La collaboration Euclid publie aujourd’hui cinq articles de référence de la mission et dix articles scientifiques basés sur les premières images qui furent dévoilées au public en novembre 2023, et les nouvelles images présentées aujourd’hui par l’ESA.
Cette phase d’observations préliminaires menée l’automne dernier donne un aperçu des performances exceptionnelles du télescope. Les premiers articles scientifiques révèlent d’ores-et-déjà la découverte de planètes errantes nouvellement nées, la richesse de la population d'amas globulaires autour des galaxies voisines, la découverte de nouvelles galaxies naines à faible brillance de surface dans un amas de galaxies voisin, la distribution de la matière noire et de la lumière intra-amas dans les amas de galaxies, ou encore de dizaines de galaxies massives datant d’une époque où l’Univers n’avait que 5% de son âge actuel.
En parallèle de ces 15 articles, l’ESA dévoile aujourd’hui cinq nouvelles images basées sur ces observations qui permettent une fois de plus de contempler la finesse des images de Euclid, et sa capacité à observer toutes les échelles de l'Univers depuis le domaine optique jusqu’au proche infra-rouge sur un vaste champ de vue, plus de deux fois la surface de la pleine Lune.
Le CEA joue un rôle majeur dans l’ensemble de la mission au sein de la collaboration Euclid, depuis la conception et réalisation, jusqu’à son exploitation scientifique qui va se dérouler sur les six prochaines années. Le CEA est également très impliqué dans ce programme de validation scientifique du télescope mis en place par l’ESA. Jean-Charles Cuillandre, astronome au département d’astrophysique du CEA-Irfu, a analysé ces premières données scientifiques transmises par Euclid pour, d’une part, créer les images couleur mais aussi, permettre leur exploitation scientifique. Il est coauteur des 10 articles scientifiques relatant les premières découvertes, dont 2 en tant que premier auteur, l’un portant sur l’amas de galaxie de Persée et l’autre sur le traitement des images.
En collaboration avec l'agence spatiale européenne (ESA), la collaboration Euclid, mené par 2600 personnes dans 18 pays du monde, et marqué par une très forte implication du CEA, a planifié, construit et exploite actuellement la mission du télescope spatial Euclid. Cette mission vise à cartographier sur une période de six ans la structure à grande échelle de notre Univers au fil du temps, afin de contraindre la nature de l'énergie noire et la validité de la relativité générale à l'échelle cosmologique. Lancé le 1er juillet 2023, le télescope a commencé sa cartographie du ciel le 14 février 2024.
Cinq nouveaux articles scientifiques documentent les performances d'Euclid et seront tout au long de la mission, des documents de référence pour la communauté intéressée par les données et les résultats scientifiques d'Euclid.
Un premier article présente la synthèse de la mission Euclid, couvrant ses objectifs scientifiques, les détails de l'engin spatial, la planification de l'étude, les produits de données, l'analyse prévue, et plus encore. Trois articles décrivent le développement et les spécifications des deux instruments embarqués sur Euclid, VIS et NISP, et l’étalonnage de ce dernier. Les tests de vérification des performances indiquent que le télescope et les deux instruments fonctionnent à un niveau conforme aux attentes. Enfin, un dernier article présente la collection “Euclid Flagship” de milliards de galaxies basée sur la plus grande simulation cosmologique jamais réalisée. Les simulations sont utilisées pour évaluer, calibrer et corriger les erreurs systématiques des méthodes d’analyse des données Euclid.
“Ces cinq articles, qui totalisent tout de même plus de 200 pages, représentent à la fois l’aboutissement de plus d’une décennie d’efforts de la collaboration Euclid, et le début d’une nouvelle phase, celle de la science Euclid” déclare Marc Sauvage, chercheur au Département d’Astrophysique du CEA-Irfu, président du comité scientifique de la collaboration Euclid
Les cinq nouvelles imges Euclid ERO parues le 23 mai 2024
ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi
Les Euclid ERO (“Early Release Observations”, c’est à dire des observations rendues publiques tôt dans la vie du projet) ont été obtenues au fil de l’automne 2023, pour un total de 24 heures d’observation. Le but de ce programme est de donner un aperçu des capacités uniques à Euclid. Pour cela, dix-sept cibles ont été observées, parmi celles-ci des amas de galaxies, des galaxies proches, des amas globulaires et des régions de formation d'étoiles. Une première série de cinq images spectaculaires a été publiée par l’ESA en novembre 2023, qui ont fait le tour du monde, [Voir le communiqué de presse de l’ESA du 7 novembre 2023]. Une seconde série de cinq images parait aujourd’hui pour célébrer la publication des premiers résultats scientifiques alors que les données scientifiques sont également rendues [Voir le communiqué de presse de l’ESA du 23 mai 2024].
"Les images et les résultats scientifiques associés sont d'une diversité impressionnante en termes d'objets astronomiques et de distances observés.” a déclaré Valeria Pettorino, scientifique du projet Euclid à l'ESA, chercheuse affiliée au Département d’Astrophysique du CEA-Irfu. “Elles génèrent une grande variété d'applications scientifiques et ne représentent pourtant que 24 heures d'observation au total. Ces premières observations démontrent clairement que Euclid est à la hauteur de la tâche qui l’attend. Nous attendons avec impatience les six années à venir !” Ajoute Valeria.
