L'astronomie vient aujourd'hui au secours de la lutte anti-terrorisme. Le Service d'Astrophysique (SAp) du CEA-DAPNIA vient en effet d'engager une étude particulière pour adapter une caméra astronomique, initialement prévue pour capter les rayons X et gamma de l'Univers, à la détection de matières radioactives dissimulées. Ce projet fait partie du programme national de recherche sur le terrorisme baptisé "NRBC" (pour Nucléaire, Radiologique, Biologique et Chimique) qui a été lancé en 2004 et est aujourd’hui dirigé par le CEA/DAM (Direction des Applications Militaires).
La montée en puissance du terrorisme international est à l’origine, ces dernières années, de l’émergence de programmes de recherche visant à prévenir, ou en tous cas limiter, l’impact d’actions terroristes auprès de la population civile. Un des objectifs prioritaires est la surveillance de la non-prolifération des matières nucléaires potentiellement utilisables pour la confection de bombes "sales" ou pour la réalisation d’armes nucléaires. Les matériaux radioactifs ont la propriété d'émettre un rayonnement invisible aux yeux humains car situé dans la gamme d'énergie très élevée des rayons X et gamma. Leur détection demande donc l'utilisation de caméras spécifiques, sensible à ce rayonnement de haute énergie.
Dans le cadre du programme scientifique du satellite INTEGRAL ("INTErnational Gamma-Ray Astrophysics Laboratory" ou "Laboratoire International pour l'Astronomie du Rayonnement Gamma") de l'Agence Spatiale Europénne (ESA) , placé en orbite en décembre en 2002, le Service d'Astrophysique (SAp) du CEA-DAPNIA a développé une caméra gamma de nouvelle génération avec notamment l'utilisation d'un nouveau matériau, le tellure de cadmium (CdTe).
Une image obtenue par la caméra ISGRI. Une statuette en bronze placée à 60 cm au dessus du centre de la caméra a été illuminée par une source radioactive de Cobalt 57 produisant des photons gamma à une énergie de 122 keV (kiloélectron-volt). Les photons peinent à traverser le bronze, très absorbant à cette énergie, et l’ombre de la statuette se projette en ombre chinoise sur le plan des modules ISGRI. La qualité de l'image est remarquable à ces énergies (crédits CEA/SAp).
Pour une utilisation dans la détection des sources radioactives dissimulées, il s’agit maintenant de mettre au point une caméra portable, utilisable à température ambiante et ayant les performances suffisantes pour la reconstitution d’images de sources de rayons X et gamma, c'est-à-dire dans une large bande d’énergie couvrant la gamme de 1 keV-1MeV, une énergie de mille à un million de fois plus élevée que la lumière visible. Une première étape consiste à évaluer les performances des modules ISGRI de l’imageur d’INTEGRAL et d’étudier ensuite leur "dé-spatialisation", les modifications à apporter pour leur adaptation aux objectifs de ce nouveau programme.
Un cahier de spécifications techniques de la future caméra sera tout d’abord rédigé par le Service d'Astrophysique (SAp) du CEA-DAPNIA, en collaboration étroite avec le CEA/DAM/DCRE (Département Conception et Réalisation des Expérimentations) et ce nouveau projet, reçu favorablement par le chef de projet NRBC, sera financé dès 2005.
voir aussi : "ISGRI : une caméra pour l'invisible" (15 octobre 2001)
[1] Electron-volt. L'énergie des rayons X et gamma est souvent évaluée en "électron-volt (eV)". Cette unité correspond à l'énergie communiquée à un électron de charge (e) soumis à une tension de 1 Volt. En unités du système international (SI), 1 eV correspond à 1.6 10-19 Joule. Les rayons (ou photons) de lumière visible ont une énergie d'environ 2 eV, les rayons X dits "mous" de 0.1 à 10 kilo-electronvolt (keV), ceux dits "durs" au delà de 10 keV.
La caméra gamma ISGRI (Integral Soft Gamma-Ray Imager) est constituée d'un ensemble de 8 modules, eux même formés de 128 micro-caméras élémentaires appelées "polycell". Chaque polycell est lui-même composé de 16 détecteurs semi-conducteurs CdTe (tellurure de cadmium) de 4x4 mm pour 2 mm d'épaisseur. Cette camera gamma de nouvelle génération compte donc plus de 16000 détecteurs individuels (pixels) et couvre une surface de près de 3000 cm2. Cette surface est sensible à la lumière très particulière des rayons gamma dont l'énergie est entre 15 000 et 2 millions de fois plus élevée que la lumière visible. Elle est située a 3.2 mètres d'un masque codé, un écran constitué d'une mosaïque de lourds blocs de tungstène. Grâce à ce masque, la caméra ISGRI obtient un pouvoir de résolution de 12 minutes d'arc et un champ de vue de 350 degrés carrés.
IBIS / ISGRI en chiffres: | |
Masse: | 700 kg |
Hauteur: | 3.4 m |
Dimension | 0.6 m |
Surface de détection: | 2621 cm2 |
Champ de vue: | 19ºx19º |
Résolution angulaire: | 12 minutes d'arc |
Gamme d'énergie: | 15 keV- 10 MeV |
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