La boucle de circulation du lithium SATELIT et la buse, siège de l’interaction entre les protons et le lithium.
L’Irfu, en collaboration avec l’Isas (DPC/SCCME), a développé un prototype de boucle de circulation de lithium liquide. Installée au bout d’une ligne accélératrice de protons, cette technologie permettra de produire des neutrons. Elle complétera ainsi le catalogue d’instruments de production de neutrons, suite à l’arrêt de certains réacteurs. Son principe repose sur l’utilisation de lithium (Li) liquide dans une boucle en acier où une buse expose le lithium au faisceau de protons. La première phase d’étude, SATELIT (Saclay Target with Lithium), a observé une première circulation du Li liquide pendant plusieurs heures. La prochaine étape du projet sera de tester cette technologie avec le faisceau produit par l’accélerateur IPHI pour créer les premiers neutrons courant 2022.
SATELIT phase 0 : une boucle de circulation de lithium liquide @ O. Corpace
L’arrêt du réacteur Orphée à Saclay et de ses activités associées a conduit l’Irfu à développer et mettre en œuvre des sources compactes de neutrons, basées sur accélérateur. L’accélérateur de protons IPHI, existant, associé à un convertisseur p/n est potentiellement en mesure de fournir une fluence de quelques 108 neutrons par cm2.
C’est dans ce cadre que le projet SATELIT a été imaginé dès 2019. Le matériau utilisé pour réaliser la conversion des protons est le lithium (Li). Celui-ci, à l’énergie actuelle du faisceau de protons d’IPHI (3 MeV), peut produire un nombre important de neutrons, environ 5 fois plus que du béryllium (Be) par exemple. Utilisé sous forme liquide, il permet de s’affranchir de dégradations mécaniques de la cible mais aussi et surtout de jouer le rôle de caloporteur en évacuant la puissance thermique du faisceau (10 kW) vers un échangeur de chaleur. Une boucle de circulation permet un stockage initial d’une dizaine de kg de Li dans un réservoir connecté à une pompe électromagnétique qui va mettre en circulation le métal liquide et le faire passer dans une buse où il sera exposé au faisceau de protons.
Cependant, l’utilisation innovante de Li liquide nécessite de relever certains défis techniques. Il faut tout d’abord maîtriser le risque incendie avec des barrières de sécurité car le Li, comme les autres métaux alcalins, réagit avec un grand nombre de molécules, à commencer par l’eau, l’oxygène et l’azote. Sans montrer de réactions aussi violentes que le sodium (Na) ou le potassium (K), le Li en phase liquide est protégé par une enceinte remplie d’un gaz neutre, de l’argon (Ar) en l’occurrence, qui fait l’objet d’une surveillance incendie spécifique.
Parmi les autres difficultés à considérer, il faut également prendre en compte la compatibilité des matériaux avec le Li. Certains sont proscrits, comme l’aluminium qui a tendance à se dissoudre facilement à son contact. La problématique de la corrosion par les métaux liquides est bien connue du SCCME (Service de la Corrosion et du Comportement des Matériaux dans leur Environnement) de l’institut des sciences appliquées et de la simulation au CEA. L’expérience de cette unité de recherche est grande dans le domaine des métaux liquides, notamment sodium, eutectique Pb-Bi ou eutectique Pb-Li. Ces acquis sont utilisables vis-à-vis de spécificités du Li et ce support est précieux dans le développement du projet. Les seuls matériaux en contact avec le Li dans la boucle sont, dans la configuration actuelle, des aciers inoxydables, y compris les joints situés dans les brides.
La toute première phase du plan de développement du projet SATELIT (phase 0) a été réalisée en dehors de toute contrainte nucléaire, l’objectif étant de mettre en service et maitriser la circulation du Li dans une boucle en acier. Celle-ci a débuté il y a un an par les premières commandes d’instrumentation pour montrer ses premiers résultats le 21 octobre dernier, avec une circulation pleinement opérationnelle de la boucle liquide durant 3 heures.
Cette configuration de l’équipement va nous permettre maintenant de caractériser l’instrumentation associée, en particulier la pompe électromagnétique, les débitmètres, les dépôts de vapeur de Li et possiblement les premiers effets de la corrosion.
La phase suivante (phase 1) verra cette même boucle implantée auprès de l’accélérateur IPHI pour les premiers tests de production de neutrons au cours du second semestre 2022. La radioprotection et la maîtrise du risque incendie seront assurées par un blindage et une enceinte « double peau » sous vide spécifiques.