Une version interactive de cette figure est disponible sur le site web de COmputational ASTrophysics (COAST) https://irfu.cea.fr/Projets/COAST/Ho'oleilana.html
La question de notre place dans l’Univers : "où sommes-nous dans l’Univers ?" est une question fascinante, à l’origine de l’une des sciences parmi les plus anciennes : la Cosmographie, la cartographie du Cosmos. Grâce à une méthode fondée sur l'étude des champs de vitesses des galaxies mesurées par différents télescopes, les cosmographes, constitués d’une équipe de chercheurs du CEA, de l’université de Hawaii et de l’université du Queensland, reconstruisent la toile cosmique de notre Univers proche et y dévoile son architecture révélant de grandes structures de superamas de galaxies, mais aussi de grands vides, façonnés par la gravitation [1].
Daniel Pomarède, de l’Irfu, est en charge de la cartographie des catalogues Cosmicflows et de leur visualisation 3D et interactive depuis 2010. Entre 2014 et aujourd’hui, leur catalogue est passé de 8000 à 30 000 galaxies et la carte s’agrandit avec l’inclusion d’un catalogue de galaxies mesuré par la collaboration SDSS [2].
Avec leur dernier catalogue Cosmicflows-4, ils viennent de découvrir une immense bulle de galaxies, un nouveau fossile des débuts de notre Univers, datant de la même époque que le rayonnement fossile du fond diffus cosmologique. C’est la première fois qu'un vestige d’une onde, témoin de l’univers primordial, a été mesuré individuellement dans la distribution des galaxies.
Ces résultats viennent de paraitre dans The Astrophysical Journal.
“Ho’oleilana: An Individual Baryon Acoustic Oscillation?” by R. Brent Tully, Cullan Howlett, and Daniel Pomarède, The Astrophysical Journal, Volume 954, Number 2 https://doi.org/10.3847/1538-4357/aceaf3
Vue d'artiste de Ho'oleilana (ici en version HD).
La coquille tridimensionnelle entourée par l'oscillation acoustique des baryons est colorée en marron. Son rendu est intensifié pour faire ressortir son contenu en termes de galaxies et sa « place » dans la structure plus large de la toile cosmique. Les positions des galaxies, matérialisées par de minuscules points lumineux, sont tirées du catalogue Cosmicflows-4, tandis que la toile cosmique, représentée par la structure filamentaire bleuâtre, est tirée d'une analyse préliminaire du champ de densité déduit du même catalogue. La distribution des galaxies et la toile cosmique sont extrapolées au-delà du domaine de nos mesures actuelles pour compléter l'image. Outre Ho'oleilana, cette vue expose également les structures découvertes ces dernières années par le programme de recherche Cosmicflows : Laniakea, le superamas de galaxies qui inclut notre propre galaxie, la Voie Lactée ; le Mur du Pôle Sud, un filament géant de la toile cosmique qui englobe les frontières les plus australes de Laniakea ; le « Dipole Repeller » et le « Cold Spot Repeller », deux régions sous-denses vraisemblablement associées à deux vides cosmiques géants.
Crédits : Frédéric Durillon, Animea Studio ; Daniel Pomarède, IRFU, CEA Université Paris-Saclay. Ce travail a bénéficié d'un financement gouvernemental de France 2030 (P2I - Ecole doctorale de physique) sous la référence ANR-11-IDEX-0003."
Cette entité a reçu le nom de Ho'oleilana, un terme provenant du chant Hawaïen de la création, le Kumulipo, qui évoque l'origine du monde.
Celle-ci a la forme d’une coquille sphérique où se situent des superamas de galaxies déjà connues (voir figure ci dessus). Il s'agirait de la première observation de l’empreinte laissée par une onde acoustique baryonique BAO (Baryon Acoustic Oscillation) [3]. Ces oscillations trouvent leur origine dans l’opposition entre la gravitation et la pression du plasma, deux phénomènes antagonistes, exacerbée dans les régions de plus haute densité, telle que celle identifiée au niveau du Superamas du Bouvier au centre d’Ho’oleilana. La mesure de son diamètre est d’un milliard d'années-lumière, et son centre est à une distance de 820 millions d'années-lumière de nous. Elle a la taille prévue pour une BAO qui aurait grandi avec l’expansion de l’Univers depuis le moment où l‘onde a été figée, au moment de la formation des premiers atomes d’hydrogène 380 000 ans après le Big Bang.
C’est la première fois que les vestiges d’une des ondes, témoins de l’univers primordial, ont été mesurés individuellement dans la distribution des galaxies. Les BAO n'ont été jusqu'à présent qu'observées de manière indirecte dans l’ étude statistique de la distribution spatiale des galaxies ou d'autres traceurs, permettant ainsi de mesurer les paramètres du modèle standard de la cosmologie comme la Constante de Hubble, la courbure de l’univers ou bien l’énergie noire.
En comparant leurs résultats avec des simulations, les chercheurs ont démontré que la structure en coquille identifiée comme Ho'oleilana a moins de 1% de probabilité d'être un accident. Ho'oleilana possède les propriétés géométrique d'une oscillation acoustique de baryons prévue par la théorie, y compris la proéminence en son centre d'un superamas riche, mais elle se distingue plus fortement que prévu. Ho'oleilana est légèrement plus grand que prévu et la constante de Hubble que l’on peut déduire de sa taille est en accord avec les mesures dans l’Univers local (les supernovae, les céphéides, ...) et en tension avec les mesures faites dans l’univers lointain (Planck avec le CMB, SDSS et les quasars..)
De futures données plus approfondies, comme celles du Dark Energy Spectroscopic Instrument (DESI) ou du 4MOST Hemisphere Survey pourraient permettre de détecter des structures similaires ailleurs dans l'Univers proche. Les chercheurs utiliseront ces données pour étudier et confirmer d'autres détails concernant Ho'oleilana, BAO et le taux d'expansion de l'Univers.
autres liens vers cette actualité:
[1] historique des faits marquants des catalogues Cosmicflow
[2] SDSS Peculiar Velocity (SDSS PV) catalog (Howlett, C., et al. 2022, MNRAS, 515, 953, https://doi.org/10.1093/mnras/stac1681
[3] Ho'oleilana: An ScienceIndividual Baryon Acoustic Oscillation?
The Astrophysical Journal, Volume 954, Number 2
[4] les visualisations interactives et la vidéo de l'article:
• Structure et évolution de l'Univers › Evolution des grandes structures et des galaxies
• Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP)
• Laboratoire d'ingénierie logicielle pour les applications scientifiques (LILAS)