Les débris de la supernova SN1987A[1] ou éjecta, en déclin depuis l’explosion, vivent une cure de jouvence. Une série de clichés obtenue par télescope spatial Hubble montre depuis 2005 une lente mais régulière augmentation de leur éclat. L’énergie fournie depuis l’explosion par le chaudron nucléaire ne peut expliquer ces observations. Selon les chercheurs, ce regain d’activité provient du chauffage créé par le rayonnement X de l’anneau de gaz qui ceinture la supernova. L’origine de l'émission de l’éjecta n’est donc plus interne, SN1987A est entrée dans une nouvelle phase. Ces travaux, menés par une équipe réunie au sein de la collaboration internationale Saints[2] et à laquelle participe Patrice Bouchet du Service d'Astrophysique du CEA-Irfu, sont publiés dans la revue Nature datée 9 juin 2011.
La supernova SN1987A[1] est un objet unique qui par sa proximité permet de suivre en détail l’évolution de l’éjecta, débris de l’explosion (à ne pas confondre avec l'anneau de matière qui l'entoure et dont l'origine est différente). Après l’onde de choc initiale, le chaudron nucléaire rentre en action et l’énergie est fournie par les éléments radioactifs synthétisés (fabriqués) lors de l’explosion. Durant les 1000 premiers jours, l’éjecta brille par la transformation radioactive du Nickel 56 en Cobalt 56 puis en Fer 56. Nickel 57 et Cobalt 57 prennent ensuite le relais. Plus tardivement le Titane 44 rentre en jeu. Les observations sont en remarquable accord avec ces différentes phases. Jusqu’au jour 5000, c’est-à-dire 5000 jours (près de 14 ans) après l’explosion, la luminosité suit fidèlement l’évolution, et épuisement, du combustible nucléaire.
C’est à partir de cette époque, en 2005, que les observations obtenues par le télescope spatial Hubble, dont l’un des programmes phares est le suivi de SN1987A, décèle une augmentation de la luminosité de l’éjecta. Les observations suivantes confirment la tendance. La décroissance radioactive du Titane 44 ne peut expliquer cette observation et une source d’énergie différente est nécessaire.
Série de clichés dans 2 filtres (bande rouge ou R en haut, bande bleu ou B en bas) obtenue par le télescope spatial Hubble (HST) en fonction du temps : 1994, 1999, 2003 et 2009. L’éjecta est la partie centrale, entourée de l’anneau équatorial interne. L’excellente résolution spatiale du HST combinée à une analyse fine des images a permis de soustraire la contamination lumineuse de l’anneau et de rendre compte de l’augmentation de la luminosité de l’éjecta. (crédit: équipe SAINTS)
Plusieurs pistes sont explorées : un choc en retour provenant de l’anneau équatorial qui viendrait heurter et chauffer l’éjecta, un surplus d’énergie fourni par le possible pulsar situé au centre de l’éjecta ou encore l’illumination des débris par le rayonnement X issu de l’anneau. Basé sur les détails de l’émission observée, c’est ce dernier scénario qui est retenu par les auteurs. En effet, la brillance en rayons X de l’anneau observée par le satellite Chandra a été multipliée par trois entre les jours 6000 et 8000. Cet accroissement est similaire à ce qui est observé dans le domaine visible par le télescope Hubble et difficilement expliquée par les deux premières hypothèses. Basé sur un modèle, les scientifiques ont calculé que la conversion de 5% du flux du rayonnement X issu de l'anneau suffisait pour expliquer la variation observée dans les deux bandes optiques. Le scénario proposé explique également le changement de couleur de l'éjecta (rapport de flux entre les bandes bleu et rouge).
L’éjecta de la supernova brille donc maintenant non plus grâce à une source d’énergie interne mais par interaction avec la matière circumstellaire. Nous assistons ainsi à un changement d'état : de supernova, SN1987A entre dans la classe des restes de supernova.
Dans un proche futur, les années qui viennent, le rayonnement X va pénétrer des couches de plus en plus profondes de l’éjecta, livrant un scanner des débris de l’explosion. Parallèlement, le chauffage des poussières de l’éjecta sera de plus en plus efficace, la luminosité infrarouge augmentera. L'éjecta, de plus en plus transparente, laissera peut-être finalement émerger la lumière X ou visible du possible pulsar caché en son centre.
Contact :
« X-raying the ejecta of Supernova 1987A »
J. Larsson, C. Fransson , G. Östlin, P. Gröningsson, C. Kozma, J. Sollerman , P. Challis, R. P. Kirshner , R. A. Chevalier, K. Heng, R. McCray, N. B. Suntzeff , P. Bouchet, A. Crotts, J. Danziger , E. Dwek, K. France , P. M. Garnavich , A. Jerkstrand , S. S. Lawrence, B. Leibundgut, P. Lundqvist, N. Panagia, C. S. J. Pun, N. Smith, G. Sonneborn , L. Wang , J. C. Wheeler
Publié dans la revue Nature, version électronique (Advance Online Publication), 9 juin 2011 (fichier pdf)
Voir aussi : - Poussières et progéniteur de SN 1987A (15 octobre 2010)
- L’énigme du progéniteur de SN 1987A résolue grâce aux poussières ? (15 octobre 2010)
- Ping-pong dans l'environnement proche de SN1987A (2 septembre 2010)
Lire aussi : - le communiqué de presse du Center for Astrophysics (CfA) (en anglais, 8 juin 2011)
Notes :
[1] SN1987A : Située à 170 000 années-lumière dans le Grand Nuage de Magellan, l’explosion de l’étoile Sanduleak -69°202, le 23 février 1987, est un évènement exceptionnel puisque la seule explosion d’étoile visible à l’œil nu depuis la supernova de Kepler en 1604, il y a plus de 400 ans. Après plus de 30 ans d’observations, bon nombre de caractéristiques de cette supernova, appelée SN 1987A, ne sont toujours pas expliquées comme, par exemple, la présence des trois anneaux de matière qui entouraient l’étoile avant son explosion. Ces anneaux pourraient avoir été formés par des mécanismes de perte de masse affectant une étoile supergéante en rotation, ou par la fusion d’un système binaire.
[2] SAINTS : L’équipe SAINTS (Supernova 1987A Intensive Study) regroupe vingt chercheurs provenant de 10 instituts aux USA [les Universités de Harvard, du Colorado (Boulder), de Colombia, de Notre Dame, de Californie (Berkeley), du Texas (A&M et Austin), de Princeton, du NASA Goddard Space Flight Center et de l’Institut pour la Science du Télescope Spatial (STScI)], et de 4 instituts en Europe [l’Institut pour l’Astronomie de Zurich, l’Université de Stockholm, l’Observatoire Astrophysique de Catagne (INAF), et le Service d’Astrophysique de l’IRFU au CEA], ainsi que de l’Université de Hong Kong en Chine. Elle est placée sous la conduite des Professeurs Robert Kirshner de l’Université d’Harvard, et Richard McCray de l’Université du Colorado, aux Etats-Unis.
Rédaction: C. Gouiffès et P. Bouchet
• Structure et évolution de l'Univers › Phénomènes cosmiques de haute énergie et astroparticules Structure and evolution of celestial bodies