Ca ne tourne pas rond chez les plombs !
 
  12 septembre 2002
 
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Spectroscopie Nucléaire

Chaque noyau est caractérisé par un nombre de neutrons et de protons. Ces constituants du noyau, les nucléons, vont définir les propriétés nucléaires suivant un équilibre extrêmement fin entre l'interaction forte et la répulsion électrostatique. On observe un phénomène surprenant dans les isotopes légers de plomb : la coexistence de forme. Le noyau peut avoir plusieurs formes différentes pour des variations d'énergie minimes. On l'observe sphérique dans son état fondamental et on le découvre avec une forme de ballon de rugby ou de soucoupe volante dès qu'on l'excite un peu.

Pour comprendre l'origine de cette coexistence de forme, il faut découvrir comment sont rangés les nucléons. Nous avons donc étudié les excitations des protons dans les isotopes 187Bi et 189Bi (Z = 83) par spectroscopie-g. Ces isotopes ont un proton de plus que les coeurs de plomb 186Pb et 188Pb respectivement.

Les noyaux d'intérêt ont été produits par des réactions de fusion-évaporation induites par un faisceau de krypton sur une cible d'argent auprès de la grande installation européenne de Jyväskylä (Finlande). Les isotopes de bismuth de masse impaire ont un état fondamental 9/2- (sphérique) et un état excité 13/2+ (déformé). Cet état a été observé pour la première fois pour l'isotope 187Bi.

On a représenté, sur la figure, l'énergie de liaison de ces états dans le potentiel du coeur de plomb par des symboles pour les données expérimentales. La systématique des états 13/2+ dans les isotopes de bismuth de masse impaire a été étendue jusqu'à 22 neutrons de la stabilité. Des énergies négatives signifient que tous les nucléons sont liés par l'interaction forte. Remarquons que l'isotope 189Bi est le premier de la chaîne des bismuths où le dernier proton est quasi-lié, c'est-à-dire qu'il n'est plus lié par l'interaction forte mais seulement par le potentiel coulombien.

Un calcul simplifié de modèle en couche sphérique à partir d'une interaction effective réaliste a été effectué. L'ingrédient principal est l'interaction entre le dernier proton et les neutrons du coeur de plomb. Les données expérimentales sont spectaculairement bien reproduites, ce qui montre que notre modèle reste applicable jusqu'à plus de 20 neutrons de l'isotope stable de 209Bi ! Le modèle prévoit même une inversion au delà de la masse 189 où le noyau préfère être déformé que sphérique (croisement des deux courbes).


Energies des états 9/2- (carrés) et 13/2+ (cercles) données dans le potentiel du coeur de plomb. Les données expérimentales sont comparées à un calcul simplifié de modèle en couches dont l'ingrédient principal est l'interaction proton-neutron.