23 mai 2018
La mission SPICA en compétition pour l'ESA
L'Agence Spatale Europénne retient la mission d'exploration des galaxies

Le télescope spatial infrarouge SPICA vient d’être présélectionné par l’agence spatiale européenne (ESA) afin de participer à la compétition finale qui verra en septembre 2021 le choix de la prochaine mission de taille moyenne de l’ESA (mission M5). SPICA est un télescope infrarouge de grande taille (diamètre 2,5 m) entièrement refroidi à une température de seulement quelques degrés au dessus du zéro absolu. Ce concept a été proposé à l’ESA dans le cadre de la compétition pour la mission M5 du programme « Cosmic Vision » (25 propositions soumises) par un consortium de laboratoires de recherche Européens mené par la Hollande en collaboration étroite avec l’agence spatiale japonaise (JAXA), et auxquels participent en France le CEA, le CNRS et leurs universités associées avec le support du CNES.

 

SPICA dans la course finale pour la prochaine mission de taille moyenne de l’ESA (M5)

La sélection de SPICA est une étape cruciale pour répondre aux grandes questions que pose l’astronomie du XXIème siècle: la croissance et l’évolution des galaxies au cours des âges cosmiques pourra être complètement caractérisée dans l’univers lointain, et dans notre Galaxie les processus qui déterminent la formation des étoiles et des systèmes planétaires comme le nôtre pourront être élucidés.
SPICA a été conçu pour être extrêmement sensible aux lumières du domaine infrarouge. Celles-ci, contrairement à la lumière visible, ne sont pas arrêtées par les poussières cosmiques qui emplissent l’Univers. L’observation du rayonnement infrarouge dévoile donc littéralement des pans entiers de l’Univers qui nous sont cachés, nous permettant de voir au plus profond des galaxies, des nuages de formation stellaire et des systèmes où se forment les planètes.
L’une des grandes questions de l’astronomie moderne est de comprendre les processus qui régulent la formation et l’évolution des galaxies. Tôt dans l’histoire de l’Univers, il y a environ 12 milliards d’années, les premières étoiles et galaxies ont commencé à se former. Durant les quelques milliards d’années qui ont suivi, ce processus de formation des galaxies s’est accéléré et est devenu de plus en plus efficace jusqu’à atteindre son maximum il y a environ 9 milliards d’années. Depuis cette époque la formation des galaxies a décru régulièrement. Les raisons de cette montée en puissance, de la saturation du processus de formation des galaxies puis de sa diminution actuelle, sont encore largement sujettes à débat. SPICA relèvera l’empreinte spectrale de plusieurs milliers de galaxies distribuées sur cette période clef. Cette empreinte unique nous permettra de sonder précisément les conditions physiques prévalant à l’intérieur et au voisinage de ces galaxies, et donc de déterminer quels sont les facteurs qui gouvernent leur formation et leur évolution.
Dans l’Univers proche SPICA nous apportera une vue unique sur les processus qui gouvernent la formation des étoiles et des systèmes planétaires en alliant la puissance de la spectrométrie à celle de la polarimétrie au plus profond des régions denses de poussière et de gaz ne pouvant être explorées que dans l’infrarouge. La polarimétrie de l’émission des poussières dans les nuages interstellaires proches permettra de caractériser pour la première fois la morphologie et la force du champ magnétique aux échelles critiques du déclenchement de l’effondrement du gaz en étoiles et planètes au sein des filaments moléculaires. La spectroscopie infrarouge des ions, atomes, molécules, grains de poussière et particules de glace est un outil unique. Elle permet non seulement de caractériser les conditions physiques en dedans et autour des disques protoplanétaires, mais aussi de tracer précisément la ligne critique qui sépare la vapeur d’eau de la glace en leur sein. En combinant ces études avec celles des disques et ceintures de poussières présents autour des systèmes planétaires plus anciens, le lien pourra être fait avec notre propre système solaire et son nuage de débris et de poussières périphérique, le nuage de Oort; de cette façon SPICA apportera des informations uniques sur la formation de notre propre système solaire.

 

L’observatoire spatial SPICA

SPICA sera possible grâce à la combinaison de plusieurs innovations technologiques de pointe. Un élément clef sera le grand télescope de 2,5 mètres de diamètre refroidi à une température de quelques degrés au dessus du zéro absolu afin de diminuer radicalement le niveau des rayonnements émis par le télescope lui-même. De cette façon les détecteurs ultra-sensibles aux longueurs d’ondes infrarouges pourront être utilisés au maximum de leur potentiel de détection. La combinaison du télescope cryogénique avec des détecteurs inédits fera de SPICA l’observatoire le plus performant jamais construit pour le domaine infrarouge lointain – gain en sensibilité d’un facteur 100 par rapport à l’Observatoire Spatial Herschel qui a été en service de 2009 à 2013. Grâce à cette sensibilité extrême SPICA devrait révolutionner notre compréhension de la formation des étoiles, planètes et galaxies.
L’observatoire SPICA sera développé sous la maitrise d’ouvrage de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) dans le cadre d’un partenariat avec l’Agence Spatiale Japonaise (JAXA). Il sera doté de trois instruments focaux couvrant tout le domaine des longueurs d’onde infrarouges entre 12 et 350 micromètres. Un imageur-spectromètre du domaine infrarouge moyen (12 à 35 micromètres) sera construit par un consortium japonais mené par l’Université de Nagoya sous l’égide de l’Institute of Space and Astronautical Science (ISAS); un spectromètre ultrasensible du domaine infrarouge lointain (35 à 210 micromètres) sera construit par un consortium Européen sous l’égide du SRON en Hollande ; et un imageur polarimétrique compact sera fourni par un consortium international sous la responsabilité du Département d'Astrophysique du CEA-Irfu en France.
Comme tous les observatoires de classe mondiale, au sol ou dans l’espace, SPICA pourra être utilisé par les astronomes du monde entier. Les programmes d’observation seront sélectionnés sur la base de leur mérite scientifique par des experts indépendants. Les proposants bénéficieront d’une exclusivité d’un an pour exploiter leurs observations. Au delà de cette période les données seront rendues publiques.
La France fait partie des pays fondateurs du projet SPICA. En partenariat avec le CNES, ses laboratoires (CEA, CNRS et Universités) contribueront à l’instrumentation de l’observatoire grâce à la maitrise et à la caractérisation de technologies clefs : cryoréfrigérateur et matrices de détecteurs sub- kelvin, systèmes électroniques de pilotage des matrices de détecteurs supraconducteurs. Ces réalisations seront développées sous la responsabilité du Département d'Astrophysique du CEA-Irfu (impliquant l’Irfu et le LETI/DOPT) et de l’INAC/SBT du CEA, du LAB (Bordeaux), de l’IRAP (Toulouse) et de l’IAS (Paris-Saclay). La France posède une très large communauté scientifique intéressée par SPICA, doée d’une expertise unique dans ce domaine gâce aux missions spatiales Herschel, Planck, et au projet sous ballon stratosphérique PILOT. L’industrie spatiale française, les groupes Airbus et Thales, posède un savoir-faire unique pour la construction des grands télescopes d’astronomie spatiale. Elle est donc particulièrement bien placée pour remporter la maitrise d’œuvre du satellite et de son télescope lors des appels d’offre de l’ESA.

 

Contacts : Louis RODRIGUEZ, Marc SAUVAGE

 

voir : le communiqué de presse du CNRS (22 mai 2018)

voir aussi : Cosmic vision 2015-2025 (18 juillet 2007)

 

 
#4419 - Màj : 28/05/2018

 

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