Contact DAPNIA :
Sylvaine Turck Chieze
Tél : 01 69 08 43 87
ScintillationS n°50, mai 2001
Les 5 ans du satellite SOHO
|
Depuis plus de trente ans, les physiciens détectent moins de neutrinos solaires
sur terre que le nombre prédit par les modèles astrophysiques du Soleil qui
estiment l'émission de ces neutrinos dans la région nucléaire centrale. Ce
désaccord a constitué une des grandes énigmes de la Physique Moderne. Même
si l'on soupçonne depuis une dizaine d'années que ce déficit est lié aux
propriétés des neutrinos, plutôt qu'aux propriétés de l'intérieur solaire, il
n'avait pas été possible jusqu'à cet été, de le démontrer et de mettre en
évidence que les neutrinos électroniques produits par un certain nombre de
réactions nucléaires se transformeraient au cours de leur voyage en neutrinos
d'une autre espèce.
En effet:
- L'estimation des flux émis reposait sur des estimations purement théoriques
fondées sur la connaissance de l'évolution stellaire
-les expériences radiochimiques (Homestake, GALLEX) de détection avaient
deux limitations : le faible flux détecté (moins de 10 par mois) et le
mélange de plusieurs sources de neutrinos plus ou moins maitrisé par les
astrophysiciens.
-Il était impossible de reproduire auprès des accélérateurs les conditions
de vérification de la disparition des neutrinos électroniques.
Deux éléments cruciaux ont permis de résoudre cette énigme:
- le développement de l'héliosismologie qui devait permettre de tester
les conditions thermodynamiques du coeur nucléaire, en particulier avec le
satellite SOHO
-le développement des expériences temps réel tel que Superkamiokande et
SNO qui devaient contribuer à une forte augmentation de la statistique de
détection (environ 5000/an) et la capacité pour SNO de mesurer courants
chargés et courants neutres, ce qui rend ce détecteur sensible également aux
neutrinos muoniques et tauiques.
Pour ces deux expériences de neutrinos solaires, seuls les neutrinos
de haute énergie sont détectés, l'interaction élastique neutrino électron
est sous contrôle et raisonnablement élevée: ce sont les avantages de la
technique de mesure. Par contre, l'émission de ces neutrinos, associés
uniquement à la chaine pp III est difficile à prévoir par les Astrophysiciens,
car ces neutrinos ne sont pas contraints par la luminosité du Soleil et
très sensibles aux conditions thermodynamiques et de plasmas, d'où l'idée
d'étudier le Soleil in situ grâce à la sismologie.
Depuis 1985, Le SAp a travaillé sur les différents aspects théoriques de ce
problème. Il a aussi participé à la construction de l'expérience GOLF
(avec des ingénieurs et techniciens du DAPNIA) et à son interprétation
pour tester la véracité des progrès théoriques proposés. Il en a déduit
un modèle sismiquement représentatif et un flux de neutrinos émis validé
par la sismologie avec une incertitude d'environ 15%, beaucoup plus faible
que ce qu'un simple calcul théorique peut montrer.
Ce flux est en parfait accord avec la détection de la somme des différentes
espèces de neutrinos déduits des expériences Superkamiokande et SNO,
prouvant l'existence de neutrinos muoniques et tauiques dans les détecteurs.
La précision sur ce flux émis et le fait que le chiffre annoncé
(4.95 ± 0.72 106 cm-2s-1) soit plutôt plus faible que le flux détecté
(5.44 ± 0.99 106 cm-2s-1) conduit probablement également à la réjection de neutrinos
stériles, possibilité évoquée pour justifier les résultats précédents.
Les activités plus spécifiquement effectuées au SAp ont été les suivantes:
- Estimation de la section efficace de production de ces neutrinos et
soutien à la réalisation d'une nouvelle expérience qui a confirmé la
réduction de 20% proposée.
- Rôle des métaux dans la détermination de la température centrale (réduction du flux
d'environ 10%). Collaboration avec collègues de la DAM
- Etude des propriétés des plasmas et estimation de l'accélération de
l'interaction, en collaboration avec des collègues de la DAM. Réduction de
la section efficace de 10%.
- Participation à la construction de l'instrument GOLF, le mieux adapté pour
tester le modèle proposé, collaboration avec IAS (PI A. Gabriel), Nice, Bordeaux, IAC.
- Extraction des modes acoustiques (voir fait marquant précédent) pour déterminer la
structure précisément et rejeter les solutions astrophysiques qui auraient pu conduire
à un flux réduit.
- Extraction du modèle sismique du Soleil, après introduction de processus
supplémentaires (régions de turbulence) et d'ajustement d'ingrédients physiques.
Estimation des flux de neutrinos émis par le Soleil.
Projets d'avenir:
L'étape suivante consiste à définir les masses des neutrinos et leurs autres
propriétés. Pour cela le SAp envisage de mettre l'accent, dans le cadre de la
suite de la mission SOHO-CLUSTER et la préparation des expériences spatiales futures
dans ce domaine (GOLF NG et EDDINGTON) sur la modélisation de la région convective
avec simulation de la concentration des flux magnétiques. Cette étude pourrait avoir
un rôle majeur dans la compréhension du transport des neutrinos si ceux-ci possèdent
un moment magnétique.
Références:
Turck-Chièze et al., ApJ, (2001), 555, L69
Bahcall et al. ApJ, (2001), 555, 990
Ahmad et al, SNO collaboration 30 Juin 2001
Fukuda et al;, Superkamiokande collaboration, Phys. Rev. Lett., (2001), 86, 5651
|