Depuis les années 90 l’Irfu a conçu, réalisé et fait fonctionner des sources ECR (Electron Cyclotron Resonance) d’ions légers fort courant pour différents projets comme IPHI, SPIRAL2, IFMIF, FAIR. Ce sont des sources de volume important (R~250mm, L~800mm), composées d’un corps de source (ensemble chambre plasma, injection RF et génération du champ magnétique) et d’une structure accélératrice connectés l’un à la suite de l’autre. La dynamique des faisceaux d’ions intenses produits par ces sources nécessite des lignes de transport à basse énergie (LBE) les plus courtes possibles. La source ALISES II offre une réponse à cette problématique. C’est une source haute intensité d’ions légers compacte (R~100mm, L~400mm) développée et améliorée depuis 2011, dont l’innovation réside dans sa structure « monobloc », en ce sens que le corps de la source intègre également l’isolation électrique entre la haute tension et la masse.
Histoire des sources d'ions légers intenses à Saclay
Depuis les années 90, et plus précisément avec le lancement du projet TRISPAL, puis dans la perspective du démonstrateur IPHI, le CEA s’est lancé dans la conception et la réalisation de sources d’ions légers (protons, deutons) de type ECR (Electron Cyclotron Resonance) à haute intensité en mode continu qui s’est d’abord concrétisée par la source SILHI avec un courant total extrait de125 mA (100 mA H+) à 100 kV, puis par les sources SPIRAL2, IFMIF et FAIR en utilisant le même type de géométrie. Ces sources délivrent de quelques mA à plus de 100 mA pour des tensions d’extraction allant de 20 kV à 100 kV.
Project /Source |
High Voltage |
Current |
Magnetic Configuration |
SILHI IPHI |
100kV |
100mA H+ |
Coils |
IFMIF EVEDA |
100kV |
140mA D+ |
Coils |
SPIRAL2 |
20kV 40kV |
5mA H+ 5mA D+ |
Permanent Magnets |
FAIR p linac |
100kV |
100mA H+ |
Coils |
SILAP-1 |
40kV |
30mA / 60mA |
Permanent Magnets |
SILHI2 |
50kV |
40mA H+,D+ |
Permanent Magnets |
Le principe de toutes ces sources est basé sur l’excitation d’électrons par résonance cyclotronique électronique (ECR) en présence d’une onde électromagnétique haute fréquence et d’un champ magnétique. Elles fonctionnent avec un générateur radiofréquence (RF) à 2.45 GHz et un champ magnétique de 87.5 mT produit par un système de bobines ou d’aimants permanents. La résonance se produit à l’intérieur d’une chambre d’ionisation (chambre plasma) dans laquelle un gaz hydrogène ou deutérium est injecté et subit une ionisation due à l’excitation des électrons. L’ensemble étant porté à la haute tension, un orifice de quelques millimètres permet de produire un faisceau d’ions au moyen d’un système d’extraction multi électrodes qui assure à la fois la mise en forme et l’accélération du faisceau.
Les améliorations qui ont été apportées jusqu’à aujourd’hui concernent principalement la géométrie du système d’extraction. L’utilisation d’aimants permanents est aussi une voie prometteuse pour simplifier le fonctionnement de la source.
Mais depuis quelques années, en parallèle des différents projets d’injecteurs, une réflexion a été menée sur la fonctionnalité des différents sous-ensembles d’une source ECR et leur arrangement nécessaire pour la production d’un faisceau d’ions. L’objectif est d’obtenir une source compacte, constituée d’un assemblage de pièces simples de manière à avoir une maintenance aisée. Elle a conduit à la construction d’un premier prototype ALISES I pour valiser le concept. Après des modifications importantes, la nouvelle source ALISES II est maintenant opérationnelle.Amélioration de la source d'ions ALISES I
En 2011, nous avons développé une nouvelle source d’ions mono chargés de type ECR pour répondre en partie à la problématique des accélérateurs de forte intensité (de l’ordre de 100 mA), à savoir minimiser la longueur de la ligne basse énergie (LBE). Pour produire les ions, un champ magnétique solénoïdal assure la condition de résonance avec l’onde RF. Pour extraire les ions d’une source à une énergie de l’ordre de 20 kV à 100 kV, nous avons besoin d’un tube accélérateur composé d’une structure isolante reliant la source portée à la haute tension et la ligne de transport à la masse, et d’un système d’extraction composé de plusieurs électrodes. Ces structures mènent généralement à des agencements d’électrodes en « poupées russes », et nécessitent de grands diamètres pour éviter les claquages électriques. La simplification de ce système s’est concrétisée par la source ALISES I pour laquelle un brevet a été déposé (Brevet n° BD12360), mais la structure isolante de grand diamètre, pièce complexe et coûteuse, était une pièce existante (rechange de la source SILHI).
