Le prix Nobel de Physique 2008 a récompensé Makoto Kobayashi et Toshihide Maskawa pour avoir compris que les intéractions faibles ne traitaient pas de la même manière les particules et les antiparticules1. Dans ce formalisme, l'on s'attend à ce que l'interaction forte introduise le même type d'asymétrie entre quark et antiquark.
Or il n'en est rien ! Problème ! Pour expliquer cette anomalie des interactions fortes, les théoriciens ont postulé l'existence d'une nouvelle particule nommée « axion » du nom d'une lessive car elle permet de laver le problème. Neutre et légère, cette particule serait analogue à un photon avec lequel elle pourrait se coupler. Elle interagirait en revanche peu avec la matière, si peu que, pour l'instant, elle n'a jamais été observée.
CAST2 est une expérience destinée à détecter cette particule hypothétique qui pourrait être produite en abondance par le Soleil. La collaboration a récemment publié des résultats (« Journal of Cosmology and Astroparticle Physics ») permettant de réduire les limites sur la prédiction de la masse de l'axion.
La traque aux axions continue grâce à l'amélioration des performances des détecteurs Micromegas de CAST, permettant de diminuer le niveau de bruit de fond extrêmement bas dans le domaine des basses énergies, entre 1 et 10 keV et d'augmenter donc la limite basse de détection de ces hypothétiques particules.
Les axions sont des particules introduites par les théoriciens pour expliquer l'apparente symétrie entre matière et antimatière dans les interactions fortes. Ces axions, neutres et de très faible masse, sont de plus des candidats pour expliquer la matière noire dans l'univers. Les modèles théoriques et les observations astrophysiques contraignent la masse des axions à un intervalle compris entre quelques µeV/c2 et quelques eV/c2.
L'absence d'observation des axions dans l'expérience CAST a permis d'établir la meilleure limite expérimentale sur la constante de couplage axion-photon, pour des masses inférieures à 0.4 eV/c2 (figure 1). Pour la première fois cette limite atteint la bande jaune privilégiée par les modèles théoriques.
Figure 1 : Limites sur la constante de couplage entre photon et axion en fonction de la masse de l'axion. La bande jaune montre la région favorisée par les modèles d’axions. La ligne bleue délimite la partie base de la région exclue par les données obtenues la première phase de CAST et les données avec l’4He, dépassant la limite obtenue par les contraintes stellaires. Les régions exclues par les expériences laser sont également montrées ainsi que les limites obtenues par les expériences avec des détecteurs pour la matière noire et le Tokio Helioscope. A faible masse, 10-5 eV, ce sont les expériences de cavités microondes qui sont les plus sensibles.
Les axions s'ils existent se couplent faiblement à la lumière. Ils peuvent donc être produits au cœur du soleil par les photons thermiques qui diffusent sur les protons et les électrons. L'expérience CAST utilise le champ magnétique intense (9 T) produit par le prototype d'un aimant LHC pour reconvertir les axions solaires en photons. L'aimant est monté sur un rail afin d'observer le soleil à son lever et à son coucher, d'où l'appellation « d'hélioscope à axions » (figure 2). Un signal d'axions doit se manifester lors de l'observation du soleil par un excès de photons X avec une énergie moyenne de 4 keV. Des détecteurs sensibles aux rayons X ont été installés à chaque extrémité des tubes à vide de l'aimant : les détecteurs « sunrise » et les détecteurs « sunset ». Pour observer le signal, noyé dans le bruit de fond du rayonnement cosmique et de la radioactivité naturelle, les détecteurs doivent être conçus avec des matériaux à faible radioactivité et doivent être capables d'avoir une bonne rejection du bruit de fond et faire ressortir les événements issus de la conversion d'axion (0.03 evts/h attendus sur une surface de 14 cm2).
Pendant la première phase, durant laquelle l'aimant a fonctionné sous vide, la prise de données (de 2003 à 2004) a permis d'abaisser la limite expérimentale d'un facteur 5 pour des masses inférieures à 0.02 eV/c2. Cette limite corrobore pour la première fois, de façon expérimentale, la limite obtenue par les arguments astrophysiques dérivés des contraintes stellaires. Durant cette phase, un seul détecteur Micromegas conventionnel, à lecture bidimensionnelle, avait était installé (emplacement « sunrise ») côte à côte avec un détecteur CCD couplé à un télescope focalisant. De l'autre coté de l'aimant, coté « sunset », une TPC conventionnelle couvrait les deux tubes à vide de l'aimant. Ce premier détecteur Micromegas fait à base des matériaux de basse radioactivité a montré une grande capacité à séparer les événements issus des photons X du bruit de fond et ce, sans blindage.
Dans la deuxième phase de l'expérience, l'aimant a été modifié pour fonctionner sous gaz (4He et 3He) à basse pression. Ainsi la sensibilité de l'expérience est étendue vers de plus hautes masses d'axions en faisant varier la pression du gaz de façon contrôlée. Fin 2005 et en 2006, des données solaires ont été prises à 160 pressions différentes d'4He, par pas de 0.08 mbar, allant jusqu'à des pressions de 13.4 mbar. L'analyse de ces données a fait l'objet de la publication JCAP 02 (2009) 008 (figure 1).
Les bonnes performances du premier détecteur Micromegas installé sur CAST ont convaincu le reste de la collaboration de remplacer la TPC vieillissante par deux nouveaux détecteurs Micromegas. Trois nouveaux détecteurs ont été conçus avec la nouvelle technologie Micromegas, dite microbulk, qui est intrinsèquement réalisée avec des matériaux à très basse radioactivité. Par la même occasion un blindage optimisé a été étudié et construit par l'Université de Saragosse, consistant en couches de cuivre, cadmium, plomb, polyéthylène, et flux d'azote.
Grâce à ces nouvelles améliorations, les détecteurs ont atteint des performances exceptionnelles avec une réduction de bruit de fond d'environ un facteur 100. L'ampleur de la rejection du bruit de fond, composé principalement des rayons cosmiques et de la radioactivité ambiante, a permis de mettre en évidence un effet qui est seulement observé par les expériences souterraines. Comme la figure 4 le montre, lorsqu'un gaz neutre N2 circule autour du détecteur (entre les plaques de blindage) le bruit de fond baisse continuellement pour atteindre son niveau le plus bas au bout de 10 jours. On attribue ce phénomène à l'évacuation progressive du radon, balayé par le flux gazeux. Ces résultats exceptionnels ouvrent une nouvelle fenêtre pour la découverte des axions et la suite de CAST pour l'après-2010. De telles performances amènent à reconsidérer la première phase de l'expérience pour améliorer la limite actuelle (ma < 0.02 eV/c2) d'environ un facteur 2 avec seulement un an de prises de données.
Figure 3 : A gauche, vue de l’installation des deux détecteurs Micromegas « sunset », dans leur blindage en cuivre. A droite, le détecteur Micromegas « sunrise » dans le blindage cylindrique en cuivre et plomb. On peut également voir quelques unes des plaques de polyéthylène qui entourent complètement le détecteur.
CAST Coll., Probing eV-scale axions with CAST, JCAP 02 (2009) 008.
CAST Coll., An improved limit on the axion-photon coupling from the CAST experiment JCAP 0704:010, 2007.
CAST Coll., First results from the CERN Axion Solar Telescope, Phys.Rev.Lett.94:121301, 2005.
1)Phénomène connu sous le nom de violation de la symétrie CP
2) CERN Axion Solar Telescope
• Structure et évolution de l'Univers › Univers sombre
• Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP)