20 novembre 2019
Première détection de l'émission rémanente d'un sursaut gamma en rayons gammas de très haute énergie
Première détection de l'émission rémanente d'un sursaut gamma en rayons gammas de très haute énergie

A gauche, le sursaut GRB 180720B en rayons gamma de très haute énergie, entre 10 et 12 heures après le sursaut, tel que vu par le grand télescope de H.E.S.S.. La croix rouge indique la position de GRB 180720B, déterminée à partir des mesures en optique. A droite, la même région 18h après le sursaut initial.

Les sursauts gamma sont des  émissions très brèves et extrêmement énergétiques qui accompagnent des cataclysmes astrophsyiques comme la mort d'une etoile massive. Ils sont détéctés jusqu'à présent par des gammas énergétiques dans la phase prompt (<1min) correpondant à l'explositon initiale et dans une phase rémanente correspondant à l'expansion de l'onde de choc dans le milieu. Dans cette phase rémanente, on détecte des gammas de basse énergie, du rayonnement X et visible.  Les sursauts gamma peuvent-ils aussi émettre des rayons gammas de très haute énergie plusieurs heures  après le sursaut initial? jusqu'à présent on ne l'avait jamais encore détecté.  Cette découverte a été faite en juillet 2018 par le télescope de 28 mètres du réseau H.E.S.S. en Namibie et a fait l'objet d'une publication dans Nature. Ces nouveaux résultats de H.E.S.S. permettent de poser des contraintes fortes sur les modèles de sursauts gammas cherchant à expliquer ces phénomènes d'accélérateurs cosmiques.

Le 20 juillet 2018, le détecteur de sursauts gamma GBM (Gamma-Ray Burst Monitor) à bord du satellite Fermi, suivi quelques secondes plus tard par le télescope spatial Swift, a émis une alerte sur les réseaux mondiaux concernant un sursaut gamma, appelé alors GRB 180720B. Dans la foulée de cette alerte, plusieurs observatoires terrestres ont immédiatement pointé dans la direction du sursaut gamma. Pour le réseau de télescopes H.E.S.S. (High Energy Stereoscopic System), cette position sur le ciel n'était observable qu'une fois la nuit tombée, 10 heures plus tard. Néanmoins, l'équipe de H.E.S.S. a décidé d'observer cette position afin de rechercher une éventuelle émission durant la phase rémanente du sursaut.

 

Des explosions cosmiques extrêmement énergétiques sont à l'origine de sursauts gamma (GRB, pour Gamma Ray Bursts), durant typiquement quelques dizaines de secondes seulement. Ces sursauts sont suivis par une phase plus longue d'émission dite rémanente en optique et en rayons X, émission décroissant rapidement au cours du temps. L'émission prompte en rayons gamma est composée essentiellement de photons de milliers à des millions de fois plus énergétiques que ceux composant la lumière visible, photons qui ne peuvent être observés que par des instruments spatiaux. Tandis que les observatoires spatiaux ont détecté une poignée de photons d'énergie encore plus élevée, la question d'une éventuelle émission gamma de très haute énergie (au moins 100 milliards de fois plus élevée que celle de la lumière visible) était restée en suspens.

Cette émission de très haute énergie a maintenant été détectée par le grand télescope de H.E.S.S., spécialement conçu pour des observations de ce type. Les données collectées entre 10 et 12 heures après le sursaut gamma ont mis en évidence une nouvelle source, ponctuelle, d'émission gamma coïncidant avec le sursaut, qui a disparu dans les observations réalisées sur la même position 18 jours plus tard.

 
Première détection de l'émission rémanente d'un sursaut gamma en rayons gammas de très haute énergie

Le grand télescope central de H.E.S.S. télescope, doté d'un miroir de 614 m², et en second plan deux des quatre télescopes de plus petite taille, équipés chacun d'un miroir de 107 m².

Le sursaut GRB 180720B était très intense, et dura environ 50 secondes, une durée relativement élevée indiquant probablement la mort d'une étoile massive. Dans ce processus, le cœur de l'étoile s'effondre pour donner un trou noir en rotation rapide. Le gaz environnant forme alors un disque d'accrétion entourant le trou noir, accompagné de jets de gaz éjectés perpendiculairement au disque d'accrétion et qui sont à l'origine des sursauts gamma.

L'émission gamma de très haute énergie ainsi détectée démontre pour la première fois la présence de particules accélérées à des énergies extrêmes, et indique également que ces particules existent encore, voire sont créées longtemps après le sursaut initial. L'hypothèse sous-jacente la plus vraisemblable est la présence d'une onde de choc créée par l'explosion initiale, onde de choc se comportant comme un accélérateur cosmique de particules. Avant les observations de H.E.S.S., on pensait que cette éventuelle émission gamma de très haute énergie ne serait observable que pendant les premières secondes ou minutes après l'explosion.

Au moment des mesures effectuées par H.E.S.S., l'émission en rayons X de la phase rémanente avait déjà décru de façon considérable. Cependant, et de manière tout à fait remarquable, les intensités et formes spectrales sont très similaires entre les rayons X et les rayons gamma. Plusieurs processus physiques permettent d'expliquer l'émission de photons gamma de très haute énergie par des particules accélérées à des énergies très élevées. Les résultats de H.E.S.S. permettent de poser des contraintes fortes sur les mécanismes potentiels d'émission, mais apportent également leur lot de nouvelles interrogations, car ils requièrent des caractéristiques assez extrêmes pour que ces GRB puissent agir comme des accélérateurs cosmiques.

Associée à d’autres observations plus récentes d'émission gamma de très haute énergie par MAGIC et de nouveau par H.E.S.S., cette découverte apporte un nouvel éclairage sur la nature des sursauts gamma.

Contact: Fabian Schussler 

 

 
#4692 - Màj : 11/12/2019

 

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