09 octobre 2003
Halos géants autour des galaxies
Dimensions des halos à partir des galaxies naines

Une équipe de chercheurs du Service d'Astrophysique (SAp) du CEA-DAPNIA vient de montrer, à l’aide de simulations numériques de collisions galactiques, que l’existence de petites galaxies, appelées « galaxies naines de marée » implique que le halo de matière noire de leurs galaxies parents est très étendu, avec une taille atteignant sans doute plus de dix fois le diamètre du disque visible des galaxies.  Il pourrait s'agir d'une des premières confirmations indirectes de certaines hypothèses cosmologistes qui prévoient l'existence de halos géants
 

 

Les halos de matière noire.

La matière noire domine la masse des galaxies. Selon les modèles cosmologiques les plus communément utilisés, elle est distribuée dans un vaste halo englobant leur disque d’étoiles et de gaz. Or la taille exacte de ces halos est mal connue et très difficile à déterminer avec des observations. En effet, il n'existe aucun traceur de masse cachée suffisamment étendu pour pouvoir estimer son extension. Le gaz d’hydrogène atomique, souvent employé pour étudier la dynamique des galaxies, et donc leur contenu en matière noire, ne permet pas d’atteindre les grands rayons considérés dans les modèles cosmologiques. On peut toutefois mettre à profit les particularités morphologiques de certaines galaxies pour sonder la matière noire à de telles distances. En effet, lors de collisions galactiques se forment, par effet de marée, de longs filaments de matière dont la taille s’approche de celle des halos cosmologiques. Depuis une quinzaine d’années, il avait été observé à l’extrémité de ces «queues de marée », la formation de structures avec des propriétés proches de celles de galaxies naines, appelés aussi "naines de marée". C'est en simulant la formation de ces petites galaxies que les chercheurs du Service d’Astrophysique du CEA  viennent de réaliser l'importance des halos de matière noire.

Des collisions de galaxies sur ordinateur

Les chercheurs ont réalisé différents calculs de collisions de galaxies sur ordinateur. Ces série de simulations différaient les unes des autres par des paramètres initiaux différents, notamment la taille du halo de matière noire qui environnaient les galaxies en collision. Toutes ces simulations reproduisent assez bien les "queues de marée", filaments d'étoiles typiques des collisions. En revanche, les chercheurs n’ont pu reproduire, au bout des queues de marée, la formation de nuages de gaz massifs, qui donnent ensuite naissance aux "naines de marée", qu’avec des galaxies initialement pourvues de halos étendus de matière noire avec un rayon de plus  de 130 kiloparsec (soit 400 000 années-lumière), ce qui représente environ dix fois le rayon du disque d'étoiles visible d'une galaxie.

 
Halos géants autour des galaxies

Séquence d’une collision galactique, montrant comment le gaz de l’une des deux galaxies en interaction réagit aux effets de marée. On observe la formation, à l’extrémité des queues de marée, d’un nuage d'un milliard de fois la masse du Soleil, encore visible 2 milliards d’années après le début de la collision.

La méthode de calcul utilisée, appelé "code N-corps", est la plus classique ; étoiles, gaz et matière noire sont assimilés à des particules massives en interaction seulement par la force gravitationnelle. Pour un halo étendu, il faut disposer d’un grand nombre de ces particules. Pour des simulations en volume dans les trois dimensions, le calcul devient vite prohibitif et la dimension du halo est le plus souvent tronquée. De tels modèles ont depuis longtemps permis de reproduire les caractéristiques principales des collisions galactiques, mais .... sans pouvoir produire de galaxies naines de marée. Or l’équipe de Saclay, en restreignant son étude à des rencontres dans un même plan, a pu augmenter la résolution et la taille du halo de matière noire. Il a pu produire alors pour la première fois, à partir des débris de marée, des concentrations de matière liées par la gravitation d'une masse supérieure à un milliard de fois la masse du Soleil, soit l'équivalent d'une petite galaxie. En analysant le comportement du gaz arraché aux galaxies parents, ils ont compris que les objets de marée les plus massifs ne naissaient pas d’une instabilité gravitationnelle, comme on le pensait jusqu’à présent, mais d'un phénomène lié aux vitesses: dans la zone d'influence de la gravitation correspondant à un halo étendu, les débris de collision se rassemblent à l’extrémité des queues de marée au lieu d’être dispersés. Par la suite, l’effondrement de ces nuages de gaz déclenche la formation d'étoiles. Les galaxies créées dans les simulations survivent alors pendant plus de deux milliards d’années sur des orbites quasi circulaires.
 

Notes
[1] Galaxies naines de marée. Les galaxies naines de marée sont des galaxies de petites masses (ne dépassant pas quelques milliards de fois la masse du Soleil), formées à partir de matériaux expulsés dans le milieu intergalactique lors de collisions entre galaxies. Elles sont dites de "marée" car elles sont observées dans des"queues de marée", ces longues structures filamentaires caractéristiques des galaxies en interaction qui sont le résultat des forces d'attraction similaires, mais à une toute autre échelle, à l'action de la Lune et du Soleil sur les océans terrestres.

voir aussi : "Des étoiles formées en dehors des galaxies ?"  (15 Novembre 2002)


Publication :

"The large extent of dark matter haloes probed by the formation of tidal dwarf galaxies"
F. Bournaud (1,2), P.-A. Duc (1,3), F. Masset (1,3)
(1) CEA/DSM/DAPNIA, Service d'astrophysique, Saclay, (2) Ecole normale Supérieure, (3) CNRS FRE 2591)
A paraitre dans Astronomy & Astrophysics (2003)

Pour une version électronique : astro-ph/0309812        


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#1272 - Màj : 09/10/2003

 

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