Avec les études et expériences menées au laboratoire lors de la thèse de S. Nyckees, nous avons pu mettre en évidence l’établissement de zone d’amorce de décharges Penning, dues au piégeage d’électrons entre les électrodes.
Les améliorations apportées à la source ALISES I ont permis d’éliminer les décharges Penning, de simplifier la géométrie de la source, de faciliter l’assemblage des différents éléments pour une maintenance plus aisée, mais également de réduire le coût des sources.
Innovations techniques
Un des points forts de cette source réside dans la compacité de l’ensemble source, c’est à dire la chambre plasma, l’injection RF, le système d’extraction et la structure isolante, aboutissant à une structure monobloc.
Dans le cas d’ALISES II, la structure isolante fait partie du corps de source. Les électrodes du système d’extraction (électrode intermédiaire et ensemble d’électrodes masse-filtre-masse (MFM) sont de simples disques fixés en extrémité de la structure isolante. Nous avons un bloc source équipé de ses électrodes d’extraction. Ce bloc ainsi que le solénoïde sont sur un bâti à la masse, ainsi que l’alimentation électrique du solénoïde et il n’est pas nécessaire d’avoir une plateforme haute tension.
Performances obtenues avec ALISES II
La source est installée sur le banc test BETSI depuis février 2015. Le premier faisceau a été extrait en mars 2015 et, on peut extraire régulièrement un faisceau d’ions hydrogène de 35 mA à 42 kV (H+ et autres ions moléculaires) au travers d’une électrode plasma percée d’un trou de diamètre 6 mm, avec un record d’intensité extraite de 38.5mA à 42kV. La source peut fonctionner pour l’instant jusqu’à 50 kV en mode pulsé ou continu. Les réglages de la source sont parfaitement reproductibles. Après une nuit d’arrêt en laissant la source en mode plasma (pas d’extraction de faisceau), en remettant la haute tension et les mêmes paramètres, on retrouve les mêmes caractéristiques du faisceau.
La source ayant été jugée performante et stable, plusieurs expériences ont pu être réalisées avec cette source sur BETSI :
Futurs développements
Dans le cadre de l’upgrade de BETSI à 100 kV, la source sera testée à plus haute tension. Nous avons déjà vérifié qu’elle tient 70 kV sans faisceau. Des essais jusqu’à 100 kV sont prévus avec faisceau. Le projet de source ALISES III consiste d’une part, à améliorer la tenue en tension par rapport au connecteur de l’électrode intermédiaire en le déplaçant vers l’arrière de la source. Cela permettra de placer une bobine de diamètre plus faible autour de la structure isolante, en éliminant ainsi le solénoide actuel.D’autre part, le bloc source sera fixé sur le début de la LBE par l’intermédiaire d’une bride brasée sur la structure isolante en alumine. Il n’y aura plus de bâti source. Des études de réduction de la dimension radiale de la chambre plasma sur ALISES II pourront permettre de diminuer encore les dimensions de la source.
Une demande de brevet FR 15 56871 a été déposée le 21-07-2015 pour cette conception originale.
Contact: Olivier Delferrière
• Le Département des accélérateurs, de cryogénie et de magnétisme (DACM)
• Laboratoire d’'études et de développements pour les accélérateurs (Léda)