En préparation de la conférence ICHEP 2012 à Melbourne, les physiciens du Tevatron ont présenté les derniers résultats sur leur recherche du boson de Higgs, le 2 juillet. Les analyses mettent en avant un excès d'événements très marqué pour des masses possibles du boson de Higgs entre 115 et 135 GeV dans le canal de désintégration du Higgs en b+anti-b peu accessible au LHC. Cet excès peut soit s'interpréter comme une indication de la présence du boson de Higgs, soit comme une fluctuation statistique du bruit de fond. La précision des résultats, en combinant les deux expériences CDF et D0, se traduit par le fait que ce signal a une chance sur 550 qu’il soit due à une fluctuation statistique. L'excès d'événements du Tevatron est compatible avec la nouvelle particule observée autour de 125 GeV par les expériences ATLAS et CMS au CERN pour l’ouverture de la conférence ICHEP 2012.
En quoi la découverte du Boson est-elle une révolution ?
Le boson de Higgs est la pierre angulaire manquante du modèle standard de la physique des particules. Recherché depuis plus de 20 ans, cette particule, si elle existe, permettrait de donner une masse aux autres particules. Sans le boson de Higgs ou quelque chose de similaire pour donner une masse aux particules élémentaires, l'univers serait extrêmement différent de ce qu'il est. Par exemple les intensités des forces électromagnétiques et nucléaires seraient différentes et il ne pourrait pas exister d'atome pour former des planètes ni des êtres vivants.
Découvrir ce boson serait une révolution à plus d'un titre. Ce serait d'une part une des plus grande réussite de l'esprit humain qui a su prédire son existence à partir d'équations mathématiques nécessaires à une description cohérente des phénomènes physiques connus. Mais surtout ce serait la découverte d'une des briques les plus fondamentales de notre univers, qui permettrait d'obtenir des informations précieuses sur l'existence d'éventuelles particules ou forces au-delà du modèle standard actuel.
Résultat de l'analyse des canaux de recherche H→bb du Tevatron présentée sous la forme d'une courbe de "vraisemblance" (Likelihood). Le fait que la courbe noire (les données) s'éloignent fortement de la courbe pointillée (ce qui est prédit en l'absence de boson de Higgs) est du à un excès d'événements candidats H→bb sélectionnés par les analyses.
Excès de signal observé dans un canal de désintégration du Higgs peu accessible au LHC
Le Tevatron a cessé de fonctionner en septembre 2011 après une décennie de prise de données. Cet accélérateur a permis d'enregistrer des milliards de collisions entre des protons et des anti-protons à une énergie de 2 TeV, parmi lesquelles quelques centaines pourraient avoir produit des bosons de Higgs. Les données sont longues à dépouiller et les physiciens du Tevatron rivalisent d'astuce pour en extraire le maximum d'information, affiner les analyses et réduire l'impact des incertitudes expérimentales.
Grâce à des améliorations continues des techniques d'analyses et grâce à l'ajout des dernières données, ils ont pu présenter près de 9 mois après l'arrêt du Tevatron, des nouveaux résultats pour la conférence ICHEP 2012 à Melbourne. Les résultats révèlent un excès statistiquement significatif de particules dans lesquels le boson de Higgs peut se désintègrer (paires de quark b, anti-b). La probabilité qu'un tel excès soit du à une fluctuation du bruit de fond est évaluée à 1 contre 550. C'est une faible probabilité, mais pas suffisamment faible pour annoncer une découverte. En effet, par convention et prudence, les physiciens n'annoncent une découverte que si la probabilité que l'observation dans les données soit due à une fluctuation statistiquement est plus faible que 1 sur 3,5 million (on parle aussi de 5 déviations standards ou 5 sigma).
Mais l'excès du Tevatron est intéressant à deux titres. D'une part il correspond à une masse possible du boson de Higgs entre 115 et 135 GeV, ce qui est parfaitement en accord avec la nouvelle particule découverte par les expériences ATLAS et CMS avec les données du LHC enregistrées en 2011 et 2012. D'autre part il est observé surtout dans un mode de désintégration différent de ce qui constitue les modes principaux au LHC (paires de photons, ou quatre leptons). Cette complémentarité des modes d'observation est aussi une indication forte qu'il pourrait bien s'agir du boson de Higgs.
Des physiciens et des étudiants du service de physique des particules de l'Irfu sont membres de l'expérience D0 du Tevatron. Ils ont contribué à cette recherche, en menant notamment les analyses du canal H→WW dont les résultats sont aussi compatibles avec la présence d'un boson de Higgs de 125 GeV.
• Constituants élémentaires et symétries fondamentales
• Le Département de Physique des Particules (DPhP)
• D0