Les trous noirs stellaires

par Jérôme Rodriguez

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impression d’artiste d’un microquasar

Les trous noirs stellaires : ces objets sont issus de l’évolution des étoiles les plus massives, qui après explosion en supernova laissent un résidu compact, une étoile à neutrons ou un trou noir qui dans ce dernier cas peut atteindre quelques dizaines de fois la masse du Soleil.

Les trous noirs stellaires sont probablement des millions dans notre Galaxie. On ne peut les observer que lorsqu’ils sont situés dans des systèmes particuliers, des systèmes binaires très serrés composés de l’astre compact – ici le trou noir - et d’une étoile compagnon.  Dans ce scénario, l’intense champ gravitationnel du trou noir va aspirer une partie de la matière de l’étoile compagnon, qui va, in-fine, spiraler vers le trou noir en formant un disque dit d'accrétion. Ce faisant, les forces de marées intenses vont chauffer les régions du disque à des températures colossales : 10 millions de degré au bord interne du disque. Le rayonnement intense émis lors de ce chauffage pointe dans le domaine des rayons X, un rayonnement accessible avec des observatoires spatiaux dédiés, tels que XMM-Newton et INTEGRAL, deux satellites de l’ESA auxquels notre département a fortement contribué. 

L’analyse de ces radiations permet de remonter aux propriété de ce disque (température, taille,...) et de sonder la proximité immédiate du trou noir.

Cette approche permet d'observer effectivement ce qu’il se passe à ~100 km de l’horizon du trou noir pour des objets qui se trouvent à plusieurs milliers d’années-lumière !

De même les propriétés de ce rayonnement imposent des contraintes importantes sur le taux de rotation du trou noir via les distorsions du spectre en X induites par des effets relativistes.

Bien entendu les observations menées sur ces objets depuis plus de 30 ans au niveau international (DAp compris) ont conduit les astrophysiciens à se poser de nombreuses questions. La découverte en particulier par F. Mirabel en 1992 de jets relativistes émettant dans le domaine radio émis par ces même sources (sources qu’il a alors dénommées « microquasars ») a immédiatement posé la question de la relation entre l’accrétion et les éjections de matière au sein même de ces objets.

"Comment de la matière qui devrait être avalée par l’intense champ gravitationnel peut-elle se retrouver éjectée de vitesses proches de celle de la lumière ?" 

Le microquasars GRS 1915+105, abritant un trou noir de 10 à 15 masses solaires, peut éjecter la masse de l’Everest toutes les demi-heures à des vitesses relativistes (Mirabel et al. 1998), et l’équivalent de la masse de la Lune à plus de 0.98c lors d’éruptions majeures.  

Ces questions relatives à l’accrétion et l’accélération dans les jets sont toujours d’actualité et au coeur des travaux menés au LEPCHE, avec un certain nombre de résultats obtenus en particulier avec les télescopes X et gamma XMM-Newton, INTEGRAL, et FERMI.

Ces études, placées dans des contextes d’observations simultanées multi-longueurs d’onde, multi-diagnostiques, ont apporté de nombreuses contraintes tant sur les relations causales entre disque et jet, que sur les processus de rayonnement, donc les milieux émetteurs situés à quelques dizaines de km, et l’influence et les propriétés du/des trou(s) noir(s). L’échantillon de ces objets (détectés et suivis) est cependant relativement faible (une quarantaine d’objets tout au plus dans la Galaxie). 

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Image d'artiste de la fusion de 2 astres
compacts générant des ondes
gravitationnelles

De nombreuses autres questions sont abordées au DAp, en lien notamment avec l’avènement de l’astronomie gravitationnelle. La détection de l’existence de trous noirs dont les masses sont (certes légèrement) supérieures à celles présentes dans les microquasars, pose la question de la formation et de l’évolution de ces objets. Ici, être témoin de l’effondrement d’une étoile très massive, ou de la coalescence de deux étoiles à neutrons (ou de deux trous noirs) amenant in fine à la formation d’un nouveau trou noir est d’une importance capitale pour bien comprendre les mécanismes en jeu. 

