Les observations du ciel à haute énergie, en particulier avec le satellite Integral, ont permis de découvrir de nombreuses sources binaires X de grande masse dans la Voie lactée. Si plus de 200 sont actuellement recensées, leur localisation exacte au sein de la Galaxie n'était que partiellement déterminée. En mesurant avec précision la distance d’un échantillon constitué de cinquante d’entre elles, deux chercheurs du Service d'Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA-Irfu à Saclay ont montré que ces sources sont regroupées dans des amas de dimension de 1000 années-lumière, amas situés dans les complexes de formations d’étoiles abrités dans les bras spiraux de la Voie lactée. Ces travaux, à paraître dans la revue The Astrophysical Journal, permettent de mieux cerner l’environnement dans lequel ces systèmes sont nés et ont évolués.
Les systèmes binaires X à grande (forte) masse ou en anglais HMXRB’s pour High Mass X-Ray Binaries sont des couples d’étoiles constitués d’un objet compact (étoile à neutron ou trou noir) autour duquel gravite une étoile de grande masse (plusieurs fois la masse du Soleil). En tombant sur l’objet compact, la matière de l’étoile s’échauffe et émet des photons à très haute énergie, rayons X ou gamma. Puisqu’un membre du couple est une étoile massive, donc de vie courte (quelques dizaines de millions d'années), ces systèmes stellaires n’ont pas le temps de migrer significativement dans la Galaxie. Conséquence, leur localisation est un très bon indicateur des régions où les étoiles massives se forment. Mais ces objets étant principalement situés dans le plan galactique, cette mesure se heurte à de nombreux obstacles comme la forte absorption interstellaire. Pour pallier cet obstacle et établir un diagnostic le plus complet possible, les chercheurs ont utilisé pour la première fois l’ensemble des observations effectuées en lumière visible et infrarouge de cinquante binaires X de grande masse situées dans la Galaxie.
Position des binaires X (étoiles bleues) dans la Voie lactée et distribution des régions de formation stellaire (cercles verts). Sont portés sur ce graphique le nom de plusieurs régions de formation d’étoiles. Les échelles sont exprimées en kpc (1pc=3.26 année-lumière). L’étoile rouge indique la position du Soleil.
Utilisées de concert avec des modèles théoriques décrivant la luminosité émise par ces objets et en prenant un soin particulier à la délicate détermination de l’absorption interstellaire, les mesures ont permis de déterminer avec précision distance et position dans la Galaxie de l’échantillon étudié et de dresser une carte de la répartition des binaires X de forte masse. L’étude statistique montre que ces objets sont regroupés dans les complexes de formation d’étoiles en amas de taille caractéristique 0.3 kpc soit 1000 années-lumière, avec une distance moyenne entre amas de 1.7 kpc soit 5500 années-lumière.
Les chercheurs ont d'autre part étudié le décalage attendu entre les bras spiraux et la position des binaires X. En effet, notre Galaxie est constituée d’une onde de densité en rotation. C’est cette onde qui, en se propageant, déclenche la formation d’étoiles et donne cette forme spirale à la Voie lactée. Cependant, cette onde ne tourne pas à la même vitesse que la matière et donc des étoiles. De plus, une binaire X n’émet en rayons X qu’après plusieurs dizaines de millions d’années après la naissance du couple stellaire. Ainsi, en tenant compte de ces deux phénomènes, les binaires X de grande masse doivent être décalées par rapport aux régions de formation stellaire observables actuellement et ce, suivant leur âge et position dans la Galaxie. Les chercheurs ont ainsi fortement contraint âge et distance de migration pour 13 objets de l’échantillon étudié. Cette étude, possible ici mais sur un faible nombre de sources (13 objets), semble indiquer une migration différente selon l’âge et la nature des systèmes binaires impliqués. Avec dans le futur un lot de données plus conséquent, les chercheurs espèrent grâce à cette méthode contribuer à la détermination de la mesure de l’impulsion fournie au système lors de l’explosion en supernova de l'étoile, explosion à l'origine de l'astre compact du couple stellaire.
Cette étude constitue un pas important dans la compréhension de la formation et évolution des binaires X de grande masse de la Galaxie comme de leur environnement.
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Publication :
“Distribution of High Mass X-Ray Binaries in the Milky Way”
Alexis Coleiro and Sylvain Chaty, A paraître dans la revue The Astrophysical Journal
Version électronique sur Astro-ph ou télécharger le fichier pdf
Voir le communiqué de presse de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) (4 mars 2013)
Voir également : Radiographie à travers la poussière (juin 2008)
Astre compact, supergéante et cocon de matière (novembre 2004)
Rédaction: Alexis Coleiro et Christian Gouiffès
• Structure et évolution de l'Univers › Phénomènes cosmiques de haute énergie et astroparticules