Modélisation de réacteurs de nouvelle génération pour l'incinération du plutonium
 
15 juillet 2003



Contact DAPNIA :
Danas RIDIKAS

Les réacteurs à eau pressurisée (REP) d'EDF ont une durée de vie de 30 ans avec une extension envisagée à 40 ans. La question du renouvellement du parc se posera à l'horizon de 2015. De nouvelles filières de réacteurs, dites de quatrième génération, sont à l'étude offrant une meilleure rentabilité que les REP actuels et la possibilité de "brûler" des combustibles mixtes uranium-plutonium. Dans le cadre d'une collaboration internationale, est étudié un projet de réacteur refroidi à l'hélium (GT-MHR). Ce réacteur pourrait fonctionner avec une large variété de combustibles fissiles, en particulier du plutonium (239Pu), représentant un intérêt certain pour le recyclage des déchets nucléaires. Il est une étape nécessaire pour la maîtrise des nouvelles techniques développées pour les réacteurs du futur (combustible à particules, turbine à haute température, circuit d'hélium). Une équipe du Service de physique nucléaire (SPhN) du Dapnia a caractérisé cette filière GT-MHR pour l'incinération du plutonium militaire, au moyen d'une simulation Monte-Carlo basée sur une description rigoureuse du combustible sous forme de particules. Ce travail peut être considéré comme un calcul de référence pour d'autres schémas de calculs simplifiés.

Le GT-MHR1 intègre de nombreux éléments à l'étude pour les réacteurs de 4ème génération2. Il présente un bon rendement thermique3, des taux de combustion très élevés et un haut niveau de sûreté. Ses principales caractéristiques sont les suivantes : L'emploi de l'hélium comme fluide caloporteur, qui a la particularité d'être inerte et rester en phase gazeuse ; un cœur en graphite présentant de bonnes propriétés à haute température ; un combustible sous forme de particules pouvant atteindre des taux élevés de combustion4. La structure du combustible a l'avantage de confiner les produits de fission durant la phase de fonctionnement et de rester stable pendant des centaines de milliers d'années durant le stockage du combustible usé. En principe, un GT-MHR pourrait " brûler " tout type de combustible, nous avons, cependant, focaliser cette étude sur le 239Pu. L'élément important pour la stabilité de la réaction est l'utilisation de l'erbium naturel (167Er) dans le combustible5. Cet élément possède une forte probabilité de capture de neutrons qui assure au système un coefficient de réactivité thermique négatif6. L'erbium et le plutonium sont " brûlés " de façon continue durant le cycle. Il n'y a pas de production de 239Pu en raison de l'absence d'238U dans le combustible initial.

Dans cette étude7, nous avons utilisé une méthode probabiliste basée sur un Monte-Carlo pour caractériser les flux neutroniques et l'évolution du combustible. En vue d'une comparaison quantitative, nous avons considéré plusieurs descriptions de plus en plus détaillées des éléments du réacteur, en partant d'une configuration homogène du combustible (HTR1, voir figure 1), en prenant en compte les assemblages des crayons (HTR2 - fig. 2) et leur structure sous forme de particules (HTR3 - fig. 3) dont la dimension caractéristique est de 300 micromètres. Les effets des différentes approximations sont étudiés sur les valeurs du facteur de multiplication8 keff11 , la durée du cycle du réacteur, les caractéristiques des neutrons et l'évolution de la composition isotopique du combustible. Nous avons montré que la performance du GT-MHR est considérablement influencée par la façon dont la géométrie est modélisée (fig. 4). Les distributions spatiales et énergétiques du flux de neutrons ne peuvent être négligées pour des isotopes dont les sections efficaces présentent de grandes résonances tels que le 240Pu, le 241Pu et l'167Er. La formation du 241Pu et la consommation d'167Er sont notamment responsables de variations du cycle du combustible. La durée du cycle est notablement réduite lorsque la structure détaillée est prise en compte (HTR3).

L'utilisation d'un Monte-Carlo avec une géométrie fine et finie pour ce système particulier est un outil puissant pour optimiser le cycle du combustible et étudier les possibilités d'incinération des déchets nucléaires dans un GT-MHR. Il serait intéressant de comparer nos résultats (HTR3) avec d'autres modélisations, comme celles basées sur la théorie de diffusion neutronique9 (calculs déterministes). Une collaboration étroite avec les spécialistes des calculs de réacteurs est nécessaire dans ce domaine. Une comparaison avec l'expérience s'avère enfin indispensable pour valider les prédictions des calculs Monte-Carlo basés sur une géométrie réaliste.





Figure 1 : Coupe transversale d'un GT-MHR présentant des structures hexagonales homogènes (HTR1). Le cœur actif est présenté en vert. Le diamètre du cœur est d'environ 4 mètres.


Figure 2 : Structure du cœur actif (HTR2) : A) 3 rangées de colonnes hexagonales contenant le combustible ; B) Loupe sur une colonne d'assemblage : les crayons de combustible sont présentés en vert, les crayons d'erbium en jaune, les canaux d'hélium en bleu. Le reste de la structure en violet est la matrice en graphite.


Figure 3 : Loupe sur un crayon de combustible (HTR3) : A) coupe transverse d'un crayon ; B) particule de combustible (élément TRISO) : noyaux de PuO2-x (en vert), entourés par trois ou quatre couches de matériau réfractaire (enrobage de graphite+silicium ou zirconium+graphite) capable de piéger les produits de fission.


Figure 4 : Comportement du keff pour différents schémas de description du combustible dans un GT-MHR " brûlant " du plutonium militaire. Le calcul HTR3 correspond à une géométrie réaliste.




1 Gas Turbine-Modular Helium cooled Reactor ; réacteur à neutrons thermiques fonctionnant à haute température d'hélium (850°C).
2Voir "Les Défis du CEA" n°95, avril-mai 2003, P.13-25
3Plus de 40% comparé à 33% pour les REP.
4Plus de 90 % dans le cas du 239Pu.
5 La proportion en masse de 167Er/239Pu est de 40% environ.
6La réactivité diminue si la température du combustible augmente.
7R. Plukiene, D. Ridikas, "Modelling of HTRs with Monte Carlo: from a Homogeneous to an Exact Heterogeneous Core with Micro-particles", Annals of Nuclear Energy 30 (2003) p. 1573-1585.
8Ce facteur doit être égal à l'unité pour maintenir un taux de fission constant.
9F. Damian, X. Raepsaet, F. Moreau, "Code and Methods Improvement in HTGR Modelling at CEA", Proceedings of the Int. Conference PHYSOR 2002, Seoul, Korea (2002) p. 5A-03.