Simuler le magnétisme et la dynamique non linéaire du Soleil et des étoiles
Sacha A. Brun (SAp)

L’étude du Soleil et des étoiles, de leur structure, de leur composition chimique et de leur magnétohydrodynamique (MHD) est cruciale pour la compréhension globale de l’univers car elles en constituent les briques fondamentales. Le Soleil et les étoiles sont des objets cosmiques possédant  une  large  variété  de  processus  dynamiques  allant  de  la  convection  turbulente, l'excitation d'ondes de tous types, au magnétisme intense de surface et à l'interaction avec leur environnement via des effets magnétiques, des vents de particules ou de marée. Leurs études donnent lieu à de multiples partenariats et programmes internationaux. Dans ce cadre, le projet ERC STARS29  dont le Service d’Astrophysique (SAp) du CEA/Irfu est le principal investigateur a été sélectionné en 2007. Il a pour but d’étudier, par la simulation haute performance, la turbulence et le magnétisme du Soleil et des étoiles à l’aide des derniers super-ordinateurs les plus puissants en France (CCRT, GENCI), et en Europe (PRACE).

 

Etudier et comprendre le Soleil et les étoiles

Le projet STARS2 (Simulations de la Turbulence, de l'Activité et de la Rotation des étoiles et/ou du Soleil) associé au code ASH (Anelastic Spherical Harmonic), consiste en quelque sorte à comprendre et à modéliser la météorologie de la surface et de l'intérieur des étoiles, en se basant d’abord sur le Soleil, première référence pour la/en sismologie stellaire, afin de permettre aux chercheurs de calibrer leurs calculs pour l’étude des autres étoiles.

Le Soleil est une grosse boule de gaz chaud et ionisé (plasma) tournant sur lui-même en 28 jours environ. Pour les étoiles « de type solaire » les 30% les plus externes en rayon sont animés en permanence de mouvements convectifs. Ces mouvements, sous l'influence des forces de Coriolis et de Laplace, sont turbulents et chaotiques. Cependant un certain ordre existe dans ce chaos, tel que la rotation différentielle (en latitude) de la zone convective, la présence de flot méridien de l’équateur aux pôles et la présence d’un cycle magnétique de 11 ans. Il est donc nécessaire de comprendre comment le Soleil et les étoiles établissent de tels propriétés globales et quels sont les processus physiques à l’origine des ces phénomènes. D’une part, la surface du Soleil possède un aspect granuleux du aux mouvements convectifs turbulents qui se développent dans sa couche externe. Ils sont d’ailleurs responsables du transport de la chaleur et de la redistribution de moment cinétique vers sa surface. Ceci explique son profil particulier de rotation. D’autre  part,  la  granulation  apparente  observée  à  la  surface  du  Soleil  génère  des  ondes acoustiques qui sont utilisées par les chercheurs pour analyser sa structure interne. Concernant le magnétisme c’est la présence d’un effet dit « dynamo10 », localisé dans et à la base de la zone convective, qui est à l’origine de la forte activité magnétique du Soleil. Celle-ci par son influence sur le vent solaire, les éjections de matière et l’apparition de taches à la surface, a une influence directe sur la Terre, voir sur son climat, en modulant l’intensité du rayonnement dans les gammes UV et X du Soleil.


 
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Figure 1 : (Photo de gauche) Observations globales et locales de la surface du Soleil (Crédit : NASA/SDO et SST 1m). (Photo de droite) L'aspect granuleux de la convection solaire est évident ainsi que l’existence de taches solaires. Un large intervalle d'échelles temporelles ou spatiales est clairement visible.

