De nombreuses toutes petites galaxies sont observées, en particulier en orbite autour des galaxies massives comme la Voie Lactée. Chacune contient moins d'un milliard d'étoiles, soit cent fois moins que les galaxies géantes. D'ou viennent ces mini Voies Lactées ? On pensait jusqu'ici que la majorité avait été formée dès le début de l'histoire de l'Univers mais des simulations numériques à haute résolution menées par une équipe de l’Observatoire de Paris et du Service d'Astrophysique du CEA/DAPNIA, viennent de révéler que les choses ne sont pas si simples. Ces travaux démontrent en effet qu'une fraction non négligeable de ces galaxies naines se forme et survit lors des collisions de galaxies géantes. L'existence de ces naines dites "de marée" pourraient amener une révision profonde des modèles cosmologiques de formation des galaxies. Ces résultats sont publiés dans la revue européenne Astronomy & Astrophysics.
Les galaxies massives telles que la Voie Lactée sont entourées de nombreuses galaxies naines satellites. Selon le modèle cosmologique actuel du Big Bang, ces dernières se seraient formées très tôt dans l’histoire de l’Univers à partir de l’effondrement de petites fluctuations primordiales. La plupart aurait fusionné entre elles progressivement pour former les galaxies les plus massives mais un certain nombre aurait survécu à ce processus de fusion. Le nombre de ces satellites, ainsi que leur distribution spatiale, constitue donc un test important des modèles de formation des galaxies. Il renseigne à la fois sur la structuration de l’Univers et sur la nature des halos de matière noire dans lesquels ils orbitent.
Quatorze galaxies satellites ont déjà été découvertes autour de la Voie Lactée dont deux en mai 2006 dans la constellation des Chiens de Chasse et du Bouvier. Pourtant l’abondance de ces galaxies naines dans le groupe de galaxies auquel appartient la Voie Lactée, le Groupe Local, est bien moindre que celle attendue, ce qui pose de sérieux problèmes au scénario cosmologique standard. De même, l’observation récente dans de grands sondages de galaxies proches, comme celui du Sloan Digital Sky Survey (SDSS), d’une distribution particulière, plutôt anisotrope, des galaxies satellites a suscité récemment de nombreux débats sur leur origine.
Toutes ces galaxies sont-elles vraiment primordiales ? Depuis une quinzaine d’années, les scientifiques ont réalisé que des rencontres de galaxies pouvaient aussi jouer un rôle. Lorsque des galaxies spirales entrent en collisions, elles développent par effet de marée de longues « Antennes », des trainées de gaz et d'étoiles. Dans ces queues de marée, de nouvelles galaxies naines peuvent se former : ce sont les « galaxies naines de marée ». Savoir si ces naines de marée peuvent survivre longtemps au-delà de la collision de spirales massives à leur origine et si elles contribuent de manière importante au nombre final des galaxies naines dans l’Univers sont des questions fondamentales auxquelles les observations n’ont pu jusqu’à présent offrir de réponses satisfaisantes.
Pour pouvoir "voir" le résultat des collisions, Frédéric Bournaud de l’Observatoire de Paris et Pierre-Alain Duc du CEA-Saclay ont utilisé des simulations numériques sur ordinateur. Au cours de ces dernières années, des modèles numériques réalistes, incluant la dynamique des étoiles, du gaz interstellaire et de la matière noire, ont été développés pour reproduire la formation des naines de marée.
Simulation sur ordinateur d'une collision entre deux galaxies spirales. Chaque image correspond à l’état du système à des moments clefs. A gauche, le début de la collision; au milieu, après 300 millions d’années, moment où des galaxies naines se sont formées dans les longues queues de marée (cercles) ; à droite, après un milliard d’années, lorsque les naines de marée qui ont survécu apparaissent comme des galaxies satellites en orbite autour de leurs galaxies parents qui ont fusionnées. (cliquer sur les images pour agrandir). Crédits CEA/CNRS |
Une centaine de collisions entre galaxies spirales a pu être simulée. Chaque simulation représente les galaxies par trois à six millions de particules, avec une résolution spatiale de 380 parsecs, et a nécessité en moyenne 5 heures de calcul sur le calculateur vectoriel NEC-SX6 du CEA. Chacune des ces simulations est proche en termes de résolution des meilleures simulations mondiales de collisions de galaxies, mais c’est surtout le grand nombre de simulations que les moyens de calcul du CEA ont permis de réaliser qui constitue l’originalité de ces travaux. En effet, pas moins de 600 naines de marée qui ont pu être identifiées dans ces simulations, ce qui a permis une analyse statistique détaillée de leur taux de formation, durée de vie et distribution dans l'espace.
Ces simulations ont montré que près du quart des galaxies naines formées lors d'une collision survivaient au moins pendant deux milliards d'années. Les naines de marée même si elles représentent sans doute qu'une faible fraction du total des galaxies naines de l’Univers, sont donc probablement beaucoup plus nombreuses dans certains environnements tels que la proximité directe des galaxies de type précoce, des galaxies elliptiques ou les groupes compacts de galaxies. Etant donnée leur distribution spatiale particulière autour de leur pro géniteur, anisotrope et limitée en rayon - elle aussi prédite statistiquement par ces simulations numériques -, les galaxies naines de marée doivent donc modifier les propriétés statistiques de la population d’ensemble des galaxies naines. Leur existence sera donc un élément à prendre en compte à l’avenir pour contraindre les scénarios cosmologiques et la nature de la matière noire.
Film d'une collision. Droits réservés CEA
Pour une version haute définition : fichier AVI (27 Mo)
Contact :
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Le communiqué de presse du CEA (12 juin 2006) | |
Le communiqué de presse INSU/CNRS (12 juin 2006) | ||
Le communiqué de presse de l'Observatoire de Paris (12 juin 2006) |
Publications :
"From Tidal Dwarf galaxies to Satellite Galaxies" F. Bournaud et P.A. Duc, à paraître dans la revue Astronomy and Astrophysics, 2006,
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voir aussi : | - Halos géants autour des galaxies. (9 octobre 2003) |
Rédaction : P-A Duc, F. Bournaud, J.M. Bonnet-Bidaud
• Structure et évolution de l'Univers › Planètes, formation et dynamique des étoiles, milieu interstellaire Détection des rayonnements Modélisation, calcul, analyse des données
• Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
• Cosmologie et Evolution des Galaxies • Groupe simulation • Modélisation des Plasmas Astrophysiques