Découverte intrigante de deux nouvelles particules par l'expérience BaBar au Slac
 
12 juin 2003



Contact DAPNIA :
Gautier Hamel de Monchenault

Deux nouvelles particules ont été observées par la collaboration BaBar, une expérience de physique des particules située au Centre de l'accélérateur linéaire de Stanford (Slac, Californie, USA) à laquelle participe une équipe de physiciens du Service de physique des particules (SPP) du DSM/Dapnia. L'existence de ces nouvelles particules est aujourd'hui confirmée par deux autres expériences, Cleo à Cornell (USA) et Belle à KEK (Japon). Les premières études indiquent que ces particules sont formées d'un quark « charmé » et d'un anti-quark « étrange », et font ainsi partie de ce que l'on appelle le système du méson Ds.

On dénombre six types de quarks dans la nature. Les quarks « up » et « down » sont les plus légers et constituent, avec les gluons qui les lient, les noyaux des atomes qui constituent la matière ordinaire. Les autres quarks, plus massifs, étaient présents dans l'univers primordial, et sont aujourd'hui observés dans les produits d'interactions de rayons cosmiques avec l'atmosphère ou produits auprès des accélérateurs dans les laboratoires de physique des hautes énergies. Les quarks n'existent pas à l'état libre : ils sont maintenus par la force nucléaire forte à l'intérieur des particules hadroniques, les mésons (systèmes quark/anti-quark) ou les baryons (systèmes de trois quarks). Cette force qui assure la cohésion des particules hadroniques est d'autant plus intense que la distance entre quarks augmente : c'est ce que l'on désigne par confinement des quarks. Les quarks ont un moment angulaire intrinsèque (spin) demi-entier dans les unités habituelles ; ce qui signifie qu'ils existent dans deux états de spin possibles, spin +1/2 ou spin -1/2. Le quark « charmé » porte une charge électrique égale à +2/3 et l'anti-quark « étrange » une charge -1/3 (en unité de charge du proton) de sorte que les mésons du système du Ds portent une charge égale à +1.

Le quark « charmé » est bien plus massif (une fois et demie la masse du proton) que le quark « étrange » ; on peut donc, dans une certaine mesure, s'appuyer sur l'analogie de l'atome d'hydrogène pour comprendre la spectroscopie du système du méson Ds. Chaque état d'énergie du système correspond à une nouvelle particule. Les nombres quantiques pertinents sont le moment cinétique orbital L, la résultante des spins des deux quarks S, et le spin total de la particule J = L + S. Jusqu'à cette découverte, seuls deux des états du système du méson Ds, correspondant au cas où L vaut une unité de moment orbital (L = 1), restaient à observer. Il est très tentant d'identifier les deux nouvelles particules à ces états manquants. En savoir plus ...

La véritable surprise pour les théoriciens vient de la masse des nouvelles particules. L'écart entre les masses des deux particules est bien conforme aux prévisions théoriques. En revanche, l'échelle absolue est en complet désaccord avec les valeurs calculées dans le cadre des modèles phénoménologiques de potentiel de quarks.

Cette double découverte suscite une grande excitation dans la communauté de la physique des hautes énergies. Plusieurs dizaines d'articles théoriques tentant d'expliquer ces valeurs de masse inattendues, et pour certains remettant en cause les modèles de potentiels entre quarks, ont été publiés depuis l'annonce de cette découverte. Il y a également une grande effervescence expérimentale au sein des grandes expériences de physique des particules en activité pour mieux caractériser ces nouveaux états de la matière « charmée ».

Il est remarquable qu'une expérience telle que BaBar, dont le but de physique principal est la violation de CP par l'étude des mésons « beaux » afin de progresser dans la compréhension de l'asymétrie entre la matière et l'antimatière dans l'univers observable, puisse apporter une telle contribution dans un domaine différent comme celui de la physique du « charme ». Cela démontre la grande diversité des domaines de physique accessibles à cette expérience.





Découverte par BaBar de la nouvelle particule Ds(2317). Le pic très prononcé au centre des deux figures est la signature de la désintégration d'une nouvelle particule en un méson Ds(1969) accompagné d'un pion neutre π0. Le méson Ds(1969) est lui-même identifié par ses désintégrations soit en deux kaons et un pion (a), soit en deux kaons, un pion et un pion neutre (b). La largeur des pics est compatible avec la résolution expérimentale, ce qui permet d'affirmer que le signal correspond à une résonance « étroite » qui selon toute vraisemblance ne peut se désintégrer que dans des modes de désintégration très défavorisés. Ainsi, selon l'interprétation actuelle pour cette particule (voir texte), la désintégration observée ne respecterait pas la symétrie d'isospin. Les études expérimentales se poursuivent pour confirmer cette hypothèse.