Pour la première fois, la simulation en trois dimensions des suites d'une explosion d'étoile, en incluant l'importante contribution des particules accélérées par le choc produit par l'expansion, vient d'être réalisée par une équipe du Service d'Astrophysique du CEA-Irfu. Jusqu'ici ces simulations complexes se concentraient ou bien sur le calcul du mouvement d'expansion de la matière éjectée, ou bien sur le calcul de l'accélération de particules. L'évolution de la structure issue de l'explosion de l'étoile, qui a pu être suivie sur 500 ans, montre que les particules accélérées diminuent sensiblement la taille de la zone choquée. Les résultats peuvent être comparés aux observations en rayons X réalisées en 2005 à la position de l'explosion d'étoile observée en 1572 par l'astronome danois Tycho Brahe. Ces simulations issues du programme de calcul COAST permettent de mieux comprendre les mécanismes complexes d'accélération des "rayons cosmiques", ces flots de particules parcourant la galaxie à des vitesses proches de celle de la lumière.
Voir l'animation de l'expansion après l'explosion d'une étoile
Certaines étoiles massives finissent leur vie dans une explosion, appelée aussi « supernova ». Une partie de la matière de l’étoile est alors éjectée dans le milieu interstellaire. Ces éjectas forment une coquille en expansion rapide autour de l’étoile qui a explosé, constituant ainsi un "reste de supernova" que l’on voit briller en rayons X en raison de sa température très élevée.
Pour simuler l'évolution de la matière éjectée lors de ces explosions, les chercheurs ont utilisé une version évoluée du code hydrodynamique en trois dimensions RAMSES, développé au SAp initialement pour l'étude de la formation des grandes structures dans un cadre cosmologique. Il a fallu adapter ce code au comportement de la matière éjectée lors d'une explosion d'étoile, en utilisant en particulier une grille de calcul qui permet de s'affranchir de l'évolution globale et de concentrer la puissance de calcul sur l'évolution de la zone où la matière éjectée lors de l'explosion entre en collision avec le milieu ambiant. C'est dans cette région que des particules de matière ambiante, principalement des protons et électrons, sont accélérées à des vitesses proches de celles de la lumière.
Pour simuler l'accélération, l'équipe a couplé au code hydrodynamique un modèle analytique récent qui permet de calculer l'énergie des particules accélérées à chaque instant en fonction de la configuration du choc, et aussi de prédire les modifications induites en retour sur le choc. Prendre en compte cette rétro-action est nécessaire pour obtenir une représentation réaliste de l'évolution des restes de supernovae.
Extrait 2D d'une simulation numérique en 3D d'un reste de supernova, 500 ans après l'explosion de l'étoile, montrant l'influence des particules accélérées par l'onde de choc (en haut, cas sans particules; en bas, cas avec particules). La moitié gauche de l'image montre une coupe du reste, ce qui permet de voir sa structure interne: la matière éjectée lors de l'explosion est représentée en vert, et le milieu ambiant en violet. La présence des particules réduit sensiblement l'épaisseur de la zone de choc et augmente sa densité. La moitié droite de l'image montre une projection du carré de la densité des éjectas chauffés, ce qui donne une idée de leur émission thermique en rayons X. Crédits CEA/SAp.
Les résultats de ce nouveau code de simulation montrent que la morphologie de la zone choquée est très sensible à la présence de protons accélérés, ce qui permet de révéler indirectement la présence de ces particules - que l'on pense être accélérées en grand nombre dans les restes de supernovae, mais que l'on a du mal à observer directement. En particulier, la présence de protons énergétiques réduit sensiblement l'épaisseur de la zone choquée, comme il est observé pour certains restes de supernovae jeunes en rayons X. Par contre, les instabilités hydrodynamiques qui affectent les éjectas de façon inattendue, ne semblent pas modifiées par l'accélération de particules.
Ces travaux vont permettre de rechercher dans les restes d'étoiles ayant récemment explosé, comme la supernova observée par Tycho Brahe en 1572 ou celle observée par des astronomes chinois en 1006, les preuves définitives que ces objets violents sont bien les sites de production des rayons cosmiques dans la galaxie.
- l'animation de l'expansion après l'explosion (version Web)
- l'animation de l'expansion après l'explosion (mov)
- l'animation de l'expansion après l'explosion (version Haute définition mov)
Pour plus de détails sur la méthode et les résultats, lire : Les restes de supernovae accélérateurs de particules
Contacts : ,
Publication : "3D simulations of supernova remnants evolution including non-linear particle acceleration"
Gilles Ferrand (1), Anne Decourchelle (1), Jean Ballet (1), Romain Teyssier (1,2) et Federico Fraschetti (3,4)
(1) Laboratoire AIM, CEA/Irfu, CNRS/INSU, Université Paris VII
(2) Institute for Theoretical Physics, University of Zürich
(3) LUTh, Observatoire de Paris, CNRS-UMR8102 et Université Paris VII
(4) Lunar and Planetary Lab & Dept. of Physics, University of Arizona
Publié dans la revue "Astronomy and Astrophysics" de janvier 2010, volume 509
Télécharger le PDF (380 Ko)
Voir aussi :
- les sources de rayons cosmiques
Redaction : G. Ferrand, A. Decourchelle, J.M. Bonnet-Bidaud
• Structure et évolution de l'Univers › Phénomènes cosmiques de haute énergie et astroparticules