Dans le numéro de Nature du 9 février 2006, la collaboration Hess annonce la détection d’une source de rayonnement gamma diffus au voisinage du centre de la Voie lactée. Ce réseau de 4 télescopes d’un genre particulier permet de cartographier pour la première fois les sources de rayons gamma dans l’Univers. Les propriétés de ces rayons gamma suggèrent qu’ils sont produits par des protons fortement accélérés au centre de la Galaxie. Des chercheurs du Dapnia participent à la collaboration internationale Hess, située en Namibie, qui rassemble une centaine de physiciens et d’astrophysiciens.
Issu des meilleures technologies du monde de l’astronomie et de la physique des particules, chaque télescope de Hess comprend une immense parabole de 108 m2 de surface composée de près de 400 miroirs élémentaires. Ces paraboles concentrent sur des photomultiplicateurs les très rares photons issus de l’interaction des rayonnements gamma à haute énergie avec l’atmosphère terrestre (on parle de lumière Tchérenkov). Ces infimes flashs lumineux doivent être repérés dans le bruit de fond continuel provenant d’autres interactions ou de la luminosité des étoiles. La reconstruction stéréoscopique permise par les quatre télescopes permet d’atteindre une excellente précision angulaire pour des photons de très haute énergie (0,08 degré).
Fig. 1 : Image du voisinage du centre de la Voie lactée obtenue par Hess, après soustraction des deux sources ponctuelles, dont les positions sont indiquées par le cercle jaune et l'étoile. Les contours verts pointillés marquent la position des sources vues par le satellite Egret à des énergies de quelques centaines de MeV. Les contours montrent la densité surfacique de masse des nuages d�hydrogène moléculaire.
La source découverte par Hess s’étend le long du plan galactique (figure 1), et est corrélée aux nuages d’hydrogène moléculaire présents dans cette région. L’émission gamma serait donc provoquée par les collisions entre des rayons cosmiques très énergiques et les atomes constituant les nuages moléculaires. L’extension de la zone d’émission, estimée à environ 500 années-lumière dans l’axe du plan galactique, suggère fortement que ces rayons cosmiques sont composés de protons. En effet, alors que des électrons de quelques TeV d’énergie cinétique perdent toute leur énergie en moins de 100 ans dans les champs magnétiques intenses du centre galactique et ne peuvent donc en sortir, des protons pourraient diffuser pendant plusieurs milliers d’années avant de quitter la zone du centre galactique. Les collisions de ces protons avec l’hydrogène moléculaire produiraient alors des pions neutres qui se désintègrent en deux photons gamma.
De plus, la distribution de l’énergie des rayons gamma mesurés par Hess (figure 2) reproduit celle des rayons cosmiques chargés à l’origine de ces rayons. Cette distribution montre que ces rayons cosmiques sont plus énergiques que les rayons cosmiques mesurés directement au voisinage de la Terre. L’interprétation de cette différence est que le rayonnement cosmique observé par Hess dans les nuages moléculaires du centre galactique est beaucoup plus jeune que celui mesuré au voisinage de la Terre, car ce dernier a voyagé plusieurs millions d’années dans la Galaxie, y perdant de son énergie.
Fig. 2 : Spectre de l'énergie des photons détectés par Hess dans deux régions du centre galactique: zone A, -0,8° < l <0,8° (courbe bleue) et zone B, 0,3° < l <0,8° (courbe grise). On constate que les deux spectres ont le même indice spectral (pente de la droite en échelles logarithmiques).
La bande grise montre le flux de photons qui serait produit par des rayons cosmiques chargés avec un indice spectral similaire à celui mesuré au voisinage du Soleil (pente plus forte, indiquant une énergie moyenne plus faible).
L’explication la plus plausible du phénomène observé est qu’il existe au centre galactique une source qui accélère des rayons cosmiques. Ces rayons cosmiques, diffusant dans les nuages voisins, les illuminent en produisant les rayons gamma détectés par Hess. Ce site d’accélération pourrait être le reste de supernova SgrA East, qui est vieux de 10 000 ans environ, ou le trou noir central SgrA*.
Cette découverte constitue la première mise en évidence d'un site où ce sont des hadrons (ici des protons) qui sont accélérés pour former des rayons cosmiques. Cela confirme l’intérêt des expériences destinée à détecter des neutrinos cosmiques, car ils ne peuvent être produits que par des sources hadroniques.
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Pour en savoir plus :
Hess est l'acronyme de High Energy Stereoscopic System. La collaboration Hess comprend des laboratoires de l'IN2P3, de l'Insu et le Dapnia. Rappelons que Hess a déjà étudié en détail la morphologie de plusieurs restes de supernova, comme celui appelé RXJ 1713.7-3946 qui a fait l'objet d'une publication dans Nature en 2004 (vol 432). Grâce à sa position géographique privilégiée, Hess a pu également étudier le centre de la Voie lactée. Une source gamma ponctuelle intense, HESSJ1745-290, a été détectée dans la direction du centre de notre galaxie (F.Aharonian et al., A&A 425, L13, 2004) . Compte tenu de la résolution angulaire de Hess, cette émission pourrait provenir du trou noir massif SgrA* ou d'un reste de supernova voisin, Sgr A East. Une autre source ponctuelle, située à 1˚ du centre et associée au reste de supernova G0.9+0.1(F. Aharonian et al., A&A 432, L25, 2005), a également été découverte par Hess.
• Structure et évolution de l'Univers › Phénomènes cosmiques de haute énergie et astroparticules
• Le Département de Physique des Particules (DPhP)
• H.E.S.S.