Les neutrinos sont des particules qui interagissent très peu avec la matière. Émis dans les cataclysmes les plus violents de l’Univers, ils pourraient permettre de prouver que ces phénomènes sont aussi à l’origine du rayonnement cosmique, essentiellement des protons, qui bombardent la Terre en permanence. La détection des neutrinos est un défi qu’il n’est possible de relever qu’avec d’immenses détecteurs, protégés de ce même rayonnement cosmique. Antares, installé à 40 km au large de Toulon, s’en protège grâce à un blindage naturel de 2000 mètres d’eau. La lumière produite par le passage des particules est observée par 885 « yeux » répartis dans un volume couvrant quatre fois la surface d’un terrain de football, et aussi haut que la tour Eiffel. Antares, dont l’installation s’est achevée en 2008, observe entre 5 et 10 neutrinos par jour, un taux compatible avec le fond ne neutrinos produits par le rayonnement cosmique dans l’atmosphère. Malgré ce succès expérimental, l’astronomie neutrino ne pourra prendre son essor qu’avec un volume instrumenté des centaines de fois plus important, comportant des dizaines de milliers d’yeux électroniques. C’est dans ce contexte que s’est formé le consortium européen KM3NeT, au sein duquel la prochaine génération de télescope à neutrino a été étudiée, entre 2006 et 2012. Au sein de ce consortium l’Irfu a participé entre autre au développement d’une nouvelle génération de photodétecteurs et en particulier à son électronique de traitement du signal.
Le 17 avril 2013 a marqué l’immersion d’un premier photodétecteur de nouvelle génération, à l’occasion de la remise à l’eau d’une ligne instrumentée d’Antares. Baptisé DOM pour Digitial Optical Module, il est constitué d’une sphère de verre de 44 centimètres de diamètre abritant 31 photomultiplicateurs, permettant de transformer le signal lumineux en signal électrique, et l’électronique numérique associée. L’avantage de cette technologie est que la surface de collection est optimisée : les photodétecteurs d’Antares ne comportent chacun qu’un seul photomultiplicateur de grande taille, ne couvrant qu’une faible partie de la surface de la sphère protectrice. En outre la segmentation de la surface collectrice permet de mieux différencier la lumière issue du passage des particules de celle, dominante, produite par la bioluminescence marine.
Figure 1: Distribution de la différence du temps d'arrivée de deux signaux consécutifs sur le cinquième photomultiplicateur, correspondant à un taux moyen de 20 kBq (20.000 signaux par seconde).
L’Irfu/Sédi a grandement contribué à cette réussite en assurant la conception et l’intégration du système électronique embarqué : la carte électronique principale (central logic board , CLB) concentre sur un unique composant1 toute la logique de lecture et de contrôle des 31 photomultiplicateurs et de l’instrumentation embarquée, ainsi qu’un microprocesseur2 et l’interface réseau vers le monde extérieur. La connexion à la terre se fait par une fibre-optique sous-marine de type Ethernet Gigabit.
L’Irfu/Sédi s’est également chargé de la distribution du signal d’horloge et des commandes qui permettent aux différents photodétecteurs d’être synchronisés sur la même liaison optique que celle employée pour contrôler les paramètres de fonctionnement et acquérir les données. Ce défi a été relevé sans que la bande passante ne soit affectée, en utilisant le protocole Ethernet (TCP/IP) sans le perturber, permettant ainsi une économie importante sur le cout de l’installation en réduisant le nombre de fibres optiques utilisées.
La couche logicielle du système, entièrement développée au Sédi, est une application distribuée comprenant des modules qui s’exécutent d’une part sur un système d’exploitation en temps réel (VxWorks) sur le processeur du DOM et d’autre part, sur un système Linux sur le PC d’acquisition à terre. Différents niveaux d’optimisation permettent d’atteindre un débit de l’ordre de 430 Mbit/s, ce qui laisse une marge confortable au regard des taux mesurés in situ. L’ensemble des développements validés par ce premier prototype in situ (voir quelques exemples dans l’encadré) apporte une solution générique utilisable dans d’autres dispositifs expérimentaux où il est nécessaire de restituer la cohérence spatio-temporelle des évènements détectés, notamment lorsque la dispersion spatiale des éléments de détection est importante.
Contact :Bertrand Vallage (SPP) et Frédéric Louis (SEDI)
[1] type FPGA Xilinx Virtex 5
[2] PowerPC440
• Structure et évolution de l'Univers › Phénomènes cosmiques de haute énergie et astroparticules
• Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP) • Le Département de Physique des Particules (DPhP)