28 juin 2021
Les géants d'Atlas en route pour le Cern !
Les géants d'Atlas en route pour le Cern !

photo ©Cern

Dans le cadre de l’augmentation de luminosité du Large Hadron Collider (LHC), la première phase  d’amélioration de l’expérience Atlas arrive à son terme, avant un redémarrage prévu début 2022. Pour répondre aux exigences de la physique dans un environnement hautement radiatif et à haut flux de particules, les deux roues internes du spectromètre à muons vont être remplacées par un nouveau dispositif : les New Small Wheels (NSW) ou nouvelles petites roues.

Après plusieurs années de R&D et de production, l’Irfu vient tout juste d’envoyer au Cern le dernier des 32 modules de détection qui seront intégrés dans les NSW. Cela correspond à l’assemblage d’environ 400 m2 de détecteurs gazeux basés sur la technologie Micromegas : un record !

 

Voir : la vidéo des étapes d'assemblage et de tests d'un module sur la période 2017-2021

 

Les New Small Wheels d’Atlas

Une équipe de physiciens, d’ingénieurs et de techniciens de l’Irfu achève la fabrication des 32 détecteurs gazeux de type Micromegas constituant les nouvelles petites roues (NSW) du détecteur Atlas et couvrant une surface totale de 400 m2. Les NSW font partie d’un programme de jouvence du détecteur Atlas en vue du Run3 du LHC qui devrait démarrer en 2022, puis de la phase de haute luminosité, dite HL-LHC, lors de laquelle le taux de collisions sera environ 5 fois supérieur à celui du Run2 (2015-2018).

La technologie Micromegas a été sélectionnée par l'expérience Atlas en 2012 pour équiper les NSW du spectromètre à muons, en association avec un autre type de détecteur, les small Thin Gap Chambers (sTGC). Pesant plus de 100 tonnes chacune et dédiées à la reconstruction des traces des muons, les NSW devront permettre de répondre aux exigences de l’expérience lors de la phase HL-LHC.

Vue en éclatée de l’expérience Atlas. La zone entourée en jaune représente la position d'une des futures NSW. Il y en aura une à l’avant et une à l’arrière de l’expérience. Chaque roue fait ~9,5 m de diamètre. La fabrication des 1200 m2 de détecteurs Micromegas nécessaire aux 2 nouvelles roues a été confié à 4 laboratoires européens dont Saclay qui a la charge de la fabrication des modules LM1 soit 400 m2 de détecteurs Micromegas.

Les NSW devront donc fonctionner dans un environnement à fort rayonnement (il faut des détecteurs resistants aux radiations) et haut flux de particules (il faut des détecteurs supportant un haut taux d’occupation) tout en permettant la reconstruction des traces de muons avec une précision de 50 à 70 μm, la mesure de leur impulsion avec une précision de 15 % à 1 TeV, ainsi que le déclenchement des prises de données à chaque collision de protons, soit toutes les 25 ns.

Ce projet de grande envergure a nécessité à l'Irfu le travail de 25 personnes pendant 7 années et la résolution de nombreux défis technologiques. L’Irfu devait produire et tester 32 détecteurs multicouches de forme trapézoïdale, de 12 m2 chacun, pour une surface d’environ 400 m2 sur les 1200 m2 des 2 roues : un record pour la technologie Micromegas !

Ces nouveaux détecteurs construits par l’Irfu sont déjà installés, ou en cours d’intégration au Cern sur deux grandes roues mécaniques de 9,5 mètres de diamètre. Trois autres groupes/consortia de laboratoires ont eux aussi produit de tels assemblages de détecteurs afin de paver la surface nécessaire des deux roues : ils sont basés en Allemagne, en Italie, en Grèce et en Russie. Les deux roues devraient être installées dans la caverne d'Atlas à 100 m sous terre, d’ici fin 2021.

 

Genèse d’une invention CEA

Inventés à la fin des années 90 par l’Irfu et le Cern, et plus récemment déclinés en mode résistif par ces mêmes instituts, les détecteurs gazeux Micromegas ont déjà été déployés dans plusieurs expériences mais jamais à une telle échelle. Dès la fin des années 2000, l’Irfu avait proposé d’améliorer l’expérience Atlas avec un pavage de détecteurs Micromegas à anode résistive, car cette nouvelle technologie était particulièrement prometteuse pour pouvoir fonctionner à très haut flux de particules, de l’ordre de 15 kHz/cm2 !

 

Un travail mécanique d’orfèvre

En plus d’être une première pour la surface couverte, la construction des NSW a aussi été une prouesse en terme de précision mécanique avec laquelle ces détecteurs ont été assemblés. Il a fallu en effet déployer une technique de construction très spécifique, afin de garantir une compréhension mécanique interne de ces assemblages à mieux qu’un cheveu près, soit mieux que 40 microns pour les plans de détection de 12 m2 ! Le groupe de l'Irfu a d’ailleurs assuré l’étalonnage mécanique des éléments de précision dans les trois autres consortia de construction, grâce à sa grande expérience dans le domaine de l’opto-mécanique micrométrique (voir l'alignement des chambres à muons d'Atlas).