Pour mieux comprendre les interactions entre turbulence, convection, rotation et champ magnétique, les chercheurs du SAp effectuent alors des simulations numériques à l’aide de super- ordinateurs. Les performances de ces ordinateurs étant perpétuellement améliorées, la résolution utilisée par les codes hydrodynamiques modernes atteint aujourd'hui un maillage de 2000 km de côté et 700 km de profondeur. Ceci permet donc de s’approcher de plus en plus de l'échelle spatiale de la granulation de l’astre étudié. La figure ci-après représente un exemple de résultats de telles simulations numériques et montre à très petite échelle la convection à la surface des étoiles (Figure 2).

 
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Figure 2 : Structure à très petite échelle de la convection à la surface des étoiles (Crédits : Bessolaz et Brun CEA/Irfu)

Modèles 3-D dépendant du temps, du Soleil et des étoiles

Pour la première fois, un modèle 3-D du Soleil, incluant le champ magnétique et la turbulence simule 90% du volume du Soleil, du cœur nucléaire jusqu'à la surface et permet de reproduire le couplage non linéaire entre son intérieur radiatif et son enveloppe convective.

Ce modèle met en évidence :

-  le rôle clef du couplage thermique et mécanique entre les deux zones radiative-convective pour comprendre le profil de rotation différentielle de la surface du Soleil (Brun, Miesch, Toomre, 2011, ApJ) et la dynamique du Soleil en général, ainsi que l’excitation et la propagation tridimensionnelle des ondes internes de gravité (Figure 3)
- l’établissement  de  manière  cohérente  de  la  tachocline  solaire,  cette  zone  de  fort cisaillement  en  vitesse  à  la  base  de  la  zone  convective,  où  le  champ  magnétique s’organise sous forme de ruban intense à l’origine des taches solaires, ainsi que l’influence d’un champ fossile sur l’intérieur solaire (Strugarek et al. 2011, A&A ; Figure 4)

 
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Figures 3 et 4 : (photo de gauche) Vue globale de la vitesse radiale dans une simulation complète du Soleil (Crédits : Brun CEA/Irfu). (photo de droite) Reconstruction du champ magnétique depuis le cœur jusqu’à la couronne solaire (Crédits : Strugarek et Brun CEA/Irfu)

Pour les étoiles jeunes, les premiers calculs hautes résolutions ont mis en avant :

-  le rôle du taux de rotation de l'étoile pour créer des structures magnétiques intenses comme celles observées par spectropolarimétrie et l'existence de solutions dynamos cycliques possédant comme un diagramme papillon (Brown et al. 2011, ApJ ; Figures 5 et 6)
-  la structure très petites échelles de la convection stellaire quelle que soit l'épaisseur de l'enveloppe convective de l'étoile jeune durant sa phase de formation, et la présence d’une forte rotation différentielle (en latitude) pour les enveloppes les plus profondes (Bessolaz & Brun 2011, ApJ).

 
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Figures 5 et 6 : (photo de gauche) Structures magnétiques dans une simulation de Soleil jeune (Crédits : Brown et al. Université du Colorado). (photo de droite) Cycle magnétique dans ces simulations (Crédits : Brown et al. Université du Colorado)

Ces travaux permettent de faire le lien entre les phases jeunes de notre Soleil et ses propriétés actuelles, ils permettent de remonter le temps et d’ainsi retracer l'histoire de la rotation interne des étoiles et leur  ralentissement au cours de l’évolution. C’est une toute première vision cohérente et tridimensionnelle de l'évolution stellaire et du magnétisme des étoiles. Par exemple, il est dorénavant possible grâce aux calculs des cycles magnétiques des étoiles par effet dynamo de regarder l’impact de ce cycle sur l’héliosphère11  de l’étoile. Il est alors possible de calculer la perte de masse et de moment cinétique par les vents de particules ou effets de marées, extension des couronnes chaudes entourant les étoiles avec une enveloppe convective (Pinto et al. 2011 ; Figure 7).

 
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Figure 7 : Evolution du vent solaire au cœur du cycle de onze ans (Crédits : Pinto et Brun CEA/Irfu).

#3128 - Màj : 14/11/2011

 

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