoiles très rouges, rayonne à lui seul plus de 20 % du total. La formation d`étoiles 
telle que vue par ISOCAM est complètement obscurcie dans l`optique par la poussière.

Figure 13b. Les galaxies dites des Antennes, NGC 4038/4039. Les contours CO sont superposés à l`image ISOCAM à 15 mm (Wilson et al. 2000). Il existe une très bonne correspondance entre les nuages CO et les pics IR dans la région de recouvrement. Cependant, des pics CO intenses coïncident avec les noyaux des deux galaxies, sans être associés à des pics IR.

Les observations ISOCAM ont aussi montré qu`il n`y avait pas forcément concordance entre les régions de formation d`étoiles observées dans le visible et dans l`infrarouge. C`est notamment le cas dans les galaxies NGC 4038/4039, dites les Antennes, où l`émission IR vient en majorité d`une région très obscurcie par la poussière correspondant à la zone d`interaction entre les disques des deux galaxies en collision. Cette région est responsable à elle seule de plus de la moitié de l`émission à 15 mm du système, avec en particulier une région de quelque 500 pc qui émet plus de 20 % de l`émission globale (Vigroux et al. 1996, Mirabel et al. 1998 ; Figure 13). Cette région est aussi celle qui contient le plus de gaz moléculaire (Wilson et al. 2000). En UV, ou même avec les images optiques du HST, cette région reste pratiquement opaque . Les Antennes restent le prototype de galaxies en interaction dans lesquelles se déroulent des épisodes de formation d`étoiles très intenses, invisibles autrement que par leur émission IR. 

Il faut aussi remarquer que ces flambées de formation d`étoiles ne sont pas liées aux noyaux des galaxies, mais se déroulent dans la région d`interaction. 

Un autre exemple de ce type est le système Arp 299, qui se trouve dans un état de fusion plus avancé que les Antennes, mais où l`on observe les mêmes phénomènes : forte absorption, émission IR intense et extranucléaire (Gallais et al. 1998). 

La cartographie en IR moyen a également permis de confirmer l`importance des barres dans les galaxies pour alimenter des régions de formation d`étoiles en leur centre (Roussel et al. 2001b), voire des noyaux actifs. Ce dernier point a été particulièrement mis en évidence par la découverte d`une barre dans le disque gazeux de la radiogalaxie Cen A (Figure 14)(Mirabel et al. 1999).

fig14.jpg (59876 octets)

En conclusion, l`IR moyen d`ISOCAM s`avère être un très bon domaine de longueur d'onde pour étudier la formation d'étoiles, aussi bien dans notre galaxie que dans les autres galaxies, proches ou lointaines ; et cela dans toute la gamme qui s'étend de 5 à 18 mm. De manière inattendue, les bandes PAH peuvent être utilisées comme traceur de formation d'étoiles massives même dans les galaxies ultralumineuses en IR. Le seul facteur correctif important à cette relation entre l'émission infrarouge moyenne et la formation d'étoiles semble être la disparition des PAH dans les régions très déficientes en éléments lourds. 

Figure 14. Image composite de la radiogalaxie proche Centaurus A. On a superposé à l`image optique (en noir et blanc) une image de la région centrale obtenue à 7 mm par ISOCAM, ainsi que les contours de l`émission radio à 22 cm (en bleu) (Mirabel et al. 1999). La région à 7 mm a la forme d`un disque recourbé, associé aux disques gazeux HI et H2, mais distinct des régions de poussière vues en absorption devant la galaxie elliptique. La distribution spatiale de la poussière peut être interprétée comme une barre, assurant le transfert du gaz vers le noyau dont il entretient l`activité.



DSM/DAPNIA/Service d'Astrophysique  mise à jour : 15/10/2001
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