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Gabriel Chardin
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Communiqué de presse CEA/CNRS
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Depuis 70 ans, le problème de la matière noire constitue une des questions majeures de l'astrophysique. Nous ignorons encore ce qui compose 99% de notre Univers ! L'expérience Edelweiss, qui regroupe une collaboration de physiciens et astrophysiciens français de sept laboratoires du CNRS et du CEA (Dapnia, et Drecam), explore la piste des particules supersymétriques appelées wimps (acronyme anglais de weakly interacting massive particles, signifiant « mauviette » en français ! ) comme explication possible de la nature de la matière noire. Le 29 mai, à la conférence «Neutrino 2002» de Munich, les chercheurs du CNRS et du CEA ont communiqué des résultats essentiels : l'expérience qui, pour la première fois, a pu tester un domaine du monde supersymétrique avec une grande précision, contredit les résultats annoncés en février 2000 par l'expérience italienne Dama qui avait annoncé l'existence de wimps de masse 60 fois celle du proton
La matière noire et les wimps
La matière lumineuse, la seule que nous pouvons observer, ne contribue que pour un pour cent à la densité de l'univers. La nature de la très grande fraction de masse manquante, appelée matière noire, est complètement inconnue et son identification est l'une des questions majeures de la physique contemporaine. Une large part de la matière noire pourrait être constituée de particules élémentaires très massives, appelées wimps, entourant chaque galaxie. Les théories supersymétriques, qui permettent d'unifier les quatre interactions fondamentales, prédisent l'existence, encore non vérifiée, de ces particules massives. Mais, la mise en évidence expérimentale de leur existence par détection de leurs interactions avec la matière ordinaire est très difficile. En effet, leur taux d'interaction, dont on peut évaluer les limites à la fois à partir de données cosmologiques et d'expériences dans des accélérateurs, serait extrêmement faible : pour un détecteur d'un kilogramme, on prédit de l'ordre d'une interaction par jour, voire beaucoup moins. Les wimps sont ainsi plus discrets encore que les neutrinos qui, déjà, n'interagissent que très faiblement avec la matière.
Dans cette recherche, l'expérience italienne Dama, a publié en 2000 des résultats proposant l'existence d'un wimp de masse d'environ soixante fois celle du proton, avec un taux d'événements de l'ordre d'une particule détectée par kg de détecteur et par jour. Aujourd'hui, Edelweiss, située au laboratoire souterrain de Modane sous le tunnel du Fréjus, est la première expérience à pénétrer dans le domaine des modèles supersymétriques compatibles avec les résultats des expériences réalisées dans des accélérateurs. Elle peut, grâce à sa sensibilité, exclure l'ensemble du domaine correspondant au wimp observé par Dama, si du moins celle-ci est bien une particule supersymétrique interagissant avec la matière de façon standard.
Dans l'année qui vient, la sensibilité d'Edelweiss devrait encore s'accroître d'un facteur 5. Une version plus ambitieuse de l'expérience, Edelweiss II, est en cours d'assemblage à Lyon et Grenoble, et sera installée au Fréjus fin 2003. Elle sera capable de faire fonctionner plus de 100 détecteurs (contre 3 actuellement) et améliorera la sensibilité actuelle d'un facteur 100, permettant ainsi le test des prédictions d'une large fraction des modèles de supersymétrie et, peut-être, de détecter des interactions de wimps.
Le détecteur et son environnement
Compte tenu de la difficulté de détection des wimps, il est indispensable d'isoler au maximum les détecteurs des
rayonnements naturels. Ainsi, l'expérience Edelweiss est protégée par 1600 mètres de roche sous le tunnel du Fréjus et
les matériaux sont rigoureusement sélectionnés pour leur basse radioactivité, ce qui conduit à une réduction par un
facteur de 2 millions du flux de rayons cosmiques, et par un facteur 10 000 du fond de neutrons. Malgré ces précautions,
un fond radioactif résiduel de rayons b et g persiste et il faut différencier l'impact d'un wimp de celui du rayonnement résiduel. La mesure de l'énergie (par l'élévation de température) donne une évaluation de l'ensemble des interactions : les électrons et les photons des radioactivités
b et g interagissent essentiellement avec des électrons, alors que les wimps ne le font qu'avec les noyaux, ici beaucoup moins ionisants. L'expérience Edelweiss est munie d'un système de double détection extrêmement sensible, par l'ionisation et par la chaleur : la première mesure permet d'enregistrer un signal de quelques centaines d'électrons, et la seconde, de mesurer une élévation de température d'un millionième de degré. Edelweiss utilise des détecteurs de germanium ultra-pur de 320 grammes chacun, fonctionnant à une température de 20 millièmes de kelvin, proche du zéro absolu. Leur sensibilité leur permet de rejeter 99,9 % du bruit de fond radioactif.
Vue du cryostat de l'expérience Edelweiss au Laboratoire souterrain de
Modane. Ce cryostat à dilution construit au Drecam/Spec à Saclay permet
à l'expérience de fonctionner pendant plusieurs mois en continu à une
température de 17 millikelvins, proche du zéro absolu. Le cryostat permet
d'accueillir trois détecteurs de 320 grammes de germanium.
Vue d'un détecteur de 320 grammes de germanium, construit au
Dapnia/Sedi, dont les performances de rejet du bruit de fond radioactif
de plus 99,9% ont permis à l'expérience Edelweiss de tester une première
région de modèles de supersymétrie, avec la meilleure sensibilité
mondiale.
Dans ce diagramme est porté, pour chaque événement enregistré, le rapport de l'ionisation mesurée à l'énergie de recul déposée, en fonction de cette même énergie de recul. Les interactions des gammas correspondent aux points de la zone limitée par les lignes bleues ; ces points sont clairement hors de la zone donnée par les lignes rouges, qui est celle des des reculs de noyaux et où devraient se trouver les points de mesures provenant d'éventuels wimps.
Les derniers résultats d'Edelweiss excluent les wimps dont la masse et la
section efficace sont au-dessus de la courbe rouge. Edelweiss a actuellement
la meilleure sensibilité pour des masses au delà de 30 GeV. En particulier,
toute la zone à l'intérieur du contour bleu, compatible avec le signal
rapporté par Dama (point bleu) est éliminée. L'existence d'un wimp avec ces
propriétés aurait dû se traduire par l'observation de 10 événements, alors
que le détecteur d'Edelweiss n'en a mesuré aucun dans la zone d'énergie
attendue.
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