Parmi les nombreuses difficultés rencontrées, il en fut une particulièrement difficile à surmonter, et qui encore aujourd’hui fait l’objet d’études à l’Irfu. En effet, les détecteurs Micromegas des NSW sont composés d’un assemblage de circuits imprimés de très grandes tailles produits chez deux industriels partenaires en France et en Italie, et allant jusqu’à ~1 m2. Ces circuits sont ensuite équipés d’anodes résistives fournis par la collaboration via plusieurs instituts situés au Japon. Or cette partie de l’équipement s’est avérée avoir, pour certains consortia dont Saclay, une résistivité à la limite inférieure de ce qui était attendu, engendrant ainsi des difficultés de fonctionnement. Pour retrouver des paramètres de fonctionnement standard, il a été nécessaire de rendre passif le début de ces pistes résistives sur quelques centimètres (par l’ajout d’une fine couche isolante). La zone inerte ainsi créée ne représente que 2 % de la surface, ce qui aura peu d’impact sur le fonctionnement du trajectographe.

Les circuits imprimés qui supportent les électrodes sont assemblés en panneaux composites lors de plusieurs centaines d’opérations dans une salle blanche spécifique, en partie financée par la région Ile-de-France. Ils sont ensuite intégrés dans les modules qui sont faits de 5 panneaux (2 panneaux de lecture double face et 3 panneaux de dérive).

Photo de l’intérieur de la salle blanche qui a servi à l’assemblage des détecteurs. On y voit les outillages de fabrication des panneaux composites et, au fond,  les tables en granit équipées d’appareils de métrologie ainsi que la zone d’assemblage des modules. Ces derniers sont constitués de 5 panneaux, 2 de lecture et 3 de dérive (droite).
La construction de cette salle blanche a été rendue possible grâce à un financement SESAME de la région Ile de France.
 

Mesure des performances de reconstruction sur un « banc cosmique »

Après vérification du comportement électrique des modules et contrôle de leur métrologie, ces détecteurs sont enfin testés sur un banc cosmique qui valide leur bon fonctionnement. Ce banc fonctionne grâce au flux de muons atmosphériques qui arrivent en permanence jusqu’au sol. Ces particules traversent facilement de grandes épaisseurs de matériaux avec peu d’atténuation et « allument » lors de leur passage les détecteurs à tester, permettant ainsi une vérification de leur fonctionnement. Une fois validés, ces détecteurs sont ensuite envoyés au Cern pour être intégrés dans les roues.

Banc cosmique servant à la validation finale des détecteurs avant leur envoi au Cern. Le module en test est posé sur la structure porteuse. Trois plans de référence permettent de caractériser le point d’impact des muons dans le détecteur à tester : deux sont situés au-dessus (marqués d’un trait bleu clair), et un en-dessous. On voit aussi sur la gauche une partie de l’électronique de lecture, et sur la droite le système de contrôle du mélange gazeux circulant dans le détecteur.
 

 

 

Cette vidéo retrace certaines étapes du projet NSW (New Small Wheel) à l'Irfu porté par une équipe de physiciens, d’ingénieurs et de techniciens. Ce projet a démarré en 2014 pour s'achever en mi 2021 et a permis la fabrication des 32 détecteurs gazeux de type Micromegas constituant les nouvelles petites roues du détecteur Atlas. La plupart des images ont été prises avant la mise en place du protocole sanitaire.

Réalisation F. Rhodes 2021

 

Pour conclure

Cette participation à la jouvence du détecteur Atlas a permis de développer à l’Irfu une technique originale de positionnement précis de circuits imprimés les uns par rapport aux autres, ainsi que de nouvelles compétences dans l’intégration de détecteurs gazeux dont certains constituants peuvent être préalablement produits par des industriels. Pour mener à bien cette production, il a aussi fallu mettre au point de nombreux outillages ainsi que leur asservissement et leur contrôle, pour des opérations comme le lavage, le séchage ou encore le conditionnement en haute tension des modules.

Désormais, depuis plusieurs mois, l’Irfu participe aussi à l’intégration au Cern de ces détecteurs. Outre la responsabilité de la réception des détecteurs et de leur test sous irradiation, l’Irfu a en charge la coordination technique mécanique des NSW. L’intégration des deux NSW dans l’expérience Atlas devrait durer jusqu’à fin 2021. Une fois les détecteurs installés, plusieurs mois seront encore nécessaires pour les tester, afin d’être prêt pour le redémarrage du LHC en 2022.

Contacts

Fabien Jeanneau, Philippe Schune

En "voir" plus :

https://home.cern/fr/news/news/experiments/first-atlas-new-small-wheel-nears-completion

https://atlas.cern/updates/news/NSW-final-slice

Vue des deux roues en cours d’équipement avec leurs détecteurs au Cern. On voit à gauche la première roue presque complète (le dernier module arrive sur la droite) qui sera installée dans Atlas en Juillet 2021 et à droite la deuxième roue où les premiers secteurs sont intégrés (les câbles, alimentations électriques, fluides étant déjà installés).
On distingue sur la roue de droite la structure porteuse (en bleue) ainsi que les éléments permettant d’accrocher les détecteurs (les huit « Y » partant du centre de la roue). Le trou au centre de la roue est l’endroit par lequel passera le tube à vide de l’accélérateur. Chaque roue une fois équipée pèse une centaine de tonnes.
photo ©Cern

 

le 12 juillet: Reportage photos de Patrick Ponsot, la "new-small-wheel-A" au fond du trou! 

le 15 juillet: 360° Live from the ATLAS Experiment at CERN 

 
#4939 - Màj : 05/01/2022

 

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