Le satellite INTEGRAL en 2016 a permis de confirmer que la fusion de deux trous noirs, détectée pour la première fois à cette date dans les ondes gravitationnelles (ce qui a valu le Prix Nobel de physique en 2017 à R. Weiss, B.C. Barrish et K. Thorne) ne s’accompagnait comme prédit théoriquement d’aucune émission électromagnétique.

Dans un scénario différent, la fusion de deux étoiles à neutrons en un trou noir, phénomène observé cette fois simultanément en 2017 dans les ondes gravitationnelles et dans rayonnement électromagnétique, a montré qu’il était cependant possible de suivre via une approche multi-messagers la formation d’un trou noir. Ces informations sont capitales tant sur le plan de la physique fondamentale que pour l’astrophysique.

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Illustration du principe de la mission SVOM

Le satellite Sino-Français SVOM, avec une très forte participation de l’Irfu (DAp et DEDIP) et qui sera lancé en 2022, participera activement à la chasse aux trous noirs via la surveillance constante du ciel et des phénomènes dits de flash gamma (ou gamma-ray bursts), ces derniers tous associés à la création d’un trou noir.

L’observatoire Cerenkov sol CTA (photons gamma de très hautes énergies) , dont les « premières lumières » ont été détectées fin 2019 (????) participera de cet effort, et contribuera à poser des contraintes sur les processus physiques (accélération de particules, effets de beaming relativistes, chocs) à l’origine de l’émission observée dans cette gamme d’énergie. 

A plus long terme l’observatoire ATHENA (horizon 2032) de l’Agence spatiale européenne (ESA) auquel le DAp participe contribuera grâce à ces deux instruments de suivre d’une part les émissions de ces sources en rayons X et d’autre part de livrer grâce à son spectro-imageur à integral de champ révolutionnaire X-IFU une cartographie inédite des éléments chimiques. Les propriétés des raies en émission et absorption observées fourniront des informations majeures tant sur le progéniteur du trou noir (via les abondances chimiques) que sur les conditions précises (température, vitesse, champ magnétique, …) de la matière située à proximité de l’objet. 

Enfin, il est clair que les astronomes, en plus de tenter de comprendre l’objet trou noir en lui-même sont face à de remarquables laboratoires de physique. Sans être exhaustif, et pour résonner avec certaines des branches de recherche du CEA, il est important de réaliser que le disque d’accrétion est un plasma, principalement composé de protons et électrons, placé dans des conditions extrêmes (de température de vitesse, etc) au sein duquel se développent des instabilités (magnéto-)hydrodynamiques difficilement observables ou réalisables sur Terre.

"observer les plasmas des disques d'accrétion, tenter de les comprendre, pourrait-il, in-fine, nous permettre d’avancer sur les problèmes liés aux plasma sur Terre."


Liens vers quelques faits marquants 

Sur les  microquasars (systèmes binaires contenant un trou noir absorbant la matière de son étoile compagnon)

INTEGRAL en 2016: Bouffées d’antimatière dans un microquasar  

INTEGRAL en 2011: Jet gamma de Cygnus X-1 

FERMI en 2009: La puissance révélée d'un accélérateur cosmique 

Campagne d’observations simultanées en rayons X en 2007: Microquasars : le cas de GRS1915+105

Sur les observations  multi-messagers

SVOM en 2019: Premiers résultats de la mission SVOM avant son lancement !

INTEGRAL en 2017 : La fusion de deux étoiles hyperdenses fait résonner l'Univers

Sur les sursauts gamma

H.E.S.S. en 2019: Première détection de l'émission rémanente d'un sursaut gamma en rayons gammas de très haute énergie

INTEGRAL en 2016: Pas d'écho gamma à la fusion de deux trous noirs

VLT 2014: Lumière polarisée d'un jet

INTEGRAL en 2009: Autopsie d’un sursaut

FERMI en 2009: Boule de feu aux confins de l’Univers

 

 

#926 - Mise à jour : 20/10/2020

 

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