Jean-Charles Cuillandre, astronome au Département d’Astrophysique du CEA-Irfu a mené pour l’ESA cette campagne d’observation avec un groupe de scientifiques de la collaboration Euclid, depuis le choix des sources astrophysiques, le traitement des données brutes transmises par Euclid, la production des images, jusqu’à leur analyse scientifique. Il est par conséquent parmi les auteurs principaux des 10 articles, et premier auteur de deux d’entre eux. Il est également à l’origine des magnifiques images couleur.
L’un de ses articles détaille le programme ERO et la chaine complète de traitement des images spécifique à cet effort et décrivant la qualité extraordinaire des données de Euclid.
« Les images inédites de ce programme ont non seulement mené à de premières belles découvertes d’Euclid que nous publions aujourd’hui, elles démontrent aussi que les miroirs d’Euclid sont proches de la perfection ! » s’exalte Jean-Charles Cuillandre. « C’est un niveau jamais atteint par un télescope imageur offrant un tel champ de vue à une si haute résolution grâce à ses deux grandes caméras panoramiques. Euclid offre des capacités inégalées pour explorer l'Univers à différentes échelles au travers d’une large gamme de luminosité, ouvrant par là-même une nouvelle fenêtre d'observation dans le proche infrarouge. » ajoute-t-il.
Un des 6 programmes ERO fut dédié à l’étude de l’amas de galaxies de Persée par une équipe de 45 scientifiques de la collaboration Euclid, menée par J.-C. Cuillandre.
« L’amas de galaxies de Persée est le champ qui a nécessité le plus gros effort d’observation parmi les 17 champs ERO: plus de cinq heures ont été nécessaires pour révéler des centaines de galaxies de l’amas alors inconnues. C’est un cas très unique d'amas car il est à la bonne distance pour être optimalement observé par Euclid en un seul pointé, une opportunité qui ne se reproduira pas durant les 6 ans de mission car il y a très peu d’amas proches de ce type dans la toile cosmique de l’Univers proche. Ainsi donc, nous savons que les 3 premiers articles produits par notre équipe sur les propriétés de l’amas dans son ensemble, ses galaxies naines et sa lumière intra-amas, resteront d'actualité pour longtemps » conclut Jean-Charles Cuillandre.
Cet amas est l'une des structures les plus massives connues dans l'Univers. Situé à 240 millions d'années-lumière de la Terre, il contient plus d’un millier de galaxies. Une caractéristique importante de l'image d'Euclid de Persée est la faible lumière clairement identifiée entre les galaxies au cœur de l'amas. Cette lumière est causée par des étoiles errantes dans le vide intergalactique, conséquence de l'interaction des galaxies entre elles au fil des milliards d’années. En étudiant cette lumière dite intra-amas, les scientifiques cherchent à retracer l'histoire de l'amas.
Matthias Kluge, de l'Institut Max-Planck de physique extraterrestre de Munich, en Allemagne, a déclaré : "Cette lumière diffuse est plus de 100 000 fois plus faible que le ciel nocturne le plus sombre de la Terre. Mais elle est répartie sur un volume si important que lorsque nous l'additionnons, elle représente environ 20 % de la luminosité de l'ensemble de l'amas."
Les chercheurs ont caractérisé la population de galaxies dans ce vaste volume central de l’amas. Cette analyse a révélé 1100 galaxies naines, dont 630 nouvelles identifications !
"Les images ERO de l'amas de Persée démontrent la capacité unique d'Euclid à détecter et caractériser de larges échantillons de galaxies naines, ce qui nous permet de construire une image détaillée de la formation et de l'évolution des galaxies sur une large gamme d'échelles de masse et d'environnements", indique Francine Marleau, scientifique à l'Institut d'Astronomie et de Physique des Particules d'Innsbruck.
Les mesures de luminosité en optique et infrarouge par Euclid surpassent largement les mesures précédentes alors qu’il s’agit de l’amas le plus étudié de tous les temps étant donné sa proximité. Les propriétés de l'amas ont été analysées dériver la distribution des galaxies en luminosité et de masse stellaire, révélant une diversité spécifique au sein de la population de galaxies, offrant alors des informations sur la physique sous-jacente de la formation et de l’évolution des galaxies.
“Les données uniques obtenues de l'amas de Persée soulignent les capacités remarquables du télescope Euclid. Nos résultats diffèrent des prédictions des simulations cosmologiques, fournissant de nouvelles perspectives sur la formation et l'évolution des galaxies. Cette étude inédite enrichit par ailleurs notre compréhension de la structure de l'univers et des processus d'évolution des galaxies dans de tels amas denses.” conclut Maëlie Mondelin, doctorante au Département d’Astrophysique du CEA-Irfu.
Contacts Irfu/Dap : Jean-Charles CUILLANDRE, Marc SAUVAGE, Maëlie MONDELIN
Pour aller plus loin :
Communiqué de press du consortium Euclid
Articles de référence Euclid :
Articles scientifique Early Release Observation Euclid :
• Structure et évolution de l'Univers › Evolution des grandes structures et des galaxies
• Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
• Cosmologie et Evolution des Galaxies
• Euclid