L’Univers tel que nous l’observons aujourd’hui est né de fluctuations de la densité de matière qui ont eu lieu dans les tous premiers instants du Big Bang. Les régions plus denses que la moyenne ont donné naissance aux galaxies et aux amas de galaxies, tandis que les régions moins denses que la moyenne ont donné naissance aux vides cosmiques. C’est ainsi pour le Vide Local qui, malgré sa proximité avec notre Voie lactée, doit être étudié indirectement par le mouvement des galaxies. Cette étude a permis d’observer un phénomène d’évacuation du vide où de la matière quitte le vide pour rejoindre les zones plus denses comme des amas de galaxie. Un phénomène non négligeable car il influence la vitesse de notre Voie lactée à hauteur de presque 30% de sa vitesse totale.
En 1987, les astronomes Brent Tully et Richard Fisher, dans leur entreprise de cartographie des galaxies proches, découvraient que notre galaxie était située sur la périphérie d’un immense vide. Il apparaissait alors que le groupe de galaxies comprenant la Voie lactée et ses voisines telles que la Galaxie d’Andromède constituaient un véritable mur délimitant l’une des faces de ce vide. On a aussi observé de la matière s’écoulant des régions les moins denses vers les régions les plus denses : un phénomène d’évacuation du Vide Local, celui-ci devenant de plus en plus grand et de plus en plus vide au fil du temps. L’intérêt de comprendre et d’étudier ce vide est multiple : l’essentiel de la matière qui nous constitue doit provenir de ce vide (qui n’est en fait qu’une zone moins dense de l’Univers mais comportant quand même des galaxies) et celui-ci joue donc un rôle dans notre archéologie galactique; les vides en général constituent des sondes cosmologiques que l’on étudie pour percer les mystères de la matière noire et de l’énergie noire. Malheureusement une difficulté majeure a constitué un frein pour l’étude directe de ce vide cosmique : celui-ci est situé essentiellement dans une région du ciel cachée par le disque de notre propre galaxie : la Zone d’Obscuration Galactique, constituée des épais nuages de poussière du milieu interstellaire. Toutefois, pour pallier cette difficulté observationnelle, une technique indirecte de cartographie en trois dimensions a été mise en œuvre. En utilisant les observations des mouvements des galaxies nous déduisons la distribution de masse (et d’absence de masse) responsable de ce mouvement et nous en construisons une carte en 3D.
La carte ainsi reconstituée révèle une morphologie complexe et nuancée, avec une dimension caractéristique de 60 mégaparsecs, c’est-à-dire environ 200 millions d’années-lumière (pour comparaison, notre Voie lactée a un diamètre de 100 000 années-lumière). Au même titre que les régions surdenses qui s’organisent en une structure filamentaire appelée la « Toile Cosmique » caractérisée par des filaments reliant entre eux des amas de galaxies, les régions sous-denses forment un réseau de vides profonds connectés entre eux par des passages peu profonds, c’est-à-dire dont la densité est légèrement inférieure à la densité moyenne. Cette cartographie produite à partir d’un catalogue de 18 000 galaxies (construit pas à pas depuis quelques années : 1 700 en 2013, 8 000 en 2017) explore non seulement la structure de notre voisin le Vide Local, mais aussi celle de ses relations avec les vides géants qui l’entourent : le Vide d’Hercule, le Vide du Sculpteur et le Vide d’Eridan, beaucoup mieux connus car situés en dehors de la Zone d’Obscuration Galactique.
Notre carte recense les points les plus vides et les nomme en fonction d’une nomenclature basée sur leurs positions dans les 88 constellations et sur leurs distances. Des détails cosmographiques tels que la présence de filaments ténus de galaxies traversant de part en part le Vide Local, ou la présence de certaines galaxies massives, sont accessibles grâce à cette carte.
Un indice sur la vitesse de notre galaxie
Finalement, la compréhension de la structure en 3D du Vide Local permet de ré-examiner la question importante en cosmologie de notre vitesse dans l’Univers. Le groupe de galaxies auquel appartient la Voie lactée se déplace à la vitesse de 630 km/s, soit environ 2,3 millions de km/h. Une estimation de la contribution du Vide Local à travers le phénomène d’évacuation donne une vitesse d’environ 200 km/s, les influences combinées de la répulsion du Vide Local et de l’attraction par l’amas de galaxies de la Vierge (l’amas de galaxies le plus proche de la Voie lactée) comptant pour 50% de notre mouvement dans l’Univers. Ces résultats permettent de comprendre le détail des contributions des multiples acteurs qui participent à ce mouvement, parmi lesquels le Grand Attracteur, l’Attracteur de Shapley, et le Répulseur du Dipôle, un autre vide cosmique situé à beaucoup plus grande distance, et dont les influences ont été étudiées dans des publications récentes (voir fait marquant).
Cette étude a été conduite par une collaboration internationale incluant: Brent Tully de l’Université d’Hawaï, Daniel Pomarède du CEA Irfu, Romain Graziani et Hélène Courtois de l’IPNL/Université Lyon 1, Yehuda Hoffman de l’Université Hébraïque de Jerusalem et Edward Shaya de l’Université du Maryland.
Publication : https://doi.org/10.3847/1538-4357/ab2597
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Pour aller plus loin :
Une vidéo interactive pour reconstituer les trajectoires de galaxies : fait marquant 2018
L’atlas de la toile cosmique des vitesses maintenant disponible : fait marquant 2017
Des cartes de l’Univers en mouvement : fait marquant 2013