L’origine des rayons cosmiques Galactiques, leur source d’énergie et leur processus d’accélération soulèvent de nombreuses questions plus de 100 ans après leur découverte par Victor Hess en 1912. Quelles sont leurs sources d’accélération et d’énergie ? Quels sont les mécanismes d’accélération et leurs propriétés ?
Si ce ne sont pas les seules sources envisagées, les chocs forts dans les restes de supernova constituent l’un des lieux privilégiés d’accélération qui permettent d’accélérer les particules par le mécanisme d’accélération diffusive. De plus, si une fraction de 10-20% de l’énergie cinétique du choc est ponctionnée pour accélérer les particules, le taux de supernova dans notre Galaxie peut rendre compte de l’énergie requise pour maintenir la population de rayons cosmiques Galactiques.
Les observations en rayons X, quant à elles, ont l’avantage de pouvoir cartographier finement les lieux d’accélération. Et, intérêt majeur, elles renseignent à la fois sur les propriétés du plasma thermique chauffé à des millions de degrés et sur celles du plasma non-thermique d’électrons accélérés à des énergies très élevées de l’ordre du téraélectron-volt. Elles offrent ainsi des clés à la compréhension des mécanismes d’accélération au choc, et spécifiquement de leur rétroaction et de leur dépendance au champ magnétique.
Une équipe internationale, incluant une chercheuse du Département d’Astrophysique/Laboratoire AIM du CEA Paris-Saclay, vient de publier dans la revue Nature communication un article sur l’accélération de particules dans le vestige millénaire de la supernova SN 1006. Ces résultats apportent une nouvelle brique à la compréhension de l’origine des rayons cosmiques Galactiques et des conditions de leur accélération au choc dans les restes de supernova jeunes. Ils mettent en lumière la rétroaction de l’accélération de particules sur les propriétés du choc, là où le champ magnétique est quasi parallèle à la vitesse du choc. L’étude des propriétés de la matière le long du choc par spectroscopie spatialement résolue en rayons X, menée avec les observatoires Chandra et XMM-Newton, révèle en effet une évolution azimutale du rapport de compression de densité au choc qui dépend de l’orientation du champ magnétique ambiant. Ce profil est cohérent avec les récentes simulations numériques hybrides de choc à l’état de l’art, qui reproduisent l’accélération diffusive par choc quasi-parallèle, et prennent notamment en compte l’amplification du champ magnétique et la dépendance à l’obliquité du champ magnétique. Les données sont reproduites par le modèle pour une efficacité d’accélération totale de 18 %, (12% due aux ions fraichement accélérés et 6% de ré-accélération de rayons cosmiques existants), et pour 5% de pression due au champ magnétique amplifié. Une signature de ce modèle est qu’il tient compte du post-curseur, découplage de la vitesse du champ magnétique et des particules accélérées, avec celle du fluide thermique, ce qui a pour conséquence d’augmenter le rapport de compression et de rendre le spectre de particules accélérées plus pentu, en accord avec les observations.
Reste de supernova de SN1006. A gauche, image composite en rayons X dans les bandes d’énergie 0.5-1 keV (en vert) et 2.5-7 keV (en bleu), dominées respectivement par l’émission thermique du gaz chauffé à des millions de degrés, et par l’émission synchrotron des électrons accélérés à des énergies au TeV. En rouge, la colonne densité d’absorption HI. La position du choc est symbolisée par un cercle en pointillé vert. B représente le champ magnétique ambiant et Θ, son inclinaison. A droite, le profil azimutal du rapport de compression dérivé des données X de Chandra et XMM, et le modèle d’accélération en trait plein noir (12% de pression due aux ions fraichement accélérés, 6% de ré-accélération de rayons cosmiques existants, et 5% de champ magnétique amplifié). Pour illustration, le modèle en tireté est sans accélération de rayons cosmiques préexistants, et celui en pointillé est sans amplification du champ magnétique et post-curseur.
Les propriétés du choc observées dans le reste de supernova SN1006 sont ainsi reproduites dans le cadre d’un nouveau paradigme pour l’accélération diffusive au choc, qui met en lumière la dépendance de l’efficacité d’accélération à l’obliquité du champ magnétique ambiant, le rôle de la ré-accélération de rayons cosmiques pour une obliquité plus importante (> 45°) et le rôle du post-cursor sur la compressibilité au choc et la pente du spectre des particules accélérées. Une prochaine étape sera de rechercher ces signatures dans d’autres vestiges de supernova.
Contacts CEA: Anne Decourchelle
Publication:
“The supernova remnant SN 1006 as a Galactic particle accelerator ”, Roberta Giuffrida, Marco Miceli, Damiano Caprioli, Anne Decourchelle, Jacco Vink, Salvatore Orlando, Fabrizio Bocchino, Emanuele Greco, Giovanni Peres, Nature communications (2022)13 :5098
https://arxiv.org/abs/2208.14491
Rédaction : Anne Decourchelle
• Structure et évolution de l'Univers › Phénomènes cosmiques de haute énergie et astroparticules
• Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM