Des observations conjointes en ondes radio et rayons X ont permis d’évaluer précisément l’énergie émise par des particules produites après une explosion d’étoile survenue vers le centre de notre Galaxie, il y a environ 1100 ans. Anne Decourchelle du Service d’Astrophysique du CEA-Irfu et ses collaboratrices, Gloria Dubner et Elsa Giacani de l’Institut d’Astronomie de Buenos Aires, ont obtenu une carte radio à haute résolution d'un vent de particules produit après l’explosion. En combinant ces résultats avec des données obtenues en rayons X grâce au satellite européen XMM-Newton, l’ensemble de l’énergie a pu être évalué. Cette énergie est transportée par des électrons injectés dans l’espace depuis au moins 1100 ans, datant ainsi l’explosion. Les images révèlent aussi des jets, tores et filaments, formes complexes produites par l’interaction de ces électrons avec la bulle de gaz résultat de l'explosion.
Ces résultats font la une de la revue Astronomy and Astrophysics de septembre 2008.
Les restes d’explosions d’étoiles, appelées aussi supernovae, sont particulièrement difficiles à observer vers le centre de la Galaxie en raison de l’éloignement (plus de 20 000 années-lumière), des nuages et du grand nombre d’étoiles confinés dans ces régions centrales.
Les supernovae donnent lieu à une éjection de matière qui se déploie dans l’espace à très grande vitesse (plusieurs dizaines de milliers de km/s). Lorsqu’il s’agit de l’explosion d’une étoile massive, toute la matière de l’étoile n’est pas éjectée et il reste en son centre un objet compact, une étoile à neutron ou même un trou noir. Certaines étoiles à neutrons sont fortement magnétisées et en rotation rapide. Appelées aussi « pulsars », elles éjectent un vent de particules à des vitesses proches de celle de la lumière qui vient percuter la matière éjectée environnante.
Plusieurs de ces restes de supernovae ont été découverts récemment vers le centre galactique grâce à leur émission de rayons X. En 2001 et 2003, les astronomes avaient pu cartographier le reste baptisé SNR G0.9+0.1 situé dans la constellation du Sagittaire, grâce aux satellites XMM-Newton et Chandra. Les images en rayons X révèlent deux zones brillantes de part et d’autre d’une source correspondant probablement au pulsar, une des structures suggérant un jet de particules.
En utilisant deux grands radiotélescopes, le grand réseau VLA (Very Large Array à Socorro, Nouveau Mexique, USA) et le réseau compact australien ATCA (pour Australia Telescope Compact Array à Narrabri, Australie), Anne Decourchelle et ses collaboratrices ont obtenu pour la première fois une image radio à haute résolution du reste de l’explosion. Sur l’image, la nébuleuse entourant le pulsar au centre est parfaitement visible, l’émission radio résultant de l’interaction d’électrons à très haute vitesse avec le champ magnétique ambiant. Loin d’être uniforme, l’image montre aussi une multitude de points brillants, arcs, globules, filaments et anneaux, révélant l’évolution complexe du vent de particules émises par le pulsar avec la matière préalablement éjectée lors de l’explosion. L’image radio est venu confirmer indirectement, la présence d’un pulsar qui pour l’instant n’a pu être encore formellement identifié.
La comparaison précise des images en radio et en rayons X a fourni un bilan de l’explosion. L’émission des rayons X correspond à l’interaction d’électrons 1000 fois plus énergétiques que ceux qui émettent les ondes radio. Si l’extension du vent de pulsar et certaines structures sont comparables en ondes radio et en rayons X, il n’en reste pas moins que la morphologie observée est notablement différente. En particulier, l’émission X pique dans le nord-est du vent et ne présente pas de contreparties à la forte émission radio observée dans le sud-ouest du vent. Les différences de morphologie de l’émission en radio et en rayons X fournissent des informations cruciales pour comprendre l’évolution du vent. L’émission radio permet en effet de tracer l’historique du vent, par le fait que les électrons responsables de l’émission radio sont de plus basse énergie et survivent plus longtemps dans ce plasma. Par contre, l’émission X, qui provient d’électrons plus énergétiques, marque uniquement les zones récentes d’accélération des électrons. Ainsi, l’énergie globale contenue dans le vent du pulsar et sa répartition entre les particules accélérées et le champ magnétique ont pu être précisément évaluées. L’énergie totale correspond à des électrons injectés dans la nébuleuse depuis au moins 1100 ans. Ce reste d’explosion fait ainsi partie des plus récentes explosions d’étoiles dans notre Galaxie. Il est aussi une source d’émission de particules de beaucoup plus hautes énergies récemment détectée par le réseau HESS (pour "High Energy Stereoscopic System").
Contact :
"High resolution radio study of the Pulsar Wind Nebula within the Supernova Remnant G0.9+0.1"
Gloria Dubner, Elsa Giacani, Anne Decourchelle
dans la revue Astronomy & Astrophysics, vol 487, p. 1033
Pour une version électronique (format PDF, 476 Ko)
- voir aussi : L'énigme du gaz chaud ? (31 janvier 2004)
Rédaction: A. Decourchelle, J.M. Bonnet-Bidaud
• Structure et évolution de l'Univers › Phénomènes cosmiques de haute énergie et astroparticules
• Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM